Arnaques au CPF : bientôt la fin du démarchage téléphonique ?

Un projet de loi visant à interdire le démarchage au Compte personnel de formation (CPF) sera discuté à l'Assemblée nationale le 6 octobre. Il pourrait apporter la pièce manquante pour mettre fin aux escroqueries au CPF qui pullulent depuis 2 ans. Analyse.
François Manens
Des millions de Français reçoivent des SMS de spam chaque jour.
Des millions de Français reçoivent des SMS de spam chaque jour. (Crédits : Pixabay / CC)

Alors que la Caisse des dépôts et des consignations a sonné le branle-bas de combat pour mettre fin aux arnaques au compte personnel de formation (CPF) qui pullulent depuis plus de deux ans, le législateur tardait à apporter son soutien. Mais cette longue attente devrait bientôt prendre fin. Une proposition de loi, enregistrée fin août et qui sera examinée le 6 octobre à l'Assemblée Nationale, vise à formellement interdire le démarchage intensif au CPF. S'il est voté, ce texte pourrait être le coup de grâce contre les vagues d'arnaques au CPF incessantes qui touchent des millions de Français.

Le projet de loi prévoit de donner aux forces de l'ordre la capacité à agir dès l'envoi du spam. A l'heure actuelle, la police et la gendarmerie doivent attendre que l'arnaque ait abouti pour intervenir, car le démarchage en lui-même est légal. Cette disposition viendra compléter un arsenal déjà très complet, sur et en dehors de la plateforme Mon Compte Formation, qui vise à mettre fin aux arnaques.

Une loi attendue depuis plus d'un an

Longtemps évoquée, l'interdiction du démarchage pour le CPF a mis du temps à se frayer un chemin dans l'agenda des députés. En juillet 2021, le sénateur LR de l'Oise, Édouard Courtial, avait déjà déposé une proposition de loi, mais le dossier était resté sur la pile des sujets à traiter, particulièrement grande en fin de mandature.

Mais la nouvelle proposition de loi, déposée le 23 août 2022, a déjà une date d'introduction au parlement, à l'occasion de la niche parlementaire du groupe Démocrates (MoDem et indépendants). Cette journée particulière, qui a lieu une fois par mois, permet à chaque groupe parlementaire de fixer à son tour l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, habituellement décidé par le gouvernement. Le 6 octobre, ce sera donc au tour du groupe Démocrates d'avoir la niche parlementaire, et les députés ont décidé d'inscrire la proposition de loi "visant à lutter contre les abus et les fraudes au compte personnel de formation" à l'ordre du jour.

Cette décision paraît logique puisque la proposition est cosignée par un député MoDem, Bruno Fuchs, aux côtés de Sylvain Maillard (Renaissance) et Thomas Mesnier (Horizons). "Le thème n'a cessé de prendre de plus en plus d'importance pendant l'été, c'est un sujet important pour nos concitoyens, et la proposition de loi était déjà prête", explique à La Tribune Bruno Fuchs.

Un épouvantail avant tout

Le député argumente que la loi servira avant tout d'épouvantail : "quand une pratique n'est pas clairement interdite, les gens continuent de l'exploiter. Nous allons donc inscrire dans la loi une interdiction claire, et je pense qu'une grande partie des pratiques abusives vont s'arrêter rien qu'avec cette démarche". Et même si l'effet dissuasif de la loi ne suffit pas, elle permettra aux forces de l'ordre d'intervenir dès l'étape du démarchage. Bruno Fuchs insiste cependant : l'objectif n'est pas de déclencher une série de nouvelles procédures judiciaires, mais bien de prévenir clairement les opérateurs crapuleux que leur démarche est illégale.

De même, il espère que le texte enverra un signal clair aux consommateurs : "les concitoyens qui recevront un SMS relatif au CPF n'auront plus de doute sur le caractère frauduleux de la démarche". Cette position reste optimiste : la Caisse des dépôts matraque ce message depuis plusieurs mois, et a même lancé une nouvelle campagne de prévention pendant l'été. La Task force nationale de lutte contre les arnaques (qui regroupe de nombreux organismes publics) en a aussi fait une fiche dans son guide de prévention 2022. Mais des victimes mal informées ou simplement distraites continuent de tomber dans le piège.

Si Bruno Fuchs affirme que le sujet fait consensus, et que la loi devrait donc passer, il rappelle aussi qu'elle n'en est qu'à ses premiers pas dans le mécanisme parlementaire. Elle pourrait encore faire l'objet d'amendements, et quelques points techniques restent à discuter, comme la définition du "démarchage abusif" ou le montant et la nature des sanctions.

