
Apple n'aura pas droit à sa soirée triomphante. Un peu avant 19 heures, heure française, soit peu avant le début du grand show annuel de Tim Cook en Californie au cours duquel le PDG d'Apple doit dévoiler le tout nouvel iPhone 15, Jean-Noël Barrot lui a tapé sur les doigts. Dans un entretien au Parisien, le ministre délégué à la Transition numérique et aux Télécommunications a annoncé le retrait temporaire de la vente de l'iPhone 12. La raison : ce modèle sorti en 2020 émet des ondes trop élevées pour l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Apple a 15 jours pour régler le problème
« Dans le cadre de sa mission de surveillance des équipements radio, l'ANFR a engagé des tests de conformité sur des téléphones, dont l'iPhone 12. Et ces tests, confirmés par un laboratoire indépendant, ont démontré que ce téléphone présente un dépassement de débit d'absorption spécifique (DAS), c'est-à-dire une émission d'ondes électromagnétiques très légèrement supérieure au seuil autorisé », explique Jean-Noël Barrot.
Concrètement, ce seuil a été fixé à 4 watts par kilogramme par la Commission européenne. Cette limite est « dix fois inférieure au niveau des émissions qui, selon les études scientifiques, peut entraîner des conséquences sur les utilisateurs », précise Jean-Noël Barrot. L'iPhone 12 est, lui, à 5,7 W/kg. Soit au-dessus des normes européennes, mais au-dessous du seuil de dangerosité fixé par les scientifiques.
Mais peu importe : le non-respect de la norme européenne justifie pour le gouvernement la demande de retrait des magasins. Et si Apple refuse, Jean-Noël Barrot sortira les griffes : si l'entreprise ne respecte pas cette obligation ou si elle refuse de corriger le problème -qui ne nécessiterait qu'une simple mise à jour logicielle-, le ministre délégué au Numérique se dit « prêt à ordonner le rappel des iPhone 12 en circulation ». Apple est prié de considérer ceci comme un avertissement : « La règle est la même pour tout le monde, y compris pour les géants du numérique ».
Apple dans le viseur de Bruxelles
Cette fermeté à l'égard d'un constructeur de smartphone qui ne respecte pas les normes européennes sur les ondes n'est pas une première. Depuis 2017, l'ANFR a déjà pris 42 décisions de retrait du marché pour un téléphone portable. Et seuls 6 d'entre eux -dont le Hapi 30 d'Orange en 2017 ou le Clap 20 + de Essentiel B en 2022- ont été suivis d'une procédure de rappel, c'est-à-dire le retrait de l'appareil du territoire national.
Jean-Noël Barrot indique également que la décision de l'ANFR concernant l'iPhone 12 sera transmise à tous les Etats membres de l'Union européenne, et que ceux-ci pourront donc emboîter le pas de la France.
Cette nouvelle tension entre Apple et la France est très symbolique du rapport de plus en plus tendu entre les pays Européens et le fabricant de l'iPhone. Apple fait ainsi partie des six entreprises désignées comme des « gatekeepers » (contrôleurs d'accès à Internet) par la Commission européenne, et donc soumises aux règles plus strictes du Digital Markets Act (DMA), le nouveau règlement européen appliqué depuis le 25 août, qui oblige les géants du numérique à respecter de nouvelles obligations pour empêcher leurs abus de position dominante.
Apple est visé au titre de son système d'exploitation mobile iOS et son navigateur Safari. À partir de mars 2024, les utilisateurs européens d'iPhone devront pouvoir installer des applications en dehors de l'App Store, qui était jusqu'à présent le seul magasin applicatif autorisé par Apple -qui en profitait pour prendre une commission exorbitante dénoncée par les éditeurs d'applications du monde entier. Apple devra aussi permettre de remplacer des applications pré-installées par d'autres, ou encore de discuter avec un correspondant d'une autre messagerie, par exemple WhatsApp, à partir d'iMessage.
Après avoir mobilisé la force de son lobbying contre l'adoption du DMA, Apple ne cesse de le critiquer depuis, et a demandé l'exclusion d'iMessage des services ciblés, car l'entreprise est contre l'interopérabilité entre services concurrents. Une position compréhensible : c'est en enfermant ses utilisateurs dans son écosystème fermé de produits et de services, que l'entreprise peut maintenir sa position dominante et développer sereinement son activité dans les services.
Autre impératif de l'UE : Apple sera forcé, d'ici à fin 2024, d'intégrer un port de charge universel USB-B à tous ses appareils. Et donc d'abandonner sa célèbre charge qui nécessitait l'achat d'un chargeur spécifique et qui est considérée par l'UE comme une entrave à la concurrence. C'est pour cette raison que l'iPhone 15 est le premier modèle de la marque à la Pomme à intégrer ce nouvel outil.
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