Vaccination : inspirante Amérique

CHRONIQUE. Pour les Etats-Unis, le succès est total ; la solidarité exemplaire ; la détermination sans faille. Mais pas pour l'Europe... Par Michel Santi, économiste (*).
(Crédits : JONATHAN ERNST)

Hormis le succès phénoménal de la campagne de vaccination aux Etat-Unis, j'ai été moi-même vacciné en mars dernier bien avant que ma tranche d'âge ne soit appelée et à peine plus de deux jours après mon inscription sur les listes.

Le gouvernement des États-Unis a réussi un autre tour de force car ses citoyens se sortent de la crise de la Covid - financièrement - en meilleure posture que préalablement au déclenchement de la pandémie. Si sensible à la protection sociale, l'Europe semble - elle - avoir perdu un peu de son âme à la faveur de cette crise pour s'être fait dépassée par une nation n'ayant traditionnellement pas cette fibre.

Au final, elle s'en sort décrédibilisée - cette Europe - et ce d'autant qu'elle ne peut intégralement attribuer ce vertigineux élan américain au seul Démocrate Biden (et à son plan de sauvetage pharaonique à 1.900 milliards de dollars), car même Trump le honni ne fut pas en reste avec ses deux plans adoptés vers la fin de son mandat.

Une révision du mythe du ruissellement

Des études de la Brookings ont démontré que l'économie du pays n'aurait pu se rétablir avant fin 2023 en l'absence de cette succession de stimuli, quand les statistiques économiques indiquent que les fondamentaux sont revenus en mai 2021 à leurs niveaux de début 2020. Les Américains ont donc appris des erreurs du passé. De ce passé proche, puisque tout le monde se souvient des timides plans de relance d'Obama en 2008 entièrement responsables d'une reprise qui fut timide et inégale.

De fait, les autorités américaines sont encore allées plus loin dans le cadre de la crise de la Covid, car, si elles ont bien sûr dépensé beaucoup plus, elles ont également dépensé bien mieux. L'accent a en effet été particulièrement mis (jusque-là sous Biden et à la fin du mandat Trump) sur des aides substantielles en direction des familles, tandis que la quasi-totalité des aides précédentes le fut en faveur des entreprises et des contribuables les plus fortunés. C'est donc une révision drastique de doctrine qui fut entreprise à l'occasion de la crise sanitaire, car - de fait - les États-Unis d'Amérique ont désormais officiellement renoncé à la politique de l'offre tout en jetant aux oubliettes le mythe du ruissellement.

Une famille typique aura ainsi à ce jour reçu trois chèques : 1.200 dollars par adulte au printemps 2020, 600 en décembre de la même année et 1.400 en mars 2021 ! L'impact sur la consommation, sur le moral des ménages, mais également par ricochet sur l'investissement des entreprises, est massif, car l'addition de ces sommes données sans condition aux citoyens américains fut l'équivalent de près de 11.000 dollars pour une famille de quatre en l'espace d'une année. Un tel soutien direct aux citoyens par la courroie de transmission d'envois de chèques change la donne. Il est sans précédent dans l'Histoire mondiale, car favorise ouvertement les individus et leur permet de compenser les pertes de revenus dues à la crise sanitaire, sans fioritures, sans nul tracas administratif. «Populiste», accuseraient certains esprits chagrins - ou plutôt jaloux - stigmatisant le passage outre les corps intermédiaires qui n'auraient fait que ralentir le processus, voire diminuer les montants octroyés.

Une Europe à la traine

C'est une révolution copernicienne initiée aux États-Unis qui se déroule néanmoins sous nos yeux. Elle force d'autant plus l'admiration que c'est surtout l'Europe - dont le PIB moyen se sera contracté de 6,7% en 2020 - qui avait besoin de telles mesures énergiques, en tout cas bien plus que les États-Unis qui n'auront perdu que 3.5 points de PIB sur la même période. La frilosité et la bureaucratie européennes n'ont donc accouché de rien de concluant, alors que l'économie dont ils ont le contrôle a régressé deux fois plus que celle des États-Unis. La générosité américaine, quant à elle, aura permis à ses citoyens - y compris et surtout les moins bien lotis - de traverser sereinement cette crise, qui fut donc un véritable révélateur des carences de notre continent encore et toujours velléitaire.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

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Commentaires 4
à écrit le 11/05/2021 à 11:09
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Bonjour, je partage complètement votre point de vue sur la partie vaccination. Concernant la partie économique, n'oublions pas qu'en Europe, nous avons mis en place des mécanismes de type chômage partiel qui sont pour moi équivalent à ce que les US...

à écrit le 11/05/2021 à 10:30
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article pas franchement subtil. les US et le UK ont gardé toute leur production de doses pour eux, alors que l'UE en a exporté plus de 200 millions vers 90 pays comme le rappelaient ces jours-ci Bloomberg et le Financial Times. d'ou plus de vaccina...

à écrit le 11/05/2021 à 10:23
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Faites attention, vous vous ramollissez avec le temps... :-)

à écrit le 11/05/2021 à 8:41
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Sachez que je m'en veux de gâcher un peu votre enthousiasme, vraiment. La campagne de vaccination semble hélas, patiner aux USA alors que moins de 50% de la population est vaccinée. Biden fait son possible mais il y a des réalités compliquées dans...

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