
Le groupe Atlantic construira-t-il sa nouvelle usine en Pologne, comme il l'envisageait, ou finalement, en France alors que la plupart de ses concurrents (Daïkin, Wiessmann, Bosch, Vaillant...) ont annoncé des investissements dans le Nord de L'Europe ? « On attend de voir ce que contient le projet de loi Industrie verte », reconnaît Damien Carroz, directeur général du groupe Atlantic, leader français et deuxième fabricant européen de solutions de chauffage, de ventilation et d'air conditionné, engagé dans une double stratégie. L'une vers le développement d'équipements bas carbone autour de la thermodynamique (Air/air, Air/eau...) pour les bâtiments, l'autre vers la réindustrialisation de son outil de production. « On croit à la transition bas carbone et on fait le pari industriel que le marché des pompes à chaleur va continuer à croitre », indique le directeur général d'Atlantic qui emploie 13.000 personnes dans le monde dont 6.400 en France.
En croissance de 10% depuis dix ans, son chiffre d'affaires de 3,2 milliards d'euros repose aujourd'hui à 30% sur la thermodynamique, 40% sur l'électrique (radiateur, chaudière...) et à 25% sur les énergies fossiles. « Et l'un de nos enjeux est de faire passer ces 25% en thermodynamique », précise Damien Carroz, avec l'ambition de porter la part des solutions de thermodynamique de 30% à 50% à l'horizon 2030.
« J'ai l'impression que la France retrouve le goût de l'industrie »
A la tête de 31 sites industriels dont quinze en France, le groupe Atlantic, créé en 1968 à la Roche-sur-Yon (85), investit sur la thermodynamique et notamment vers les pompes à chaleur individuelle (PAC), secteur où le syndicat de la profession relevait, en début d'année, une croissance du marché de +30% en 2022 par rapport à 2021. L'unité de production de Billy Berclau (200 personnes) dans le Pas-de-Calais, désormais dimensionnée pour produire 300.000 unités par an, vient de faire l'objet d'un investissement de 35 millions d'euros pour doubler ses capacités de production et se doter d'un centre de R&D de 8000 m². A titre indicatif, le marché français représenterait aujourd'hui 350.000 PAC. Mais le groupe qui, au-delà du marché national, numéro 1 des ventes, exporte vers la Belgique et la Suisse, voit aussi l'Allemagne rattraper son retard. « D'où la nécessité d'avoir un autre site de production en Europe », indique Damien Carroz. Un investissement de 200 millions d'euros sur trois à quatre ans, avec un talon de 100 millions d'euros pour 100.000 unités puis progressivement 300.000 PAC pour le marché de l'habitat individuel.
« On était sur le point de signer en Pologne où on nous déroule le tapis rouge. On ne cherche pas les honneurs, mais on a besoin d'un terrain rapidement, d'un accès à un bassin d'emplois, des formations, à l'énergie pas chère... Bref, à des conditions de production adéquates. Pour avoir fait l'essentiel de ma carrière dans l'industrie, je vois aujourd'hui, les changements de langage. J'ai l'impression très positive, qu'en France, on retrouve le gout de l'industrie», observe Damien Carroz qui, à ce jour, dit n'exclure aucune hypothèse. Chacune ayant ses avantages et ses inconvénients.
Mailler le territoire avec des unités de 150 à 200 millions d'euros
Attractive pour sa rapidité de mise en œuvre et ses moindres besoins d'espace de stockage, la solution tricolore devra aussi faire face à des coûts de main-d'œuvre trois fois plus élevés. « Pour compenser le différentiel de salaire, il faudra investir davantage dans les process d'automatisation. A voir si ça peut être compensé par les crédits d'impôts que mentionne la future loi industrie verte », reflechit le directeur général d'Atlantic. A la fin, le calcul sera assez rationnel. « On met en balance l'investissement total par rapport à un nombre d'unités produites versus les coûts directs qui sont pour nous le personnel, les transports, l'énergie, l'acier, les composants... », dit-il. Quoi qu'il en soit, l'investissement reste sur le même ordre de grandeur. « Pour nous qui cherchons à mailler le territoire avec des unités de deux cents personnes pour être proche des bassins d'emplois et du réseau de 100.000 installateurs français, le coût d'une usine représente, chaque fois, de 150 à 200 millions d'euros d'investissement », précise Damien Carroz dont le groupe a doublé de taille en dix ans.
L'effet significatif de MaPrimeRénov'
C'est d'ailleurs un investissement de cet ordre qu'a réalisé le groupe Atlantic l'an dernier, à Boz dans l'Ain, pour construire son usine de pompes à chaleur pour l'immobilier collectif et un centre de R&D, où sont employés deux cents personnes.
Présent sur le marché des chauffe-eaux en thermodynamique, le leader français, numéro 1 européen sur ce marché, s'appuie sur deux usines à La Roche-sur-Yon, en Vendée, et à Fontaines dans le territoire de Belfort. Le groupe qui a doublé de taille en dix ans se transforme pour accompagner la fin des énergies fossiles (Fioul, gaz...). Depuis deux ans, ce marché recule de 30 à 40% par an. « On avait prévu le coup et réduit les surfaces sur le gaz. Par contre, il a fallu doubler nos investissements pour accompagner la transition vers la thermodynamique», précise Damien Carroz qui estime le prix de cette transition à 150 millions d'euros (5% du chiffre d'affaires) pour développer les lignes de production et leur adjoindre quasi systématiquement des centres de R&D. « La bascule s'est accélérée avec la mise en œuvre de l'aide gouvernementale MaPrimeRenov' et l'impact psychologique de la guerre en Ukraine où les gens ont craint les pénuries de gaz et l'envolée des prix », observe le DG du groupe où la crise de l'énergie a créé un effet booster. L'activité est plutôt impactée par la crise de l'immobilier neuf, néanmoins dopé par la règlementation RE2020, et la fin du chauffage au gaz dans les maisons individuelles à l'horizon 2025.
L'émergence d'une filière
Le marché neuf compterait pour un tiers des ventes de PAC en France. « Sur la rénovation qui représente les deux tiers du marché, la moitié repose sur MaPrimeRénov'. C'est très significatif. Sans cela, les gens n'auraient pas eu la capacité d'investir dans des appareils qui valent quatre fois le prix d'une chaudière à gaz. Le maintien de cette aide dans la durée a, aussi, permis de créer la filière», se félicite le chef de file européen du secteur HVAC (heating, ventilation and air-conditioning) ou CVC ( Chauffage, ventilation et climatisation) en français, qui a créé sa PAC Académie pour former les ingénieurs à cette nouvelle technologie et déployé six nouveaux centres de formation en France pour former 6.000 installateurs par an. Car, il faut deux jours pour installer une PAC contre une demi-journée pour une chaudière à gaz. « Pour nous, le véritable enjeu est là ! » affirme le directeur général du groupe qui, en 2023, a lancé le recrutement de 1.600 personnes dont un millier en France pour accompagner le mouvement bas carbone dans les foyers français.
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