Jérôme Kerviel contre la Société Générale : suivez le procès minute par minute

Troisième et dernière semaine d'audience pour le procès de Jérôme Kerviel contre la Société Générale, qui a commencé le 8 juin et se poursuit ce jeudi avec sa douzième journée, celle du réquisitoire avec cinq années de prison dont quatre ans fermes requis contre l'accusé. La banque a réclamé la veille à son ex-trader 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, soit le montant de la perte qu'il a générée. Suivez les débats minute par minute avec notre envoyé spécial Benjamin Jullien.

Troisième et dernière semaine du procés de Jérome Kerviel. Suivez en direct le compte-rendu de l'audience de ce jeudi avec le réquisitoire. Retrouvez également le compte-rendu de la onzième journée d'audience, le compte-rendu de la dixième journée d'audience, le compte-rendu de la neuvième journée d'audience, le compte-rendu de la huitième journée d'audience, le compte-rendu de la septième journée d'audience, le compte-rendu de la sixième journée d'audience, le compte-rendu de la cinquième journée d'audience, le compte-rendu de la quatrième journée d'audience le compte-rendu de la troisième journée d'audience, le compte-rendu de la deuxième journée d'audience et le compte-rendu de la première journée d'audience, ainsi que le résumé de toute cette affaire en diaporama animé.

12h05 - Réquisition de cinq ans de prison dont quatre fermes !

Le chef de la section financière du parquet conclut son réquisitoire : "tous ceux qui ont vécu le week-end vous ont parlé de catastrophe, de larmes. Votre tribunal jugera Kerviel pour ce qu'il est, un menteur, un tricheur, un manipulateur. Cette affaire a entraîné un traumatisme planétaire. Les banques étrangères scrutent votre décision à venir. Le système bancaire, par le crédit, permet de créer des richesses et des emplois. Ce sont des hommes et des femmes de la Société Générale qui contribuent au fonctionnement de notre économie. Il en va de l'ordre public, économique et financier.

Mais quelques questions demeurent. A supposer que votre hiérarchie vous ait soutenue, pourquoi avez-vous continué votre course folle le 18 janvier, au risque d'entraîner la banque dans votre chute ? Pour faire gagner la banque ? Sûrement pas ! Vous seul le savez...

Comme une banque pourra-t-elle éviter qu'un jour un autre Kerviel commette l'irréparable ? C'est pourquoi, M. le président, je vous demande de déclare Kerviel coupable des faits qui lui sont reprochés. Je requiers cinq ans de réclusion criminelle, dont quatre ans fermes." Face à lui, sur sa chaise, Kerviel reste impassible.

L'audience est levée.

11h51 - Impossible à déceler avant janvier 2008.

(Suite du réquisitoire)

"Cette volonté de tromper l'a conduit devant votre tribunal pour répondre de trois chefs d'inculpation. Introduction frauduleuse de données : il a reconnu avoir introduit dans le système Eliot de multiples écritures entre 2005 et début 2008 qui ont eu pour résultat de fausser les contrôles, et la défense ne le conteste pas. Faux et usage de faux : l'accusation a montré qu'à plusieurs reprises, Kerviel avait forgé de faux e-mails entre mai 2007 et janvier 2008 à partir de messages émis par des tiers. Le préjudice est lui aussi bien constitué, de même que l'intention de tromper. J'ai l'impression de me répéter, parce que les faits sont simples et reconnus. Abus de confiance : je dirais même plus, trahison de la confiance. La Société Générale a bien donné un mandat à Kerviel pour agir sur les marchés en son nom, mais avec une limite de risque fixée à 125 millions.

En prenant des positions exorbitantes et au-delà de la journée, Kerviel a bien trompé la banque, il a détourné les fonds de la banque pour en faire une utilisation qui sortait de son mandat".

Kerviel, qui feuillette ses notes, jette un coup d'?il au procureur, un sourcil levé.  Cette instruction et cette audience ont permis de n'évacuer aucune question, Kerviel a été entendu quinze fois, les juges d'instruction se sont rendu à la banque, ils ont conclu à cette fraude massive et à l'incapacité de la banque de la détecter jusqu'en janvier 2008.

