La cyberattaque du satellite américain Viasat, au début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, a démontré à quel point les réseaux télécoms sont indispensables et stratégiques. On ignore si Moscou en est à l'origine, mais tous les regards se tournent vers le Kremlin. Cette offensive a privé plusieurs dizaines de milliers d'Ukrainiens et d'Européens d'Internet. Une coupure qui a rappelé à l'Union européenne (UE) l'importance de disposer d'infrastructures fiables, sécurisées, et surtout souveraines.
Lors d'une conférence de presse ce mercredi, en clôture d'une réunion informelle des ministres européens des Télécoms, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'UE, Thierry Breton, le commissaire européen en charge du marché intérieur, a estimé que ce sujet était « essentiel ».
Après l'attaque du satellite de Viasat, « il a fallu qu'une entreprise privée [Starlink, la constellation satellitaire d'Elon Musk, Ndlr] vienne en support [de l'Ukraine] pour apporter des services complémentaires », a-t-il lâché. « Pour nous, ce n'est pas acceptable, a-t-il poursuivi. Sur ce plan, nous devons être souverain. »
A ses yeux, il est fondamental que l'Europe dispose de ses propres alternatives aux infrastructures télécoms terrestres, si ces dernières devaient être victimes de cyberattaques ou de dommages volontaires. A cet égard, Thierry Breton juge d'autant plus important que l'Europe se dote rapidement de sa propre constellation de satellites à orbite basse. Même si son lancement n'est aujourd'hui prévu qu'en 2024...
Assurer la « résilience » des infrastructures de communications
Les ministres européens des Télécoms sont tous tombés d'accord : il est crucial que l'UE renforce « la résilience » et la protection de ses réseaux télécoms, essentiels au bon fonctionnement d'Internet. Cela concerne les infrastructures terrestres. Mais aussi les câbles sous-marins, ces autoroutes de fibre optique reposant au fond des mers, dont l'Europe est aujourd'hui dépendante pour le bon fonctionnement de son écosystème numérique. Rappelons que l'OTAN redoute depuis des années, soit bien avant la guerre en Ukraine, que la Russie s'en prenne un jour à ces infrastructures vitales pour le Vieux Continent. Dans le contexte de crise actuel, ce scénario préoccupe de nombreux gouvernements et experts.
Les réseaux satellitaires sont également concernés, surtout après la cyberattaque visant Viasat. Thierry breton a indiqué qu'un exercice d'attaque visant ces infrastructures a récemment été mené à Toulouse, en présence de Florence Parly, la ministre française des Armées. L'objectif était d'identifier d'éventuelles failles, et que tous les acteurs impliqués sachent d'emblée comment réagir.
La menace cyber progresse fortement
L'autre sujet de préoccupation des ministres européens des Télécoms concerne « l'augmentation récente du niveau de menace cyber », laquelle est « exacerbée par la situation en Ukraine ». Selon Cédric O, le secrétaire d'Etat en charge du Numérique, les 27 pays membres de l'UE souhaitent que la directive NIS 2, qui élargit le champ des secteurs et des entreprises soumis à des obligations de cybersécurité, soit « adoptée au plus vite ». De plus, « nous avons tous exprimé la nécessité de construire très rapidement un bouclier cyber européen », a ajouté Thierry Breton.
L'objectif est ici que l'UE se dote d'un SOC (Security Operations Center) pour « surveiller et anticiper les attaques », a précisé le commissaire. Le responsable a aussi appelé à renforcer la coordination et la coopération entre les différentes organisations nationales en charge de la cybersécurité.
Ces considérations interviennent alors que l'Anssi, l'agence française en charge de la cybersécurité, a indiqué ce mercredi que les attaques informatiques ont grimpé en flèche l'an dernier. Le « nombre d'intrusions avérées dans des systèmes d'information » signalées à ses services a augmenté de 37%. Ce qui représente, quantitativement, « près de trois intrusions avérées par jour », poursuit l'agence. A côté des attaques menées par des « acteurs publics », dixit l'Anssi, les Etats ne sont pas en reste. « Le ciblage d'infrastructures critiques par des acteurs de niveau étatique continue, plus particulièrement dans le cadre de tensions géopolitiques exacerbées », explique également l'autorité nationale dédiée à la sécurité et la défense des systèmes d'information.
Enfin, selon Cédric O, les ministres européens des Télécoms se coordonnent pour fournir « des équipements informatiques et électroniques » à l'Ukraine, afin que ses réseaux télécoms continuent de fonctionner.
- Lire aussi : Télécoms, Internet : l'Europe veut renforcer la sécurité de ses réseaux face à la menace russe
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