Le progrès à tout prix ?

EDITO. Indispensables à toutes formes de progrès, capables d’avancées les plus prodigieuses, l’innovation et la science génèrent pourtant de plus en plus de défiance de la part de la société civile. Pourquoi cette crainte dans laquelle se devine l’envie d’un retour au « bon sens d’autrefois » ? L’Humanité deviendrait-elle nostalgique ? Edito de Valérie Abrial, conceptrice et directrice de T La Revue de La Tribune. (Cet article est issu de T n°7 - Décembre 2021)
Valérie Abrial
(Crédits : Istock)

« Le progrès ne vaut que s'il est partagé par tous ! »

Certains se souviennent de cette phrase comme celle du slogan d'une célèbre compagnie de chemin de fer dans les années 1990. Et pourtant ! C'est Aristote qui prononça ces mots au quatrième siècle avant notre ère ! Autant dire que la question du progrès anime les débats depuis fort longtemps. Car si de « progrès » on entend « aller vers le meilleur », ce qui, de fait, est sa définition usuelle, qu'est-ce que « le meilleur » ? Et, est-ce que le meilleur est le mieux pour tous ou seulement pour quelques-uns ?

Et pourquoi, à bien des égards, le progrès fait-il peur ? Alors qu'il est censé améliorer nos vies... N'y aurait-il pas confusion entre progrès et innovation ? L'un n'étant pas forcément le résultat de l'autre...

Cela dit, ne nous voilons pas la face... De tout temps, la nouveauté effraie ! C'est la fameuse peur de l'inconnu qui, sur un plan analytique, empêche d'avancer, voire de se transformer. Il est fascinant de constater que toutes les grandes inventions qui ont révolutionné l'histoire ont été la cause des plus grandes peurs : Socrate condamnait l'écriture craignant qu'elle ne tue la pensée, le train fut accusé de faire tourner le lait des vaches, le téléphone d'attirer les esprits maléfiques, l'éclairage électrique de rendre aveugle... Les exemples sont nombreux et rappellent à quel point la peur de la nouveauté faire partie de notre histoire.

En revanche, il semblerait que ce début de XXIe siècle soit à un point de rupture avec la notion de progrès en elle-même. Symbolisée par des avancées technologiques qui ont abîmé notre planète, l'innovation n'a plus du tout le vent en poupe. Pire, elle est diabolisée car perçue comme outil de croissance économique au détriment du bien-être de l'humanité. Pire encore, elle est devenue synonyme de création de produit et de valeur contribuant à encourager la société de consommation et l'hyperproduction conspuées aujourd'hui par toute une génération. Comme si l'innovation se résumait à la sortie du dernier smartphone « révolutionnaire » ... Ce serait bien réducteur.

Quant à la parole scientifique, dernier bastion qui tenait encore debout, elle s'est effondrée pendant la crise sanitaire. Nous laissant en proie aux plus vives inquiétudes face au brouhaha des débats entre spécialistes et non-spécialistes sur des sujets qui demandaient la plus grande expertise.

Et voilà que le progrès ne fait plus rêver, certains préféreraient même y renoncer ! Ce serait néanmoins oublier que, grâce à lui, le monde a considérablement évolué depuis l'âge de pierre. Et qu'il serait peut-être temps de renouer avec la confiance en l'homme et sa capacité à encadrer l'innovation au service de l'humain. Un nouveau siècle des Lumières n'est peut-être pas si vain.

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Cet article est extrait de "T" La Revue de La Tribune n°7 - DOIT-ON CROIRE AU PROGRES? Décembre 2021 - Découvrez sa version papier disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

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Valérie Abrial

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Commentaire 1
à écrit le 05/04/2022 à 9:22
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Combien d’œuvres de science fictions datant des années 70 se retrouvent dépassées par la réalité ? Après on peut se dire également que nos riches à la cupidité pathologique n'ayant plus d'imagination se tournent vers les fictions afin de trouver des ...

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