11h28 - "Il y aura un avant et un après Jérôme Kerviel dans les banques du monde entier"

(Suite du réquisitoire)

 "La défense dit qu'il suffisait de trois clics pour retrouver les opérations de Kerviel dans la base de donnée Eliot, mais cette base comportait 100 millions d'opérations. Le vice-procureur Aldebert évoque la description du métier de trader faite par les ex-collègues de Kerviel : "gestion des risques, rigueur, discipline, transparence. Aucune banque au monde ne peut accepter un tel comportement, nous a dit Daniel Bouton. Vous l'avez compris, la banque ne pouvait pas déjouer cette fraude" Aucun trader de la Société Générale n'a déraillé comme Kerviel, dans de telles proportions. Jérôme Kerviel a fait exploser son mandat, il est parti dans la stratosphère."

Il perd 300 millions d'euros chaque fois que le marché bouge de 1 % en sens inverse. Kerviel a pris 25.000 fois le risque moyen pris par un trader de la banque, nous a dit Maxime Kahn" (le trader qui a été chargé de déboucler les positions de Kerviel, Ndlr). On est dans l'irrationnel le plus total, M. Kerviel. Fou ou incompétent, M. Kerviel ?

Les traders du desk de Kerviel, censés tout savoir de ses positions, déclarent qu'ils ne comprennent pas comment il a pu faire cela. Si n'importe lequel d'entre nous avait eu une position de 1 milliard, ne serait-ce qu'un seconde, il aurait eu une crise cardiaque", a dit un de ses collègues. l y aura un avant et un après Jérôme Kerviel dans les banques du monde entier." Pour gagner 1,4 milliard, comme il l'a fait, il faut jouer des dizaines de milliards, il faut jouer la banque."

Le chef de la section financière du parquet rappelle que lors de son audition par la brigade financière, Kerviel a voué avoir dépassé son mandat en passant des opérations fictives pour ne pas être détecté. Comment peut-on dire qu'on est très fier d'être devenu trader à la SocGen et en même temps prendre le risque de vous faire licencier et de torpiller la banque ?"

11h15 - "Un somnambule dans un champ de tir"

(Suite du réquisitoire)

Le vice-procureur : "quel aurait été l'intérêt de la banque à accepter ses positions ? Quelle banque laisserait un opérateur l'engager pour de tels montants ? Il ne peut pas y avoir d'explication rationnelle, à moins d'être un "somnambule dans un champ de tir, comme l'a dit Jean-François Lepetit"."

"La défense soutient que ses opérations frauduleuses avaient malgré tout un impact sur la trésorerie, qui ne pouvait pas échapper à la banque. Mais la Commission bancaire [qui a enquêté sur l'affaire et infligé à la banque un blâme et une amende de 4 millions, Ndlr] nous dit que les flux de trésorerie étaient centralisés, ils peuvent donc être noyés dans la masse, "dilués dans les appels de marge globaux de la SocGen", dit la Commission bancaire."

Le représentant du ministère public évoque aussi le résultat de 55 millions déclaré par Kerviel à la fin 2007, jugé cohérent avec les activités de Kerviel et l'évolution des marchés sur lesquels il opérait.

Il revient sur l'épisode de l'alerte émise par la bourse allemande Eurex, où Kerviel assure que la banque s'est contentée de réponses farfelues, alors que le vice-procureur y voit de nouveau des "mots d'escrocs".

10h52 - "Un homme surentraîné", un "fraudeur permanent"

(Suite du réquisitoire)

L'audience reprend. C'est au tour de Jean-Michel Aldebert, vice-procureur et chef de la section financière du parquet. "La défense a stigmatisé les contrôles et demandé à la banque de se justifier."

"Pourtant nous savons depuis le début du dossier que Kerviel joue sur des confusions", notamment entre les dépassemetns de limite passifs de quelques millions, habituels, et ses propres dépassements cachés et qui se comptaient en milliards. 

"Cette confusion, votre tribunal l'écartera pour examiner la responsabilité pénale de Kerviel."

Il évoque les techniques de dissimulation de Kerviel, qui ont empêché la banque non pas de voir, mais de comprendre ses actes frauduleux. Il parle d'un "homme qui avait le contrôle total de ses actions."

Il détaille ensuite trois types de techniques :

- saisie puis annulation d'opérations fictives dissimulant les risques de marché (947 fois au total).

- saisie d'opérations d'achat-vente pour masquer son résultat figé (115 fois).

- passage de provisions venant annuler le résultat des positions frauduleuses en cours de mois, celles-ci n'étant contrôlées qu'en fin de mois.

