La French Tech, le nouvel atout de la réindustrialisation

BlaBlaCar, Doctolib, Lydia… Quand on parle de la French Tech, c’est d’abord à des poids lourds du numérique que l’on a tendance à penser. Mais depuis 2019, l’État fonde de grands espoirs dans un autre type de start-ups : celles mêlant recherche fondamentale, innovation de rupture et… visée industrielle. Dans la lignée du fameux plan d’investissement « France 2030 », de nombreux financements et programmes ont été mis en place pour les aider à s’implanter sur notre territoire. Et si le maillon clé du grand dessein gouvernemental de réindustrialisation, c’étaient elles ? (Cet article est issu de T La Revue n°16 - Réindustrialiser et décarboner la France)
(Crédits : Istock)

C'était en février dernier, à l'occasion de la publication des nouveaux lauréats du prestigieux Next40/FT120, indice phare de la French Tech. À l'Élysée, Emmanuelle Macron annonçait viser la création de 100 sites industriels issus de l'écosystème des start-ups françaises d'ici 2025. Dont acte. Quelques semaines plus tard, un nouveau programme favorisant les jeunes pousses innovantes voyait le jour : le « French Tech 2030 ».

Ce dispositif d'aide sur mesure visant à faire décoller les acteurs émergents de l'innovation et de la décarbonisation est le dernier né d'une liste désormais bien étoffée de mesures dédiées. Depuis quatre ans, cap est mis par l'État et sa banque d'investissement Bpifrance sur les start-ups susceptibles de s'industrialiser en France, et notamment les deep tech, ces entreprises qui développent des innovations de rupture et qui représentent aujourd'hui près de la moitié des start-ups industrielles du pays.

Après le plan Deeptech de Bpifrance, lancé en 2019 dans le but affiché de faire de la France un acteur majeur de cet écosystème de pointe, le gouvernement annonçait début 2022 une stratégie spécifiquement dédiée aux « start-up industrielles et deep-tech ». Véritable clé de voûte du mouvement, il est doté d'une enveloppe de 2,3 milliards d'euros issu du Programme d'investissement d'avenir et du plan France 2030. Ses leviers d'actions sont multiples : aides à l'industrialisation via des appels à projet intitulés « premières usines », investissements en fonds propres, prêts, soutien financier au développement des technologies...

Pour passer du laboratoire au stade de l'industrialisation et de la commercialisation, les deep tech ont en effet besoin de programmes spécifiques qui nécessitent à la fois des temps longs et d'importants apports en capitaux. Mais cela en vaut la peine, selon Paul-François Fournier, le directeur exécutif en charge de l'innovation de Bpifrance. « La French Tech est la pierre angulaire de la réindustrialisation », déclarait-il en mars dernier à La Tribune. « Ce qui nous paraissait deux mondes distincts - le monde de la tech centré sur le numérique et le monde de l'industrie centré sur l'usine - sont en train de se marier et de s'enrichir l'un et l'autre. »

Pour incarner ce futur désirable de l'industrie française, et redorer à la fois l'image vieillissante de ses usines et celle abîmée de la French Tech, quelques pépites sortent déjà du lot. C'est le cas, par exemple, d'Innovafeed et d'Ÿnsect, deux sociétés basées dans les Hauts-de-France et spécialisées dans l'élevage d'insectes, ou encore de Verkor, entreprise de batteries pour véhicules électriques qui s'apprête à ouvrir une gigafactory à Dunkerque. C'est le cas surtout d'Exotec, champion de la robotisation des entrepôts logistiques, devenu début 2022 la toute première « licorne » industrielle française, c'est-à-dire une start-up valorisée à près d'un milliard d'euros.

Autant d'exemples que sont en train de suivre un nombre croissant d'entrepreneurs visionnaires et audacieux. Zoom sur quatre deep tech qui pourraient bien réinventer notre vision de l'industrie...

