Consolidation des télécoms : les opérateurs espèrent un changement de doctrine de Bruxelles

La justice européenne doit rendre, courant 2023, un arrêt qui sera déterminant pour l’avenir des télécoms et la capacité des opérateurs à effectuer des consolidations nationales.
Pierre Manière
Au Royaume-Uni, Vodafone a indiqué, ce lundi, vouloir fusionner avec son rival Three UK pour accélérer le déploiement de la 5G.
Au Royaume-Uni, Vodafone a indiqué, ce lundi, vouloir fusionner avec son rival Three UK pour accélérer le déploiement de la 5G. (Crédits : Toby Melville)

L'Union européenne va-t-elle devenir un terrain de jeu plus propice aux consolidations nationales pour les télécoms ? Peut-être... La justice européenne va rendre un avis crucial à ce sujet dans le courant du premier trimestre 2023. Celui-ci pourrait bien chambouler la doctrine de l'Union européenne. Jusqu'à présent, Bruxelles s'est surtout attachée à défendre la concurrence dans tous les pays membres de l'Union. Ces dernières années, on ne compte plus les fois où la Commission de la concurrence s'est opposée à des fusions... À chaque fois, le son de cloche était le même : ces tentatives de consolidation étaient retoquées au motif qu'elles menaçaient la compétition entre les acteurs restants, et qu'elles ouvraient la porte à des hausses des prix. Mais cette doctrine pourrait évoluer.

Concrètement, la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) doit se prononcer sur un ancien projet de rachat de l'opérateur britannique O2 par Hutchinson, un conglomérat de Hong Kong, déjà propriétaire de Three Mobile de l'autre côté de la Manche. Cette opération à 13,5 milliards d'euros a été bloquée, en 2016, par la Commission européenne.

Mais Hutchinson a d'emblée contesté cette issue devant le tribunal de l'Union européenne. Et, cette même année, celui-ci a annulé la décision de la Commission européenne. Le tribunal a notamment considéré qu'il n'était pas si sûr que cette fusion débouche sur une flambée du prix des abonnements. Ni que ce deal soit de nature à plomber la concurrence« Les effets de l'opération sur les prix et sur la qualité des services aux consommateurs n'ont pas été prouvés », a affirmé le tribunal.

L'ultra-concurrence pèse sur les revenus des opérateurs

Un véritable camouflet pour la Commission européenne et l'antitrust. L'institution a alors fait appel de ce jugement auprès de la Cour de justice de l'UE, laquelle rendra son arrêt en début d'année prochaine. Tous les opérateurs du continent suivront cette décision avec attention. Dans une note publiée ce lundi, l'agence de notation financière Moody 's considère qu'elle sera « déterminante » pour l'avenir du secteur.

« Si l'arrêt de la cour de justice devait confirmer les conclusions du tribunal, nous pensons que cela ouvrirait la voie à davantage de consolidation, souligne l'agence américaine. Cela serait positif pour créer les conditions d'une réduction de la fragmentation du marché et d'un environnement concurrentiel plus rationnel qui pourrait profiter à tous les opérateurs. »

De fait, rappelle Moody's, « l'absence de consolidation sur les marchés européens des télécommunications au cours de la dernière décennie est l'une des raisons de la concurrence intense et de la faible croissance des revenus que le secteur a affichées au cours de cette période ». Cette concurrence est aujourd'hui particulièrement féroce en Italie, en Espagne, ou en France, où les prix des abonnements sont parmi les plus bas d'Europe.

Si le consommateur applaudit, les opérateurs, eux, déplorent cette situation qui rogne leurs revenus et fait dévisser leurs cours de Bourse. Beaucoup appellent depuis longtemps la Commission à changer sa doctrine qu'ils jugent nocive pour leur industrie.

Vodafone lorgne son rival Three

Cet arrêt permettra, espèrent les opérateurs, de faire bouger les lignes. Tous suivront, en outre, un autre dossier avec attention. Dans le courant du deuxième trimestre 2023, la Commission doit se prononcer sur un deal d'ampleur : en Espagne, Orange souhaite marier sa filiale à son rival MásMóvil. Cette opération, qui fixe la valeur du nouvel ensemble à près de 19 milliards d'euros, pourrait, si elle était autorisée, ouvrir la voie à d'autres deals d'envergure sur le Vieux Continent...

Au yeux des opérateurs, il est temps que Bruxelles change son fusil d'épaule. Certains estiment que la consolidation est même vitale pour leur avenir, dans un contexte où ils doivent investir des milliards d'euros dans la fibre, la 4G, et désormais la 5G.  C'est d'ailleurs pour cette raison que le britannique Vodafone a justifié, ce lundi, sa volonté de racheter son rival Three. « Certains opérateurs au Royaume-Uni, notamment Vodafone UK et Three UK, n'ont pas l'ampleur nécessaire pour que leurs investissements s'avèrent rentables [dans la 5G] » , indique Vodafone dans son communiqué. Pas sûr, pour autant, que les autorités concurrentielles l'entendent de cette oreille.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 04/10/2022 à 10:40
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