Une majorité de Français n'apprécient pas leur Président. En mars, ils étaient 70 % à avoir une mauvaise (dont 38 % une très mauvaise) opinion d'Emmanuel Macron (1). Même s'il n'est pas responsable du mauvais temps, les sondés n'apprécient pas l'action menée par le jeune dirigeant ni sa personnalité. La persistance du mouvement des « gilets jaunes » qui, samedi après samedi, manifestent pour demander la démission du Président en témoigne. Or, paradoxalement, ce jugement négatif contraste avec les indicateurs économiques qui n'entérinent pas l'idée d'une perte du pouvoir d'achat, qui avait justifié le déclenchement de ce mouvement inédit, après la hausse de la taxe carbone sur les carburants décidée par le gouvernement.
Ainsi, le marché du travail s'améliore, avec un taux de chômage de 8,8 %, son plus bas niveau depuis dix ans. Quant à l'inflation, elle tourne autour de 1 %. Par ailleurs, le taux de pauvreté - dont le seuil correspond à 60 % du niveau de vie médian - en France, compte parmi les plus bas de l'Union européenne, même s'il touche 8,8 millions de personnes. Après avoir reculé continûment à partir de 2011, il s'affichait selon l'Insee, à 13,3 % en 2016, contre 16,1 % en Allemagne, 17,1 % au Royaume Uni, 21,6 % en Espagne, 20,3 % en Italie, et 16,9 % en moyenne dans l'UE. Cette amélioration de la conjoncture est de nature à améliorer les revenus des ménages et donc la croissance.
L'impopularité de Macron n'est pas une exception en Europe
En outre, les 10 milliards d'euros concédés par le Président au mouvement des « gilets jaunes » en décembre en faveur des foyers les plus modestes ont également contribué à soutenir la consommation, et donc l'activité. « Comme les prestations sociales représentent 36 % du revenu disponible brut des ménages, indique Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo BHF, le gain en pouvoir d'achat au premier trimestre 2019 sera de 1 % sur un an ». L'expert rappelle que, au quatrième trimestre de 2018, au plus fort de la contestation, ce pouvoir d'achat s'était apprécié avec la réduction de 1,9 % des cotisations sociales et des impôts.
Au total, le revenu disponible brut des ménages a progressé sur un an de 3,3 % à la fin 2018, et de 4,4 % au premier trimestre 2019. Si on retranche une inflation autour de 1 %, « le pouvoir d'achat des ménages est en train de connaître sa plus forte accélération depuis la fin de la crise financière », souligne Bruno Cavalier, qui rappelle que la Banque de France anticipe une hausse de 0,7 point de ce revenu pour 2019. Certes, l'augmentation du revenu disponible ne se traduit pas mécaniquement par une hausse de la consommation. Les ménages peuvent préférer limiter leurs dépenses en attendant d'avoir davantage confiance dans l'avenir.C'est d'ailleurs ce que reflète le taux d'épargne des Français. Au premier trimestre de 2019, il se situe au plus haut depuis 2012, à 15,5 % des revenus, de quoi, selon Bruno Cavalier, offrir « des marges de soutien de la consommation plus avant en 2019 ». ,
Dans ces conditions, l'impopularité d'Emmanuel Macron est-elle une exception française ? Non, en Allemagne, au Royaume Uni, ou aux États-Unis, où la situation économique est plutôt meilleure qu'en France, les critiques pleuvent aussi sur les leaders. Cette déconnexion entre situation matérielle et situation symbolique ou idéologique montre que les dirigeants dans nos démocraties sont davantage jugés sur leur représentation que sur leurs actions. Après tout, nos vies sont plus influencées par les institutions, les normes européennes, la dynamique de la mondialisation et ou encore les marchés financiers... laissant au dirigeant le rôle de bouc émissaire quand les administrés sont en colère. ¦
(1) Sondage La Tribune-BVA-RTL-Orange (mars 2019).
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