Bezos, Musk, Branson : les entrepreneurs de la tech à la conquête du cosmos

Jeff Bezos, Elon Musk, Richard Branson… Ils ont bâti leur fortune dans l’économie digitale. Ils veulent désormais faire de l’espace un marché à part entière.
Virgin Galactic compte embarquer des touristes à bord du SpaceShipTwo pour des vols suborbitaux dans un futur proche.
Virgin Galactic compte embarquer des touristes à bord du SpaceShipTwo pour des vols suborbitaux dans un futur proche. (Crédits : Virgin Galactic)

Une gerbe d'étincelles suivie d'une explosion, qui laisse derrière elle d'épaisses volutes de fumée blanche se dissipant progressivement dans le ciel de velours, pour laisser place à une curieuse procession lumineuse, comme des vers luisants scintillant dans la nuit. La mise en orbite, dans le cadre de son projet Starlink, de 60 satellites par SpaceX fut, en plus d'une belle réussite technique, une splendide expérience visuelle, un élégant ballet spatial pour les spectateurs enthousiastes. Nous sommes le 23 mai 2019, et cinquante ans après la mission Apollo, l'humanité a de nouveau les yeux rivés vers les étoiles. Mais si l'agence spatiale américaine continue de jouer un rôle de premier plan dans l'exploration du cosmos, elle partage désormais la vedette avec plusieurs entreprises privées, SpaceX en tête.

Depuis sa création en 2002, l'entreprise d'Elon Musk accumule les prouesses techniques. Première société à concevoir des fusées réutilisables, elle est devenue en mars dernier le tout premier prestataire privé à envoyer une cargaison sur la Station spatiale internationale. En septembre 2016, Elon Musk captivait les foules en dévoilant son ambitieux projet pour coloniser Mars. En mai dernier, son confrère Jeff Bezos faisait lui aussi sensation avec son tout nouveau Blue Moon Lander, conçu pour permettre à une mission scientifique de se poser sur la Lune. Virgin Galactic, l'entreprise de Richard Branson, a quant à elle récemment installé ses quartiers au Nouveau-Mexique, dans la perspective d'effectuer rapidement son premier vol commercial.

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SpaceX, satellites, Starlink

[SpaceX met en orbite 60 satellites. À travers son projet Starlink, SpaceX ambitionne d'apporter l'Internet haut débit aux zones aujourd'hui mal couvertes. Crédits : SpaceX]

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Comment SpaceX a ouvert la voie au privé

C'est au cours des années 1990 que la conquête spatiale, jusqu'alors l'apanage de quelques agences spatiales étatiques, commence à éveiller l'intérêt des entrepreneurs. En 1995, Peter Diamandis, ingénieur américain déçu par le ralentissement de la course à l'espace après la fin de la guerre froide, lance un système de compétition qui vise à stimuler le marché du tourisme spatial suborbital. C'est le concours X Prize, qui a depuis fait des émules. Il a notamment donné naissance à la technologie dont s'est servi Richard Branson pour lancer Virgin Galactic.

Mais c'est vraiment au début des années 2000 que le marché spatial privé prend son envol aux États-Unis, avec la création de Blue Origin par Jeff Bezos en 2000, puis de SpaceX deux ans plus tard. Selon Chad Anderson, CEO de Space Angels, un fonds d'investissement américain spécialisé dans l'économie spatiale, l'entreprise d'Elon Musk a contribué de manière décisive à ouvrir l'espace aux entreprises.

« SpaceX a permis de rendre le marché spatial à la fois plus accessible, en diminuant les coûts d'accès grâce à une excellente gestion, et plus transparent, en publiant systématiquement ses prix. Il y a vraiment eu un avant et un après SpaceX. L'année 2009, durant laquelle ils ont opéré leur premier lancement commercial, est une année charnière. Avant cela, les entreprises spatiales privées se comptaient sur les doigts de la main. Depuis, leur nombre a explosé », résume-t-il.

Depuis 2009, plus de 20 milliards de dollars ont été investis dans 435 entreprises du secteur spatial.