FLYING WHALES, L'AÉRONEF RÉINVENTÉ

Elle est l'une des représentantes stars de la percée des start-up industrielles dans le nouveau classement Next40 et French Tech 120. Fondée et dirigée par Sébastien Bougon, la société Flying Whales veut construire les plus grands dirigeables au monde. Gonflées à l'hélium non pressurisé et dotées dans un premier temps d'une propulsion hybride électrique, ces futures « Baleines volantes » mesureront 200 mètres de long sur 50 mètres de diamètre. Leur credo ? Le transport décarboné de charges lourdes en provenance ou à destination de régions isolées. Prévue pour le premier semestre 2025, une première usine française doit voir le jour sur le territoire de Laruscade, petite commune du nord de Bordeaux, en Gironde. Soixante-quinze hectares, deux entrepôts gigantesques, une aire de vol... Pour construire ce site d'assemblage hors norme, qui promet l'embauche de 300 salariés d'ici 2032, l'entreprise bénéficie de l'appui de plusieurs industriels français, ainsi que d'un soutien public actif. Membre des communautés French Tech et Deeptech, elle compte au capital de l'entreprise à la fois Bpi France et la région Nouvelle Aquitaine.

UMIAMI, DU POULET VÉGÉTAL PLUS VRAI QUE NATURE

Dans le sillage du pionnier américain Beyond Meat, plusieurs entreprises françaises se sont ces dernières années positionnées sur le marché de la viande végétale. Seule à avoir développé une technologie permettant de récréer une texture fibreuse proche de celle des filets de viande et de poisson, Umiami est en train de s'imposer comme l'une des start-up phare de la food tech en France. Grâce à l'appel à projets « Première usine », programme issu de la stratégie « start-up industrielles et deep-tech » de France 2030, la start-up dirigée par Tristan Maurel a pu bénéficier d'une aide de 7,4 millions d'euros pour compléter le financement nécessaire à son implantation industrielle. Également soutenue par la région Grand-Est, l'entreprise s'apprête à ouvrir son premier site de production dans une ancienne usine Unilever, à Duppigheim près de Strasbourg. Son objectif à terme ? Produire jusqu'à 22 000 tonnes de produits non carnés par an et créer jusqu'à 200 emplois.

NÉOLITHE TRANSFORME LES DÉCHETS EN PIERRE

En matière de traitement des déchets non-recyclables, il existait deux méthodes : l'incinération et l'enfouissement, toutes deux très émettrices de gaz à effet de serre. Grâce à Néolithe, il en existe désormais une troisième, beaucoup plus propre : la fossilisation accélérée. Cette voie alternative, qui séquestre le CO2 plutôt que de l'émettre, repose sur un procédé unique qui transforme les déchets en granulats minéraux utilisables dans le secteur du BTP. Encore très jeune, à peine quatre ans, la start-up connaît une ascension fulgurante. Tout juste lauréate de la seconde fournée de l'appel à projet « Première usine », dans le cadre duquel elle a reçu la somme de 5,6 millions d'euros, elle s'apprête dès la fin de l'année à ouvrir un pôle industriel à Beaulieu-sur-Layon, dans le Maine-et-Loire. Le site doit servir à l'assemblage de fossilisateurs à destination, dans un premier temps, des déchets industriels. Déjà forte de 180 salariés, l'entreprise angevine, présidée par Nicolas Cruaud, espère doubler ses effectifs d'ici à 2025.

3D-TEX, LE TEXTILE ZÉRO DÉCHET ET RELOCALISÉ

Une usine de textile à Saint-Malo ? Les trois fondateurs de 3D-Tex auraient-ils perdu la tête ? Deux ans après le lancement de leur activité, Gwendal Michel, Basile Ricquier et Marc Sabardeil sont en train de prouver le contraire. Dans ce secteur ultra-concurrentiel, leur modèle semble prouver qu'en France, on peut encore fabriquer du textile et rester compétitif. Leur secret ? Confectionner à l'aide de machines à tricoter en 3D. Cette technologie sans couture a un double avantage : elle ne génère quasiment aucun déchet et fait gagner un temps précieux. Déjà forte de ses contrats avec plusieurs grands noms du prêt-à-porter, tel le groupe malouin Beaumanoir, Eram ou encore Décathlon, la PME fait partie des lauréats 2023 de l'appel à projet « Première usine ». D'ici 2026, elle espère donc être en mesure d'emménager dans son propre site industriel, un bâtiment qu'elle compte construire sur un terrain local qu'elle a déjà sécurisé. Une perspective qui devrait lui donner les moyens de ses ambitions, notamment en ce qui concerne de possibles futures débouchées dans les univers du textile médical et de l'industrie automobile.

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T16

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Commentaire 1
à écrit le 02/10/2023 à 12:37
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Quel avenir !! Quand on se permet un anglicisme c'est que l'on est prêt à se faire racheter ! ;-)

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