L'art et la manière d'éviter les bouchons

Faciliter le déplacement et connaître les habitudes des usagers est un enjeu majeur pour les villes. Pourtant, elles sont en retard. Thales teste bien le premier indicateur d’itinéraires en temps réel à Helsinki pour la mairie et actuellement, pour elle même, à Paris
Le système développé par Thales prend en compte l’ensemble des modes de transport afin de proposer à l’usager la meilleure option pour son itinéraire.

Google, Waze... une flopée d'entre­prises des nouvelles technologies se passionnent pour les transports. Leur idée ? Prédire à quelle heure et pour combien de temps le tunnel sous Fourvière, à Lyon, va être bouché, ou bien savoir combien de personnes seront dans le bus 38 à l'instant même où, à Denfert-Rochereau, quelques dizaines d'autres tenteront de grimper dedans. Ensuite, sur leurs applis, ils proposeront un autre itinéraire aux usagers. Pour tous, la même solution. La probabilité est donc forte qu'un autre bouchon se crée un peu plus loin.

La société Thales, elle, s'est mis en tête de travailler en temps réel et de manière « proactive » : à chacun un itinéraire personnalisé, calculé de manière multi­modale. Mieux, contrairement à Waze, par exemple, elle va suivre la personne en temps réel, recalculer son itinéraire toutes les 30 secondes pour améliorer le choix initial et dialoguer constamment avec elle tout au long du trajet. Une prouesse technologique unique avec des algorithmes bien compliqués que Thales teste dans la ville d'Helsinki.

«Nous prenons l'engagement fort de dire à quelqu'un qu'il va pouvoir se déplacer comme il le souhaite, et que cela se passera bien s'il suit nos indications », explique Patrick Gatellier, responsable des programmes smart mobility au centre de recherche de Thales.

Suivi à la trace

Cette "Rolls" de l'indicateur de trajet doit avoir une fiabilité quasi-totale, meilleure que les actuels systèmes GPS. Pour cela, il faut d'abord intégrer les données de tous les moyens de transport possibles, privés ou publics, collectifs ou individuels, taxis, Vélib', métros, bus et covoiturage. Helsinki joue le jeu. Ensuite, il ne faut pas perdre le voyageur une seule seconde.

« L'utilisateur ne supporte pas l'erreur et il a raison, continue Patrick Gatellier. Si vous arrivez à 10 mètres de votre rendez-vous mais de l'autre côté de la route avec un parapet en béton au milieu, vous êtes énervé. Pareil si on vous perd dans un encombrement sous un tunnel, dans une petite rue bordée d'immeubles, lorsque le senseur n'est pas assez précis ou s'il y a trop d'humidité dans l'air. On peut tolérer les erreurs ou l'absence d'interactivité de Waze, car il n'a rien promis. Nous, nous avons l'obligation d'une marge d'erreur infime. »

Des équipes de Thales se promènent donc actuellement un peu partout dans les rues d'Helsinki et de Paris. Pour donner en temps réel à l'usager des possibilités corrigées en permanence, elles doivent tout connaître, obtenir une corrélation suffisamment rapide et précise entre la position, l'itinéraire choisi et les différents modes de transport possibles, et détecter quand cela risque de ne plus marcher. Enfin, elles doivent mesurer la précision obtenue avec les smartphones.

Double challenge : Thales travaille d'un côté pour l'individu, de l'autre pour le collectif. D'un côté la proactivité ; de l'autre - et c'est le métier de Thales -, l'élaboration de systèmes de supervision globale pour les opérateurs de transport. Et c'est là que les problèmes commen­cent à pointer le bout du nez : les données récoltées ont de la valeur. Beaucoup de valeur.

« Nous croyons que les villes doivent conserver la responsabilité de ces données, explique Patrick Gatellier. Pas forcément être opératrices, mais garantes des données des citoyens sur leurs territoires et respectueuses de la vie privée de chacun. Ces systèmes savent en fait tout sur celui qui bouge : où il est, d'où il vient, quelles sont ses habitudes... Thales travaille sur des données "anonymisées", ce qui permet de supprimer la corrélation entre l'identité des personnes et l'itinéraire qu'elles prennent, et ainsi de raisonner en termes de flux. »

Question : tout le monde le fera-t-il ? Réponse : pas sûr.