"Bien sûr Kerviel a annulé ces opérations avant qu'elles ne soient concrétisées, pour les remplacer par de nouvelles fausses transactions.

Quand il devait répondre aux contrôles, il a formulé des réponses mensongères, parfois appuyées par de faux e-mails fbiqus par lui pour la circonstance."

Des méthodes qui lui ont permis d'augmenter ses positions frauduleuses de 15 millions en 2005 jusqu'à 49 milliards en janvier 2008.

"Pour pouvoir augmenter ses positions sans être détecté, Kerviel a fait évoluer ses techniques, varié les transactions fictives".

Il a profité des défaillances de son supérieur, qui maîtrisait mal les opérations de son service.

Il dépeint "un homme surentraîné", un "fraudeur permanent" qui dit utiliser des techniques simples et facilement détectables mais qui les utilise de façon sournoise.

Il évoque la façon dont Kerviel a "acquis une connaissance parfaite des contrôles", grâce à son passage au "middle office" et aux liens qu'il a noués avec des gens des fonctions supports.

"On ne peut pas s'empêcher de penser que tout cela était intentionnel."

"C'est un système organisé, méthodique, continu, et une exploitation cynique des faiblesses des contrôles qu ont permis cette fraude".

"Regardez son attitude : pourquoi il ne dit rien à la banque sur ses positions de 49 milliards quand il est interrogé, les 19-20 janvier, sur son résultat de 1,4 milliard réalisé l'année précédente ?"

"La confiance suppose la connaissance de la situation, or Kerviel a caché l'étendue de ses positions à la Société Générale, et la confiance a joué le rôle de bombe à retardement."

10h32  - Quel était le mobile de Kerviel ?

(Suite du réquisitoire)

"Cette faculté de travestir la réalité par des mots a été à l'?uvre pendant tout ce procès, car l'escroc ne peut pas s'arrêter dans la jouissance de tromper."

Le vice-procureur revient sur les fluctuations de la défense, imitant Kerviel : "j'ai commis les faits car personne ne m'a dit de ne pas le faire.

J'ai commis les faits car tout le monde le savait.

J'ai commis les faits avec l'accord implicite de ma grossièreté.

J'ai commis les faits pour satisfaire ma hiérarchie.

J'ai commis les faits car j'an interprété l'absence de réaction de ma hiérarchie comme un encouragement."

"Si la banque avait vraiment voulu prendre de telles positions, elle aurait confié leur gestion à quelqu'un de plus expérimenté et en toute transparence."

Il revient sur la question du mobile, "la seule obscurité que le parquet ne pourra pas lever".

"Quelques éléments :

- un espoir de bonus, le parquet ne le pense pas, Kerviel est allé beaucoup trop vite, trop haut.

- devenir une star.

- couler la Société Générale par un militantisme anti-banque ? Pas davantage, vous n'en avez aucune trace dans le dossier, car Kerviel a dit à quel point il était content d'être nommé trader.

- une insatisfaction permanente, une variante financière du bovarysme, qui consiste à trouver sa vie incolore et fade, qu'il faut y mettre des sensations fortes, de la couleur."

Il note ensuite que Kerviel n'a pas exprimé la moindre émotion au cours du procès.

"L'intention au sens pénale est parfaitement établie, jusqu'à ce que M. Bouton a appelé la mise en place d'une sorte d'entreprise individuelle au sein de la banque, en toute opacité."

L'audience est supendue.

10h10 - Kerviel "est quelqu'un qui cache beaucoup de choses et qui ment"

(Suite du réquisitoire)

Le vice-procureur estime que Kerviel a utilisé constamment sa "capacité de convaincre", ses "mots d'escrocs".

"Masquer la passé, d'abord, c'est son souci permanent. Et puis continuer la constriction de la victime."

Il souligne le "climat de confiance et de bonne foi" dans lequel la banque a laissé Kerviel corriger ses erreurs, ce qui lui a permis de continuer.

"J'aime traquer dans les mots du dossier les éléments de constriction".

Il évoque un Kerviel "naturel, dévoué, familier". "Tous les mails qui sont au dossier montrent comment Kerviel prétend se battre pour la banque, comment il gagne du temps".

"Même arrivé aux limites des arguments techniques, il ne rend pas les armes, il inverse la situation et demande au contrôle de vérifier la situation, avant de proposer d'en faire plus, ce qui est de nature à amoindrir la capacité de résistance de sa proie".

