A Nantes, Largo met les bouchées doubles pour reconditionner les smartphones qui dorment dans nos tiroirs

Acteur de l’économie circulaire entré en Bourse l’an dernier, le nantais Largo vient de doubler ses capacités de production pour accompagner la montée en puissance des appareils reconditionnés. Pour réduire l’empreinte environnementale et augmenter ses marges, il part à la conquête des smartphones oubliés dans les tiroirs des Français.
L'industrialisation du process de reconditionnement des téléphones permet à Largo de reconditionner un téléphone en 45 minutes.
L'industrialisation du process de reconditionnement des téléphones permet à Largo de reconditionner un téléphone en 45 minutes. (Crédits : Frederic Thual)

Tenu de mener de front hypercroissance et démarche environnementale pour répondre à la demande soutenue pour les appareils reconditionnés, la société nantaise Largo agrandit son outil de production et investit sur le circuit court pour tenter de récupérer les millions de smartphones dormants dans les tiroirs de français. Une mine estimée à 100 millions d'appareils, selon une étude du Sénat menée en 2015.

« Nous allons lancer au premier trimestre 2023 une expérimentation avec Système U et l'enseigne de distribution spécialisée Bureau Vallée qui permettra aux clients de faire évaluer leur vieux téléphone, quelle que soit leur gamme, et obtenir un chèque ou un bon d'achat du montant de la reprise », explique Christophe Brunot, PDG et cofondateur de Largo.

L'entreprise est spécialisée depuis 2016 dans le reconditionnement de smartphones et tablettes fournis par les brokers mais aussi, depuis le début de l'année, en circuits courts à travers les programmes de reprise d'opérateurs. Ceci via des plateformes d'enchères pour agréger des volumes. Référencée par Orange, Largo est en cours de négociation pour accéder aux plateformes d'enchères des autres opérateurs. « Nous investissons fortement sur le circuit court depuis le début de l'année, notamment avec le logiciel que nous venons de développer pour ausculter les téléphones. Il va nous permettre d'acquérir des produits déjà présents sur le territoire, et donc d'avoir une empreinte environnementale moins importante que de faire venir les produits de l'étranger », affirme le PDG de Largo.

Au-delà de l'intérêt environnemental cher à l'entreprise, labellisée Lucie 26000 et en cours de certification ISO 9001 (qualité) et ISO 14001 (environnement), la démarche « Largo Collect » va permettre à Largo d'acquérir des appareils sans TVA, contrairement aux achats effectués auprès de brokers (60% pour 40% en circuit court), et de revendre les appareils reconditionnés avec un taux de TVA classique. De quoi s'assurer des marges plus confortables.

Cette plateforme sera également accessible directement par les particuliers sur le site sur le site Largo.fr. « L'objectif est d'équilibrer nos achats entre les brokers, plutôt destinés à la grande distribution, et le circuit court, plutôt fléché vers la vente directe. Si l'on peut, on développera encore un peu plus nos achats en circuits courts. En tout cas, on y met tout le poids du corps », affirme Christophe Brunot, dont l'optimisation des process de reconditionnement, exclusivement dédiés aux produits Apple et Samsung, a aussi permis de ramener les délais du Service après-vente (SAV) dans une fourchette de 24 à 72 heures, au lieu des 8 à 10 jours en moyenne précédemment.

Pour Largo, qui vient de recruter une data scientist, la gestion des données est aussi devenue un véritable enjeu pour devenir plus pertinent sur le sourcing, les marges relatives aux opérations de reconditionnement et l'orientation vers les canaux de distribution adéquats.

L'enjeu de l'acculturation

Pour aller plus loin en circuit court, Largo, qui avait développé un outil de diagnostic (123 tests sur 37 points de contrôle) avec un partenaire britannique pour industrialiser son process de reconditionnement, a, cette fois, fait concevoir une solution logicielle qui, après un déclaratif du client sur l'état visuel de l'appareil, permettra en 5 minutes de tester 37 points de contrôle avec un système non intrusif, de fixer ou non un prix de reprise, et d'obtenir un chèque ou un bon d'achat chez le commerçant partenaire.

« Dès lors, le smartphone pourra, selon le modèle et son état, être soit dirigé vers l'unité de reconditionnement de Largo, soit vers la société de l'ESS (économie sociale et solidaire) les Ateliers du bocage, soit être envoyé dans les filières de recyclage », explique Fannie Hersen, directrice du marketing et du SAV de Largo, qui vient de lancer une opération avec une grande école de commerce pour sensibiliser les étudiants aux enjeux du reconditionné... L'ambition à terme est de couvrir l'ensemble du territoire national à travers des réseaux de magasins. « L'enjeu, c'est l'acculturation du grand public et des circuits de distribution envers le reconditionné », reconnaît Christophe Brunot.

