Pourquoi Nvidia est le seul à récolter les premiers fruits de la révolution de l'IA

Nvidia vient de justifier son statut de nouvelle star de la tech mondiale grâce à des résultats financiers exceptionnels au second trimestre. Placé en première ligne de la révolution de l'intelligence artificielle générative avec ses processeurs essentiels à l'entraînement des IA, Nvidia en récolte logiquement les premières retombées financières. Grâce à son avancée écrasante dans le logiciel, le géant américain possède une large avance sur ses concurrents. Décryptage.
François Manens
La H100 de Nvidia, moteur d'un succès hors norme.
La H100 de Nvidia, moteur d'un succès hors norme. (Crédits : Nvidia)

6,2 milliards de dollars de bénéfice net pour 13,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires... Avec des résultats financiers de tous les records au deuxième trimestre, Nvidia a donné raison aux investisseurs qui ont propulsé sa valorisation au-delà de la barre mythique des 1.000 milliards de dollars.

Grâce à son rôle central dans la révolution de l'intelligence artificielle générative lancée par ChatGPT fin 2022, le géant des processeurs devient le premier à récolter les fruits de cette nouvelle tendance du secteur de la tech. « Nvidia a le rôle de vendeur de pelles dans la ruée vers l'or », compare auprès de La Tribune Xiadong Bao, co-gérant du fonds Big Data chez Edmond de Rothschild.

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Nvidia tiré par des marges exceptionnelles

Avec ce second trimestre flamboyant, l'entreprise dirigée par Jensen Huang acte la réussite de sa stratégie d'investissement dans l'intelligence artificielle, lancée depuis une décennie. Et quelle réussite ! Nvidia a réalisé 6,19 milliards de dollars de bénéfice net sur les trois derniers mois, un nombre 8 fois supérieur à celui de l'an dernier sur la même période. L'entreprise profite des marges exceptionnelles qu'elle dégage sur la vente de processeurs pour l'IA, dont les deux derniers modèles, le H100 et le H800.

Si elle conçoit l'architecture de ses puces et ses couches logicielles, elle confie l'intégralité de la production aux usines taïwanaises de TSMC. « Nvidia achète les H100 à TSMC pour un prix entre 800 et 900 dollars, puis il le vend à ses clients pour un prix entre 30.000 et 40.000 dollars », détaille Xiadong Bao. Le géant des puces se taille donc une marge brute de plusieurs milliers de dollars sur chaque unité, et ce, sur l'ensemble de sa gamme. Pour la machine complète dédiée à l'entraînement des modèles d'IA de pointe, la DGX H100 (qui embarque entre autres huit H100), il faut débourser 270.000 dollars, d'après la newsletter spécialisée SemiAnalysis, écrite par l'analyste Dylan Patel. Selon l'expert, Nvidia dégagerait un profit brut de 190.000 dollars par vente de ces machines, un montant de l'ordre du jamais vu dans le secteur.

Ces marges colossales n'empêchent pas les processeurs de se vendre comme des petits pains. Jensen Huang affirme que l'entreprise a déjà neuf à douze mois de visibilité sur son inventaire. Autrement dit, elle est d'ores et déjà assurée de vendre tous les processeurs d'IA qui sortiront de sa chaîne de production jusqu'au premier trimestre 2024. Soit plusieurs millions de H100, puisque selon SemiAnalysis, le nouveau chouchou de Wall Street vise un volume de livraison de 400.000 unités de son processeur par trimestre.

Concurrence pour l'instant absente

Si Nvidia peut imposer ces prix, c'est avant tout parce ses couches logicielles lui octroient une large avance sur la concurrence, à commencer par les deux autres géants des puces, Advanced Micro Electronics (AMD) et Intel. En pratique, Nvidia jouit d'un quasi-monopole. « L'écrasante majorité des développeurs d'IA sont formés sur les logiciels de Nvidia. En conséquence, si AMD, par exemple, veut se frayer un chemin sur le marché, il devra certainement casser les prix, car il doit justifier la prise de risque pour les entreprises. En allant chez AMD, elles quitteraient un écosystème approuvé par l'industrie pour un écosystème beaucoup moins connu », résume Xiadong Bao.

Les spécialistes du secteur ne doutent pas de la capacité des concurrents de Nvidia à créer des processeurs capables d'un niveau de performance similaire dans les calculs. En revanche, l'avance de l'entreprise américaine sur les couches logicielles a créé un véritable gouffre, que certains comparent à celui créé par Google et Apple sur le marché des smartphones avec Android et iOS. Et cet écart dans l'IA se traduit dans les finances. AMD et Intel ont vu leur chiffre d'affaires baisser respectivement de plus de 18% et 15% sur le trimestre par rapport à l'an dernier. Pourtant, ils auraient pu, en théorie, profiter de l'incapacité de Nvidia à répondre à l'énorme demande en processeurs pour se glisser sur le marché.

Non seulement ils n'y sont pas encore parvenus, mais ils subissent dans le même temps la baisse de la demande pour les serveurs traditionnels, non spécialisés en IA. Les analystes de IDC, cités par le New York Times, estiment que les acteurs du cloud vont augmenter leurs dépenses dans les serveurs spécialisés en IA de plus de 68% sur les cinq prochaines années. Parfois au dépend des investissements dans les serveurs traditionnels, même si ces derniers restent nécessaires au bon fonctionnement des datacenters.

L'heure du hardware... avant celle du software ?

Pour l'instant, seul Nvidia et l'écosystème hardware autour de lui, comme les fournisseurs de composants et les assembleurs, profitent de la ruée vers l'intelligence artificielle. De façon logique, le vendeur de pelles devient riche avant les chercheurs d'or, qui devront prouver la valeur de leurs pépites -les modèles d'intelligence artificielle générative.

Pour Wall Street, les performances de Nvidia, qui a dépassé les attentes du consensus des analystes de plus de quatre milliards de dollars, sont un premier indicateur du succès à venir de l'intelligence artificielle générative. Car souvent l'histoire de la tech, la santé du secteur des processeurs annonce une tendance de fond pour le reste de l'industrie.

Désormais, les regards se tournent vers les entreprises éditrices de logiciel qui ont misé sur l'intelligence artificielle générative, à commencer par Google et Microsoft. Avec une grande question : peuvent-elles capitaliser autant que Nvidia sur la révolution en cours ?

François Manens

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Commentaires 2
à écrit le 25/08/2023 à 19:19
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petit proverbe ' dans la ruee de l'or, ceux qui gagnent de l'argent sont les vendeurs de pelles et de pioches' ( et de femmes et d'alcool, et de debauche)

à écrit le 25/08/2023 à 7:34
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