"Mais ce talent ne s'est pas limité à la commissure des faits. L'expert psychologique lui-même n'a pas échappé à Jérôme Kerviel, il s'est laissé convaincre que le trading était un métier de l'extrême, très exposé aux risques, alors que les traders qui ont témoigné nous ont dit que c'était tout le contraire".

L'expert va jusqu'à évoquer une "absence de contrôle" qui aurait encouragé Kerviel, alors que celui-ci a déployé une énergie énorme pour contourner les contrôles.

"Moussa Bakir [le courtier favori de Kerviel, qui a touché 1,4 million d'euros de bonus au second semestre 2007], lui, n'est pas expert en psychologie mais il est bien plus malin, il évoque la "puissance Kerviel"".

Le vice-procureur relit ensuite le témoignage d'une ancienne petite amie de Kerviel qui travaillait aux service informatique de la banque : "c'est quelqu'un qui cache beaucoup de choses et qui ment. Par ailleurs il avait très confiance en lui, donc il a dû penser qu'il allait s'en tirer".

9h55 - Kerviel écoute attentivement le réquisitoire

(Suite du réquisitoire)

Le vice-procureur évoque les qualificatifs attribués au cours du procès aux positions prises par Kerviel : stratosphériques, inhumaines, folles, insoutenables (au plan cardiaque), irréelle, inimaginables, impensables. "Ceci dit, elles sont guerrières, ces positions, car elles sont de nature à détruire la banque sans enrichir leur auteur".

"Les systèmes de contrôle ne protégent pas contre des ennemis, ce n'est pas une veille militaire, ils servent à protéger contre des erreurs."

"La défense a cherché de quelle arme les contrôleurs disposaient pour occir les ennemis de la banque".

La confusion des mots de ce dossier entraîne la confusion des idées, qui entraîne la fraude.

"Il n'est pas écrit à l'entrée des salles de marché : "il est interdit de frauder", comme l'a dit M. Mianné."

La défense dit : "les contrôles n'ont pas fonctionné assez bien pour m'arrêter, donc je suis innocent".

"J'ai fermé la porte de mon appartement ce matin, mais même si je l'avais laissée ouverte un cambrioleur serait coupable du même délit".

Il rappelle que Kerviel n'était pas opposé à son "camp nourricier" quand il demandé un bonus de 600.000 euros fin 2007.

Il évoque Martial Rouyère, l'ancien N+2 de Kerviel, "épouvantablement manipulé" par le trader.

Vêtu d'un costume sombre et d'une chemise rose, Kerviel écoute en regardant l'orateur du coin de l'?il, prend quelques notes, et remet sa main sur son menton, puis son stylo dans sa bouche.

9h36 - Début du réquisitoire du vice-procureur

L'audience débute. Elle sera consacrée aux réquisitions du ministère public. La salle est loin d'être pleine.

Le vice-procureur, Philippe Bourion, commence par évoquer les parties civiles autres que la Société Générale, mais son micro ne marche que par intermittences, ou alors sa fougue l'empêche de parler bien en face. Le public fait des grimaces, et la presse proteste. Il estime que la position "extravagante" de Kerviel tient en une phrase : "je ne suis pas coupable puisque j'ai réussi à commettre les faits".

Il se cache derrière un mobile anodin : "faire gagner de l'argent à la banque", alors qu'il a fait en sorte de cacher cet argent.

Il évoque les positions spéculatives ouvertes à tous les vents des marchés, qui ont atteint 50 milliards d'euros en janvier 2008.

Il note que les chiffres ne sont pas contestés dans ce dossier, à la différence des mots. "Un mot, c'est une convention".

Il évoque l'"alliance objective" qui s'est nouée entre le ministère public et la victime. Il fait l'éloge de l'instruction "ciselée" de ce dossier "aride" en disant que "tout a été mis sur la table".

"Pas de brutalité directe dans l'action de Kerviel, ce n'est pas un braqueur, d'ailleurs il n'en a pas tiré profit".

Il procède plutôt par constriction, comme un anaconda. "Au début l'animal tient une partie de votre jambe, vous n'y faites pas trop attention - c'est l'épisode Allianz en 2005 - et ensuite il vous enserre et c'est trop tard."

Il évoque la "machinerie complexe" des systèmes de la banque, les collègues et les amis "trompés" par Kerviel.

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