Télécoms : les coupes d'effectifs chez BT révèlent ses inquiétudes liées à l'arrivée de la fibre

L’opérateur historique britannique entend supprimer pas moins de 55.000 postes d’ici à la fin de la décennie. Une annonce choc qui témoigne de ses difficultés sur le marché de la fibre. D’un côté, les coûts de déploiement de cette technologie vont crescendo. De l’autre, la concurrence, féroce, vient menacer ses parts de marché.
Pierre Manière
OpenReach, la filiale de BT en charge des infrastructures Internet fixe, n’a raccordé « que » 10,3 millions de locaux sur un objectif de 25 millions d’ici à la fin 2026.
OpenReach, la filiale de BT en charge des infrastructures Internet fixe, n’a raccordé « que » 10,3 millions de locaux sur un objectif de 25 millions d’ici à la fin 2026. (Crédits : Reuters)

Ce jeudi, la direction de BT a jeté un pavé dans la mare. En marge de la présentation de ses résultats annuels - pour son exercice achevé à la fin du mois de mars -, Philip Jansen, son directeur général, s'est fendu d'une annonce choc. D'ici à la fin de la décennie, a-t-il lancé, l'opérateur historique britannique s'appuiera sur « une main-d'œuvre beaucoup plus restreinte et des coûts considérablement réduits ». Concrètement, l'opérateur compte se séparer de 55.000 collaborateurs d'ici à 2030. C'est rien de moins que 42% de ses effectifs.

Si Philip Jansen comptait sur cette annonce pour donner un coup de fouet à son cours de Bourse, c'est raté. Dans la foulée de cette annonce, le titre a dégringolé de près de 9%, à 135 pences, avant de remonter un peu ce vendredi. BT a essentiellement justifié ses coupes d'effectifs par la fin du chantier du déploiement de la fibre. Des dizaines de milliers d'emplois ne seront plus nécessaires « lorsque nous cesserons de construire le réseau », a précisé Philip Jansen. C'est vrai. Toujours est-il que ce moment est loin d'être d'actualité.

Forte concurrence

Rappelons qu'OpenReach, la filiale de BT en charge des infrastructures Internet fixe, n'a raccordé « que » 10,3 millions de locaux sur un objectif de 25 millions d'ici à la fin 2026. BT n'est pas, par exemple, dans la même situation qu'Orange, son homologue en France. L'Hexagone est bien plus avancé dans le déploiement de la fibre, avec plus de 80% de locaux raccordables à cette technologie. Voilà pourquoi Orange prend aujourd'hui ses dispositions pour réduire ses troupes - essentiellement chez ses sous-traitants - dans ce domaine. Ce qui ne manque pas de sel, c'est qu'il y a moins d'un an, Clive Selley, le patron d'OpenReach, se plaignait de ne pas trouver suffisamment de bras pour déployer la fibre ! Il faut croire, alors, que la situation a changé...

Quoi qu'il en soit, pourquoi BT communique-t-il maintenant sur des réductions d'effectifs ? Cela peut être interprété comme une volonté de rassurer les investisseurs, alors que l'opérateur historique navigue dans des eaux troubles depuis des années. Au Royaume-Uni, l'opérateur est confronté à une multitude de concurrents, lesquels menacent le groupe à différents niveaux, le tout dans un contexte économique difficile.

Le spectre d'une chute des clients dans l'Internet fixe

En premier lieu, sa filiale OpenReach, qui sert tous les opérateurs du pays, déploie la fibre dans un contexte d'inflation galopante. La hausse des prix de l'énergie (et des carburants, en particulier) vient renchérir ses investissements. L'appétence pour la fibre est cependant au rendez-vous, et va crescendo. « La demande est extrêmement forte », se félicite BT dans un communiqué. Le nombre de lignes vendues chaque semaine aux opérateurs s'établit à 30.300, contre 24.900 trois mois auparavant. Sur l'année écoulée, les ventes globales d'OpenReach ont progressé de 4%, à 5,68 milliards de livres. Cela dit, BT est de plus en plus confronté à de nouveaux concurrents sur le front des infrastructures. Ceux-ci ont levé beaucoup d'argent, et déploient des réseaux de fibre à différents endroits du pays. Ce qui, à terme, pourrait menacer les affaires d'OpenReach.

BT doit aussi composer avec une très forte concurrence dans la vente d'abonnements Internet fixe. Certes, le groupe voit sa base de clients à la fibre grandir. Fin mars, elle s'établissait à 1,7 million de fidèles, soit 580.000 de plus en un an. Le problème, c'est que BT perd en parallèle des abonnés au haut débit, sur le réseau cuivre, qui partent parfois chez ses rivaux. C'est notamment ce qui explique pourquoi les revenus de la branche « Consumer » de BT stagnent, alors même qu'au Royaume-Uni, les prix des abonnements télécoms sont indexés sur l'inflation... Sur l'année écoulée, les ventes de cette branche (qui englobe les activités liées à l'Internet fixe et au mobile) ont légèrement baissé de 1%, à 9,7 milliard de livres.

Vodafone souffre également

Ces inquiétudes ont-elle justifié l'annonce de telles réductions d'effectifs ? Patrick Drahi, premier actionnaire de BT à hauteur de 18%, connaît bien la méthode. En France, personne n'a oublié la manière dont le milliardaire, fondateur et propriétaire d'Altice, a sabré 5.000 emplois chez SFR - soit un tiers des troupes - en 2017. BT n'est pas le seul cador des télécoms à souffrir au Royaume-Uni. Les déboires de son concurrent Vodafone l'illustrent. Ce mardi, le géant européen du mobile a annoncé la suppression de quelques 11.000 emplois ces trois prochaines années. Pour se relancer, Vodafone espère surtout décrocher l'aval de Bruxelles pour fusionner ses activités au Royaume-Uni avec celles de son concurrent Three UK. Une consolidation, synonyme d'une moindre concurrence et probablement de hausse des prix qui, pourrait, au passage, aussi faire les affaires de BT.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 22/05/2023 à 9:47
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Vous écrivez : "Vodafone espère surtout décrocher l'aval de Bruxelles pour fusionner ses activités au Royaume-Uni avec celles de son concurrent Three UK." Pour info, depuis le Brexit, l'Angleterre ne dépend plus de Bruxelles (les veinards). Vous ave...

à écrit le 20/05/2023 à 9:58
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Le déploiement de la fibre n’est pas en soit complexe, il est juste coûteux. En France, le déploiement de la fibre n’a pas vraiment généré plus de CA. L’avantage est plutôt sur la réduction de la consommation énergétique il me semble. Les Dslam en cu...

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