En Ile-de-France, la région peut-elle résoudre la crise du logement ?

RÉGIONALES. En Ile-de-France, comme dans le reste de la France, les compétences liées au logement sont éparpillées façon puzzle. Les professionnels franciliens de l'immobilier témoignent d'« un choc de la pénurie de l'offre ». Les candidats à la succession de Valérie Pécresse veulent accélérer la production de logements sociaux et attaquer les « maires délinquants » qui ne respectent pas la loi SRU.
César Armand
(Crédits : iStock)

En cette veille de fin de trêve hivernale, jamais la question du logement en Ile-de-France ne s'est posée avec autant d'acuité. Région la plus peuplée de France avec 12,175 millions d'habitants, elle est aussi la collectivité qui compte le plus de mal-logés : 1,2 million, selon une enquête de la fondation Abbé Pierre publiée en octobre 2019. 977.000 vivent dans des conditions très difficiles de la même façon que 211.000 restent privés de domicile personnel (dont 148.000 hébergés par des tiers).

D'autant que selon une étude de l'Insee parue le 21 avril dernier, l'Ile-de-France compte 5,8 millions de logements, dont 6,8% de logements vacants et 3,8% de résidences secondaires. Soit 11,6% d'habitats qui échappent à l'hébergement principal. Sans oublier que la majorité des Franciliens sont locataires : 52,9% contre 47,1% de propriétaires. Dans ces conditions, que peut faire la région, qui renouvelle son collège d'élus les 20 et 27 juin prochain ?

Des compétences éparpillées façon puzzle

En Ile-de-France, comme dans le reste de la France, les compétences liées au logement sont éparpillées façon puzzle. Au plus bas de l'échelle administrative, les maires des communes détiennent, encore et toujours, le pouvoir d'octroyer, ou non, un permis de construire, de la même manière qu'ils élaborent et votent un plan local d'urbanisme (PLU) et même un PLUi à l'échelle intercommunale.

Ce n'est pas tout : la ville-centre Paris est, par exemple, en train d'élaborer un PLU bioclimatique, c'est-à-dire adapté au dérèglement climatique, tandis que la métropole du Grand Paris n'arrive pas à voter son plan local d'habitat et d'hébergement (PMHH), censé rééquilibrer l'offre de logements sur son territoire. Dernier étage de la fusée : le conseil régional, qui a le pouvoir de l'aménagement du territoire, est censé faire sortir de terre 70.000 logements par an, dont 37.000 logements sociaux. Il possède même un établissement public dédié : l'EPFIF, chargé de libérer le foncier plus facilement.

« Un choc de la pénurie de l'offre »

En réalité, l'année pré-électorale 2019-2020, la Covid-19 qui a paralysé les chantiers, le report de trois mois du second tour des élections municipales et les équipes nouvellement élues en juin dernier créent une crise sans précédent dans la production de logements neufs qui se répercute, par ricochet, dans le parc social. A tel point que la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, candidate aux élections régionales dans le Val-de-Marne, monte au créneau et rêve de 250.000 logements sociaux construits d'ici à fin 2022, dont 32.000 en Ile-de-France rien qu'en 2021.

Pour atteindre cet objectif dans la région-capitale, il va falloir mettre les bouchées doubles. En 2020, seuls 15.300 logements neufs ont été lancés sur l'année, dont 13.500 appartements classiques, 1.300 résidences avec services et 500 maisons, d'après les données de la fédération des promoteurs immobiliers d'Ile-de-France. « C'est 22.000 logements de moins qu'en 2017. En regardant ce qu'il y a devant nous, c'est encore pire », estime son président Marc Villand, pdg d'Interconstruction.

Ce n'est guère mieux du côté de l'offre. Seulement 17.300 logements étaient disponibles en fin d'année dernière, dont 15.800 appartements, 1.100 résidences services et 400 maisons. « On est en train de créer le choc de la pénurie de l'offre. Cela va se répercuter sur le prix du foncier et des logements, cela va désolvabiliser une partie des Franciliens », poursuit le président de la FPI IDF.

