Le ministère des Armées se met en ordre de marche pour tenter de suivre la course technologique mondiale de la révolution quantique. A l'occasion mercredi de la journée nationale du quantique, il a lancé, en partenariat avec le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), le programme Proqcima, doté de 500 millions d'euros. Ce programme doit permettre de disposer de deux prototypes d'ordinateurs quantiques universels de conception française à l'horizon 2032. La Direction générale de l'armement (DGA), qui pilotera ce projet avec le SGPI, a lancé les grandes manœuvres en notifiant des accords-cadres avec cinq startups très prometteuses (Alice & Bob, C12, Quandela, Pasqal et Quobly) en vue d'identifier les solutions permettant le développement de ces ordinateurs.
Le projet Proqcima est « une innovation qui a le potentiel de révolutionner le domaine de la défense et de la sécurité. Nous devons être à la hauteur de cette technologie qui sera certainement l'avenir de l'informatique. C'est pourquoi nous y consacrons des moyens importants et nous travaillons avec les meilleurs partenaires, pour que la France reste un des acteurs mondiaux et incontournables du calcul quantique », a souligné le ministre des Armées, Sébastien Lecornu.
Cet investissement, qui est réalisé avec le soutien de France 2030, traduit « de manière concrète les engagements pris par le Président de la République en matière de stratégie nationale quantique, lancée il y a trois ans, pour doter la France de moyens de calculs destinés à garantir sa souveraineté dans ce domaine », a expliqué le ministère dans le communiqué publié mercredi. Le quantique revêt une importance majeure et cruciale pour les forces armées pour rester crédible. Ces cinq accords-cadres posent les bases d'un partenariat innovant entre l'État et de startup issues de la recherche française.
Ces accords-cadres « doivent permettre le développement des technologies les plus prometteuses depuis des prototypes de laboratoire jusqu'à des solutions de calcul quantique à large échelle (LSQ, pour Large Scale Quantum) utilisables pour les besoins de la Défense », a souligné le ministère.
Des applications à court terme
Parmi les applications à court terme, outre la cryptographie post-quantique, il y a les capteurs quantiques. Il s'agit d'appliquer les propriétés quantiques de la matière aux capteurs, à la métrologie, à ce que l'on mesure. Grâce aux propriétés quantiques de la matière, les armées entre autres vont pouvoir améliorer les performances des capteurs d'un facteur de 100, 1000, 10000, 100000, voire 1 million. Le quantique peut également révolutionner les communications, qui pourraient devenir enfin inviolables, ainsi que la simulation. « La révolution en cours permettra de percevoir notre environnement avec une précision jamais égalée, de découvrir de nouveaux matériaux, d'explorer de nouvelles manières de transmettre l'information, de naviguer là où le réseau GPS n'est pas accessible », a précisé le ministère.
Si le ministère a sélectionné ces cinq sociétés partenaires du programme Proqcima, c'est qu'il a identifié que chacune d'entre elles dispose des atouts pour relever le défi pour développer le futur ordinateur quantique tricolore. « Mais il est trop tôt pour savoir lesquelles parviendront à lever les différents verrous d'ingénierie, de fabrication et d'industrialisation », a averti le ministère. C'est la raison pour laquelle ce partenariat prend la forme d'une compétition en trois étapes : preuve de concept, maturation puis industrialisation.
Proqcima, un programme sur 10 ans
Le programme se décline sur une durée totale d'au moins 10 ans. Dans quatre ans, seuls les trois projets les plus performants continueront le programme pour développer les meilleurs qubits logiques capables de passer à l'échelle. Dans huit ans, la compétition se limitera aux deux technologies les plus performantes qui continueront le programme pour passer de prototypes de calculateurs (objectif : 128 qubit logiques) à des produits industriels utilisables par leurs premiers clients (objectif : 2048 qubit logiques).
Parmi les cinq startup retenues, figure Alice & Bob, lauréat des concours d'innovation i-PhD et i-Lab de France 2030, qui travaille à la construction d'un ordinateur quantique universel à correction d'erreurs. Il y a également C12, qui développe des processeurs quantiques utilisant des nanotubes de carbone, Pasqal qui a réussi à lever 100 millions d'euros et qui développe un ordinateur quantique à atomes neutres. Enfin, le ministère fait également confiance à Quandela, qui développe des ordinateurs quantiques optiques « full-stack » et à Quobly, qui souhaite concevoir des processeurs de calcul quantique tolérants aux erreurs. Pasqal et Quandela avaient déjà été identifiés par le ministère des Armées. Ainsi, le Fonds innovation défense (FID) dédié au développement des technologies duales et transversales, comme le quantique, a investi dans le capital de ces deux startups.
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