Parallèlement, Largo vient d'investir 800.000 euros (équipement compris) pour agrandir et doubler ses capacités de production, et s'ouvrir à d'autres appareils comme les PC, les ordinateurs portables, les oreillettes, les montres connectées, les casques audio....

Installée dans la périphérie nantaise, à Sainte-Luce sur Loire, sur 1.000 m² (+43%), l'entreprise a investi dans des robots de manière à ses doter d'un outil capable de sortir 25.000 smartphones reconditionnés par mois, contre 13.000 auparavant. De 60 personnes aujourd'hui, l'effectif devrait rapidement grimper à 100 collaborateurs.

« Il ne s'agit donc pas de remplacer des humains par des machines, mais de supprimer à la fois la subjectivité sur certaines opérations et les tâches sans valeur ajoutée, au profit d'opérations plus qualitatives. C'est aussi un moyen de fidéliser le personnel intervenant sur les tâches les moins gratifiantes et que l'on a le plus de mal à recruter », mentionne Frédéric Gandon, co-fondateur de Largo, qui a fait appel à la société Ponant, à Valence, pour concevoir une ligne de robots permettant d'industrialiser les diagnostics et de reconditionner un téléphone en 45 minutes. Le reconditionné est en vogue.

Une nouvelle usine 4.0 en 2026

En 2021, avec des prix de 30% à 50% moins cher que le neuf, le secteur du reconditionné a vendu 3,2 millions d'appareils en France contre 2,4 millions en 2020, soit une part de marché de 17%. Un marché en croissance de 13,6% par an, estimé à 982 millions d'euros, dans une filière, encore jeune, en cours de structuration.

« Il y a sept ans, c'était zéro. Depuis, on a réussi à faire vivre les téléphones six ans au lieu des deux années annoncées par les constructeurs. La France été biberonnée avec des opérateurs qui vendaient des téléphones pas chers et des forfaits coûteux, mais c'est en train de changer, grâce à l'allongement de la maintenance », observe Christophe Brunot, qui rêve qu'un téléphone sur deux soit reconditionné.

« Les consommateurs ont pris conscience de la seconde vie des équipements pendant la période Covid. Désormais, les constructeurs vont devoir s'adapter à cette nouvelle donne. Samsung nous parle. Apple toujours pas. Nous sommes un modèle émergent où il y a une véritable appétence des acteurs boursiers pour les Greens Tech», note l'acteur de l'économie circulaire entré en Bourse sur le marché Euronext Growth en début d'année 2021 pour lever plus de 17 millions d'euros.

Depuis sa création en 2016, Largo a reconditionné 255.000 smartphones et réalisé un chiffre d'affaires de 17,6 millions d'euros en 2021. Celle qui annoncera ses résultats 2022 la semaine prochaine estime son chiffre d'affaires à 30 millions d'euros cette année, grâce à sa politique de distribution omnicanal (GMS, place de marché, e-commerce, BtoB,...) et notamment les assureurs qui pourraient non plus remplacer les téléphones « accidentés » par des appareils neuf mais par des appareils reconditionnés.

D'ores et déjà, Largo réfléchit à la construction d'une nouvelle usine 4.0, automatisée et robotisée, à l'horizon 2026 pour accompagner la croissance d'un marché où les téléphones neufs connaissent une érosion de leur vente au profit du reconditionné.

L'entreprise, qui réfléchit au dispositif d'industrialisation mis en place par le gouvernement, dit avoir mis une option sur un terrain de 1 hectare sur un site de 37 hectares dans la périphérie nantaise. Cette nouvelle unité de production aurait une capacité de production de 5.000 téléphones par jour contre 1.200 aujourd'hui. D'ores et déjà, Largo revendique d'avoir évité l'extraction de 15 tonnes de matières premières, l'émission de 4,8 tonnes d'équivalent carbone, et 3.800 m3 d'eau.

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Commentaire 1
à écrit le 17/10/2022 à 16:14
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vieux téléphones, sous-entendu smartphone, pas GSM ? Mon téléphone est un GSM (le 1er de mi-1999 Siemen* a été noyé à 9 ans sous un orage et envoyé en GB pour récupérer l'or du circuit imprimé (adresse Bouy*), le 2nd est allé chez Emmaüs pour resserv...

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