Du côté de la Caisse des dépôts, aux prises avec le problème depuis le premier confinement en mars 2020, on se réjouit sobrement de l'annonce. "Ce projet de texte confirme la forte mobilisation des pouvoirs publics dans la lutte contre la fraude et notamment le vecteur décisif du démarchage intempestif", écrit à La Tribune Michel Yahiel, directeur des politiques sociales.

Le coup de grâce aux arnaques ?

Le projet de loi pourrait être la pièce manquante dans la lutte contre les arnaques au CPF, puisque le démarchage reste la principale porte d'entrée des escrocs (aux côtés de publicités relayées par des influenceurs peu scrupuleux). Jusqu'ici, les différents acteurs potentiellement en capacité de régler le problème (police, opérateurs, régulateur des télécoms...) se renvoient la balle, car personne n'a clairement la responsabilité de mettre fin au spam incessant. Avec la nouvelle loi, cette casquette devrait revenir aux forces de l'ordre, qui n'auront plus à attendre l'aboutissement de l'arnaque pour intervenir.

En parallèle, la Caisse des dépôts et des consignations multiplie les procédures contre les arnaqueurs, en collaboration avec la DGCCRF et la police. Et surtout, elle rend les arnaques de plus en plus difficile à réaliser, en supprimant la "zone grise" de légalité dont profitaient les escrocs. Au début de l'année, elle a grandement durci les conditions d'entrée sur sa plateforme pour les organismes de formation, par le biais du certificat Qualiopi. Délivré suite à un audit, il permet de distinguer les formations sérieuses de celles mises en place dans le simple but de profiter des fonds du dispositif. Résultat, le 1er avril, la CDC a exclu de sa plateforme 2.278 organismes de formation qui ne l'avaient pas obtenu.

Or, si les escrocs ne peuvent faire aboutir les arnaques au CPF ou si elles s'avèrent trop risquées, ils se déporteront sur d'autres escroqueries, et arrêteront le spam téléphonique. Si en plus ce spam est formellement interdit, il y a de grandes chances qu'il disparaisse.

Le problème du spam toujours adressé au cas par cas

Cependant, il reste une ombre au tableau, et pas des moindres : le projet de loi adresse le problème ponctuel du démarchage au CPF mais il ne s'attaque pas aux enjeux de fonds des messages et appels frauduleux. S'ils ne peuvent plus profiter du CPF, les escrocs n'auront donc qu'à se déporter sur d'autres arnaques comme : les imitations des impôts, les arnaques au colis ou encore les faux renouvellements de la carte vitale...

Certes, en 2020, les parlementaires ont voté une loi contre le démarchage téléphonique abusif -après deux ans de débats- qui a renforcé l'encadrement de la prospection commerciale et les sanctions contre les abus. Mais le texte avait surtout pour objectif d' interdire le démarchage "ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables". Entre les lignes, cette précision visait à protéger les consommateurs contre les arnaques qui profitaient du dispositif de subventions publiques Ma Prime Rénov. Avec succès : le texte a mis un coup d'arrêt à ce type de démarchage, mais en parallèle, le démarchage au CPF a pris le relais. Autrement dit, les sujets changent, mais le spam téléphonique ne s'arrête pas, et les outils pour le stopper restent limités...

François Manens

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Commentaires 6
à écrit le 20/09/2022 à 17:31
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C'est tous démarchages téléphoniques qui devraient être interdits. Pour les salariés qui travaillent de nuit, cela les oblige à débrancher leur téléphone quand il doivent dormir la journée, voir à supprimer leur abonnement de ligne fixe. Pourquoi se ...

à écrit le 20/09/2022 à 12:14
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Question: l'état n'est-il pas le premier arnaqueur dans tout ce foutoir ? Le diff devenu cpf.. ou est passer le pognon des salariés qui " auraient " du le transféré sur le nouveau cpf ( et a quel titre ? ) ? Ou passe le pognon ( qui est versé par les...

à écrit le 20/09/2022 à 12:14
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Question: l'état n'est-il pas le premier arnaqueur dans tout ce foutoir ? Le diff devenu cpf.. ou est passer le pognon des salariés qui " auraient " du le transféré sur le nouveau cpf ( et a quel titre ? ) ? Ou passe le pognon ( qui est versé par les...

à écrit le 20/09/2022 à 9:05
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Si enfin on pouvait être débarrassé de ce démarchage plus qu'abusif pour le CPF, téléphone ou mail, mais aussi pour Prim renov et autres sujets similaires, ce serait un vrai progrès. Cela diminuerait le stress des Français, et entraînerait sans dout...

à écrit le 20/09/2022 à 8:50
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Réaction plus que tardive

à écrit le 20/09/2022 à 7:29
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Au delà du démarchage, le fait qu'il y ait tous ces problèmes, prouve que le CPF était encore une fois une idée stupide de la part du gouvernement, une loi écrite par des bisounours, qui sont déconnectés du monde réel. L'enfer est pavé de bonnes inte...

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