Obsédé par l'espace depuis son plus jeune âge, Elon Musk a d'abord fait fortune dans PayPal, avant de consacrer son argent à son rêve d'explorer le cosmos. Bezos et Branson ont eux aussi bâti leur richesse grâce à la bulle du dot-com, qui a marqué l'essor de l'économie numérique dans les années 1990 aux États-Unis. L'économie digitale a donc contribué à la conquête spatiale par les fortunes qu'elle a permis de bâtir. Mais aussi via la révolution technologique et la hausse de la puissance informatique qu'elle a entraînées. « La miniaturisation de l'électronique, la hausse de ses performances et de son efficacité énergétique, et enfin l'apparition de nouveaux logiciels ont largement contribué au décollage de l'industrie spatiale privée », analyse Carissa Christensen, CEO de Bryce Space and Technology, cabinet d'intelligence de marché spécialisé dans le spatial.

Retour sur investissement

Pour ces entrepreneurs, l'espace n'est pas un vieux rêve d'enfance dans lequel ils comptent dilapider leur fortune : tous ont bien pour objectif d'en tirer des revenus. Car, contrairement à un préjugé tenace, le marché spatial n'est pas un gouffre financier où les retours sur investissement se font éternellement attendre.

« L'espace est incontestablement un marché risqué, mais pas davantage que les investissements en capital-risque traditionnels. Les difficultés que présente ce marché contraignent les acteurs à opérer sur des bases financières saines », précise Chad Anderson.

Cet impératif de rentabilité économique conduit à l'émergence de nouveaux secteurs, en tête desquels le tourisme spatial, l'une des pistes explorées par ces entreprises pour gagner rapidement de l'argent. Virgin Galactic a pour ambition d'emmener les touristes à bord de vols suborbitaux, tandis que Blue Origin vise plus haut et souhaite conduire ses fortunés clients au-delà de la stratosphère. En décembre 2018, deux pilotes ont fait voler avec succès l'appareil conçu par Virgin Galactic, le SpaceShipTwo.

L'entreprise compte multiplier les tests dans le courant de l'année, afin d'embarquer des touristes dans un futur proche. Elle a déjà prévendu plusieurs centaines de tickets, qui s'arrache entre 200.000 et 250.000 dollars pièce. Chaque vol doit embarquer six passagers, qui pourront faire l'expérience de l'apesanteur et bénéficier d'une vue imprenable de notre planète.

Blue Origin, qui a déjà fait voler à plusieurs reprises sa fusée réutilisable New Shepard, prévoit également de vendre des tickets cette année. Le filon est aussi exploré par SpaceX, qui a obtenu l'an passé son tout premier client : le milliardaire japonais Yusaku Maezawa. Il a signé pour un tour en fusée autour de la lune, et compte emmener avec lui une poignée d'artistes à qui notre satellite pourrait servir de muse. D'autres misent sur des modèles plus expérimentaux. Moon Express, une entreprise cofondée par trois entrepreneurs de la Silicon Valley, a pour ambition de se rendre sur la lune et d'y prélever des minéraux pour les revendre sur Terre.

Mais le marché le plus dynamique est sans doute celui des satellites. Là où certaines startups (dont Planet, basée à San Francisco) ont construit leur succès sur l'imagerie, SpaceX et Amazon, à travers leurs projets respectifs Starlink et Kuiper, misent toutes deux sur les télécommunications. L'objectif : apporter l'Internet haut débit depuis l'espace aux zones aujourd'hui mal couvertes.

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Le marché privé du spatial en chiffres

1,7 milliard de dollars : les capitaux propres investis dans les entreprises spatiales au premier trimestre 2019
3.236 : le nombre de satellites qu'Amazon veut mettre en orbite dans le cadre de son projet Kuiper
500 millions de dollars : les fonds levés par SpaceX pour son projet Starlink l'an passé
53% : le pourcentage des investissements effectués dans l'industrie spatiale depuis 2009 aux États-Unis

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Commentaire 1
à écrit le 19/06/2019 à 9:06
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La génération "guerre des étoiles" ou "startrek" pour les meilleurs... Ben vivement la génération "Dr Who" hein ! Tout ces grands prgressistes qui gagnent des milliards par mois qui s'affirment supérieur du fait de leur moralisme affiché mais don...

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