Télécoms : les grandes manœuvres se poursuivent autour de Vodafone

Le géant émirati des télécoms e& (ex-Etisalat) a annoncé, en fin de semaine dernière, avoir acquis une participation de près de 10% dans Vodafone. Cet important mouvement intervient alors que le mastodonte britannique du mobile est aujourd’hui sous pression. Ses résultats souffrent, depuis plusieurs années, d’une très forte concurrence en Europe. Analyse.
Pierre Manière
Nick Read, le PDG de Vodafone, dont le groupe a perdu près de la moitié de sa valeur en Bourse ces cinq dernières années.
Nick Read, le PDG de Vodafone, dont le groupe a perdu près de la moitié de sa valeur en Bourse ces cinq dernières années. (Crédits : Reuters)

Vodafone illustre, à lui seul, les difficultés du secteur des télécoms en Europe. En cinq ans, le titre du géant britannique du mobile a perdu pas loin de la moitié de sa valeur en Bourse. Comme tous les autres grands opérateurs du Vieux Continent, Vodafone fait l'objet d'une fronde des marchés. Beaucoup voient d'un mauvais œil ses lourds investissements dans la fibre, la 4G et la 5G, alors que ses marges pâtissent d'une ultra-concurrence, entretenue par Bruxelles pour maintenir des prix bas auprès des consommateurs, dans ses principaux marchés. C'est particulièrement vrai au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne. Surtout, l'état-major de Vodafone est critiqué par certains investisseurs pour avoir raté - ou écarté - certaines opportunités de consolidation dans ces marchés-clés.

C'est dans ce contexte, électrique, que le géant émirati des télécoms e& a annoncé, vendredi dernier, avoir mis la main sur pas moins de 9,8% du groupe britannique pour 4,4 milliards de dollars. L'investissement est important: selon Bloomberg, e&, groupe contrôlé par le richissime état pétrolier, devient ainsi le premier actionnaire de Vodafone, loin devant BlackRock (qui en possède 3,5%), Vanguard (3%) et HSBC (1,9%). E& assure que ce mouvement n'a qu'une ambition : décrocher « une exposition significative à un leader mondial de la connectivité et des services numériques », sans avoir l'intention, à ce jour du moins, de lancer une OPA. Le groupe émirati affirme soutenir la stratégie commerciale de Vodafone, comme son conseil d'administration et sa direction.

Vers une fusion avec Three au Royaume-Uni ?

Les marchés, eux, saluent la manœuvre. Ce lundi, le titre de Vodafone progressait de 2,80%, à la Bourse de Londres. Comme si les investisseurs voyaient cette arrivée comme le signe que les choses allaient prochainement, et profondément, changer... Il faut dire que Vodafone fait aujourd'hui l'objet de critiques et de fortes pressions en ce sens. Cevian Capital, le plus grand fonds activiste d'Europe, appelle depuis des mois la direction à simplifier ses activités, et à tout faire pour consolider ses positions dans ses principaux marchés.

La semaine dernière, le Financial Times a révélé que Vodafone était en discussion avec son rival Three UK, propriété du hongkongais CK Hutchinson, pour fusionner leurs activités au Royaume-Uni. Ce mariage entre les numéro trois et quatre du mobile outre-Manche permettrait, en particulier, de réduire significativement la concurrence, et, possiblement, de rehausser un peu les prix. Mais une telle opération nécessiterait l'aval des autorités concurrentielles. Ce qui n'est jamais simple : en 2016, la Commission européenne a bloqué un deal entre O2 et Three, estimant que leur union plomberait la compétition, et nuirait in fine aux consommateurs. D'après le quotidien économique britannique, Vodafone espère, cette fois-ci, décrocher la timbale. Comment? En sensibilisant les autorités aux investissements colossaux dans les réseaux auxquels le secteur est désormais confronté.

Vers une consolidation en Espagne

En parallèle, Vodafone pourrait profiter d'une possible amélioration sur le marché espagnol. Dans ce pays, où la guerre des prix fait rage depuis des années, ses rivaux Orange et MasMovil sont en passe de se marier. Aujourd'hui en négociations exclusives, les deux opérateurs espèrent bien arriver à leurs fins, et accoucher d'un nouveau cador capable de jouer des coudes avec l'opérateur historique Telefonica. Si les actionnaires de Vodafone auraient sans doute préféré que Vodafone soit acteur d'une consolidation, le groupe pourrait, tout de même, à terme, tirer avantage d'une compétition adoucie.

Enfin, en Italie, tout reste à faire. Ici aussi, les résultats de Vodafone souffrent d'une forte concurrence. Celle-ci est particulièrement vive depuis l'arrivée d'Iliad Italia, l'opérateur de Xavier Niel, au printemps 2018. En cassant les prix, celui-ci a depuis fait son nid sur le marché du mobile, et s'est récemment lancé dans l'Internet fixe. Depuis quelques mois, les rumeurs et tentatives de consolidation vont bon train en Italie. En début d'année, Vodafone et Iliad ont bien travaillé à un projet de rapprochement dans ce pays. Le groupe de Xavier Niel a même formalisé une offre de 11,25 milliards d'euros pour les activités italiennes de son rival. Mais Vodafone l'a retoquée, estimant qu'elle n'était « pas dans le meilleur intérêt de ses actionnaires ». Il n'empêche que les « non » ne sont jamais, surtout dans le contexte actuel, définitifs.

Pierre Manière

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