Pourquoi le cidre est en pleine effervescence

Fort d’une image artisanale en phase avec la tendance du moment, le cidre regagne des galons grâce à une nouvelle génération de producteurs et récoltants décomplexés qui allient savoir-faire et faire-savoir.
Vieilli en amphores, en jarres ou en barriques bourguignonnes, co-fermenté avec du coing, cuvées parcellaires, millésimées ou monovariétales... Les nouveaux cidriculteurs montent en gamme et débordent d'inventivité.
Vieilli en amphores, en jarres ou en barriques bourguignonnes, co-fermenté avec du coing, cuvées parcellaires, millésimées ou monovariétales... Les nouveaux cidriculteurs montent en gamme et débordent d'inventivité. (Crédits : DR)

Oubliée la boisson râpeuse et astringente directement puisée au tonneau que Normands et Bretons aimaient à siffler d'un trait pour étancher leur soif. Place au nouveau cidre. Comme la bière artisanale ou les vins naturels avec qui il cousine volontiers, il refait son apparition sur les tables françaises. A l'origine de cette ébullition, de jeunes producteurs audacieux qui n'hésitent plus à laisser parler leur créativité. « Ils ont délaissé l'empirisme de leurs prédécesseurs pour une approche plus technique. Le spectre organoleptique du cidre s'est élargi, il a acquis une vraie valeur d'étonnement » constate Dominique Hutin, chroniqueur de l'émission "On va déguster" sur France Inter et fin connaisseur du monde cidrier.

Des goûts et des couleurs

Vieilli en amphores, en jarres ou en barriques bourguignonnes, co-fermenté avec du coing, cuvées parcellaires, millésimées ou monovariétales... Les nouveaux cidriculteurs montent en gamme et débordent d'inventivité. Reprise en 2018 par un ancien vigneron, la vénérable maison Hérout installée en bio dans le Cotentin incarne bien cette évolution. « Nous tentons des fermentations plus élaborées en veillant à bien équilibrer nos assemblages ce que faisaient moins nos aînés » relate Jean-Baptiste Aulombard.

Le même souci de la diversité anime Grégoire Ferré, propriétaire dans l'Orne de la maison éponyme. Président de la toute jeune AOP du Perche, il a réhabilité des pommes oubliées pour enrichir la palette des jus. « Les années 90 avaient été marquées par un  resserrement variétal autour de trois pommes normandes et de trois pommes bretonnes très productives. En réaction, nous avons inventorié les vieux vergers et replanté d'anciennes variétés intenses en goût » explique t-il. Pour chaque hectare nouvellement planté, le cahier des charges de l'AOP exige qu'il soit bordé 200 mètres de haies bocagères. Une donnée clef pour Dominique Hutin. « Le cidre participe de l'identité paysagère et devient même un levier de promotion des territoires » insiste t-il.

Après l'avoir boudé, la gastronomie l'adoube

Les efforts des producteurs pour gagner en qualité rencontrent un écho. Hier ostracisé pour sa rusticité, le « vin de pomme » commence à se ménager une place dans les traités d'œnologie. Philippe Faure Brac, reconnu « meilleur sommelier du monde » en 1992, lui a ainsi consacré un chapitre entier dans sa « bible » sur les accords entre mets et vins parue en 2020. Une évidence à l'entendre. « Avec le saké, c'est la boisson qui fait vibrer le monde de la sommellerie en ce moment parce que la filière s'est réveillée et qu'elle offre une magnifique alternative » s'enflamme t-il.

Comme Philippe Faure Brac qui propose cinq cuvées dans son établissement du boulevard Haussmann, bon nombre de restaurateurs font désormais figurer du cidre sur leur carte. « Le monde de la gastronomie et celui des cavistes nous entend et nous écoute mieux » confirme Grégoire Ferré. La valorisation est à l'avenant : certains « grands crus » s'affichent à plus de 100 euros sur le marché, là où un « col » s'échangeait rarement au-delà de cinq euros, il y a quelques années.

Le marketing à la rescousse

Pour séduire les jeunes générations, les cidriculteurs ont aussi soigné l'approche marketing. Finies les étiquettes ornées de vaches et de pommiers collées à la va-vite. Les bouteilles gagnent en transparence et s'habillent de nouvelles couleurs plus épurées aux antipodes de l'imaginaire traditionnel de la bolée de la crêperie. Certains n'hésitent plus d'ailleurs à reprendre les codes des vignerons.

Sur la micro-cuvée n°1 de la maison Hérout, on lit qu'elle est élevée en fûts de Calvados et élaborée « avec une prise de mousse naturelle » à partir d'un « verger de 10 hectares sur un terroir de schiste argileux profonds ». Un virage salutaire pour Dominique Hutin « Le cidre a 2000 ans de retard sur le vin en terme de marketing, rappelle t-il. Il rattrape le temps perdu ». La tenue à Caen du premier salon international Cidrexpo en 2020 illustre cette tendance.

L'enjeu est important pour la profession. Bien que le cidre séduise de nouveaux adeptes en quête de boissons naturelles et plus faiblement alcoolisées, le Français n'en consomme que deux litres par an contre quarante pour la bière et le vin. Sur ces deux litres, environ 10% sont issus d'une production artisanale. Autant dire qu'il reste des marges de progression.

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Commentaire 1
à écrit le 16/06/2021 à 9:45
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Et c'est bien car il y a fort à faire dans le domaine puisqu'il se vend en quantité magistrale énormément de mauvais cidre et on se demande comment ils arrivent à faire les industriels pour arriver à faire du mauvais voir très mauvais cidre.

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