Un enjeu d'abord économique

La stratégie de tout opérateur (surtout celle d'un opérateur global) est en effet de posséder la totalité de l'information sur chacun, à chaque moment. Google a acquis Waze car les informations sur la mobilité des personnes lui permettent de cibler encore plus son offre publicitaire. Mais qui est garant de l'utilisation de ces données sur un territoire ? Pour l'instant, personne. Or, la ville a un intérêt économique à s'emparer du sujet.

« Avec les systèmes que nous développons, les villes peuvent avoir l'équivalent d'une enquête de mobilité tous les jours, ajoute Patrick Gatellier, au lieu d'une tous les cinq ans ! »

Si la ville ne s'en empare pas, d'autres le feront. Aucune ligne Maginot ne tient : n'importe qui peut avoir n'importe quelle donnée de mobilité s'il a un peu de patience et de trésorerie.

Toutes sont accessibles, « hackables » ou « reconstituables ». Une fois les cartes, les transports et la géolocalisation assemblés, un opérateur peut revendre ces données triées et organisées. Le prix de revente sera de plus en plus élevé au fil du temps comme pour le système Booking.com ! À son lancement, Booking demandait 5 % de commission aux hôtels pour les référencer et leur amener la clientèle. Plus l'emprise de Booking sur la réservation s'est étendue dans le monde, plus la société a dominé le marché, plus les hôtels sont devenus dépendants, plus la commission a augmenté pour atteindre fréquemment 25%. La marge des hôteliers est réduite à la portion congrue. Celle des villes le sera tout autant.

Reprendre la main

Quelle issue pour rester maître chez soi, tout au moins sur les transports ? Le maire d'une grande ville française estime « off » que « si Google ou d'autres rendent un service au citoyen que l'opérateur public n'est pas capable, lui, de rendre », il ne voit « pas de raison d'intervenir ». Tant pis pour l'opérateur de transport collectif ? Un peu court, peut-être.

Comme le dit Francis Jutand, en charge de la recherche et de l'innovation à l'institut Mines Télécom, « nous n'avons pas affaire à des altruistes. Proposer un service gratuit, une appli sur les transports, c'est que l'on y gagne quelque chose ailleurs. Il ne faut pas être naïf.

À terme, le citoyen paiera ce que l'usager aura eu gratuitement. Les collectivités, les opérateurs publics et les autorités de transports vont devoir accepter l'idée de créer un système d'innovation dynamique autour de ces données pour éviter que d'autres plates-formes ne le fassent ».

La ville n'a plus trop le choix : soit garder ou reconquérir « ses » données et offrir à l'usager l'appli qui rend le bon service, soit devenir économiquement dépendante !

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Commentaires 8
à écrit le 08/11/2014 à 10:21
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Il existe de multiple alternatives adaptées a chacun désormais. hors des vélo sous toute leur forme cargo, pliant, destin, il y a le gyropode, la roue électrique, ou encore la trottinette électrique, bien loin du jouet elle a jusqu'à 30km d'autonomie...

à écrit le 06/11/2014 à 17:45
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On peut espérer une meilleure information que celle que fournit les écrans sur les grand axes... Ils sont pilotés par des humains, il est vrai; ce qui n'excuse pas un taux d'inexactitude tel que celui constaté !

à écrit le 06/11/2014 à 7:55
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C'est faux, ça ne va pas arrêter les bouchons, ça va juste indiquer aux gens où ils se trouvent...bref du vieux (informer) avec du neuf (google et technologies).

à écrit le 05/11/2014 à 15:39
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Le télétravail mais évidemment les écolos sont contre !

le 05/11/2014 à 15:50
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Pseudo et commentaire au diapason : ridicule.

à écrit le 05/11/2014 à 14:22
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Les gouvernements y travaillent activement depuis 20 ans; les chômeurs sont de plus en plus nombreux.

le 05/11/2014 à 15:52
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Nul, pas marrant

à écrit le 05/11/2014 à 13:05
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En cas de bouchons généralisés, il affichera "Faites demi-tour, rentrez chez vous !". Ou en cas de bug. Mon père faisait ça à l'estime pour aller dans le nord de Paris: si périph ralenti, prenait les boulevards des Maréchaux. Ce qui n'empêchait que ...

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