Logement social: un écart de 1 à 10

Les promoteurs immobiliers construisant la moitié du parc social, ces mauvais chiffres ne sont pas sans conséquence pour les 745.000 demandeurs de logement social en Ile-de-France. Si, en 2020, moins de 10% d'entre eux (60.930) se sont vus attribuer un habitat, ce ne sera guère mieux en 2021.

« Ce décalage de l'offre et de la demande de 1 à 10 qui va croissant, les inégalités spatiales qui existent entre les communes malgré la loi SRU, la rénovation urbaine qui nécessite de démolir et de reconstruire... Ce ne sera pas suffisant », alerte Jean-Luc Vidon, président de l'Union sociale pour l'habitat - Ile-de-France.

Un chèque de 10.000 euros pour un premier logement

Dans le cadre de la campagne actuelle, la présidente (Libres) sortante du conseil régional Valérie Pécresse se félicite d'avoir lancé un « dispositif anti-ghetto », c'est-à-dire de n'avoir plus financé de logements très sociaux dans les communes qui en comptent déjà 30%. Si elle est réélue, elle promet de faire accéder 200.000 Franciliens à un logement social ou à un logement rénové.

Le candidat de la majorité présidentielle, Laurent Saint-Martin, entend, pour sa part, créer un chèque de 10.000 euros pour les Franciliens qui achètent un premier logement, financer deux fois plus de logements sociaux et en réserver une partie pour les salariés et fonctionnaires qu'il est coutume de surnommer de première et de deuxième ligne.

Les « maires délinquants » dans le viseur d'Autain

A gauche, l'Insoumise Clémentine Autain veut consacrer 1 milliard d'euros à la production de logement sociaux, avec 35.000 logements supplémentaires par an, mais aussi s'attaquer « aux maires délinquants », qui ne respectent pas les quotas de la loi SRU, à savoir 25% de logements sociaux.

La socialiste Audrey Pulvar dit, elle, vouloir rétablir un budget structurant pour l'accès au logement en relançant une aide à la production de logements sociaux, en soutenant les démarches d'encadrement de loyers ou encore en aidant les organismes de foncier solidaire, c'est-à-dire qui dissocient le terrain du bâti, pour qu'ils produisent 5.000 logements en accession sociale.

60 à 70% des Franciliens éligibles au logement social

Chez Europe-Ecologie-Les Verts, enfin, Julien Bayou, qui a commencé comme militant associatif chez Jeudi Noir contre le mal-logement, souhaite « tripler » le budget du logement social pour soutenir les communes carencées, densifier les villes « un peu abandonnées » comme Nemours ou Coulommiers en Seine-et-Marne et veut obliger les maires à encadrer les loyers. L'écologiste en oublierait presque que seul l'Etat est habilité à décider avec les communes concernées.

Tous les candidats, ou presque, mettent l'accent sur le logement social. Il est vrai que plus de 60 à 70% des Franciliens y sont éligibles. Les propositions ne manquent pas non plus en matière de construction neuve, de transformation de bureaux en logements ou de rénovation urbaine, mais cette dernière suppose de démolir puis de reconstruire. Comme un éternel recommencement.

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 01/06/2021 à 6:05
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Ce n'est pas à la région de régler le problème , mais à l'état en délocalisant toutes les administrations, ministères grandes écoles en province.

à écrit le 31/05/2021 à 20:32
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La seule chose à comprendre, c'est qu'il n'y a aucune crise du logement en Ile-de-France. Pourquoi ? Parce que l'Ile-de-France est déjà suffisament construite, sufisamment dense. Donc, qu'est-ce qu'on veut, densifier encore plus ? Mais ça ne sert str...

à écrit le 31/05/2021 à 18:12
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Non, elle ne peut pas. Et d'ailleurs, elle ne le veut pas.

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