Création d'un service de transport fluvial XXL sur l'estuaire de la Loire

REPORTAGE. Le 1er janvier prochain, Nantes et Saint-Nazaire bénéficieront d'une liaison de transport fluvial régulière dans l'estuaire de la Loire. Voulu pour optimiser le transport de marchandises des industriels actifs sur le territoire et désengorger le trafic routier sur l'axe Nantes-Saint-Nazaire, ce nouveau service, baptisé FlexiLoire, marque aussi l'engagement pris en faveur des transitions écologique et énergétique. Reste à trouver l'équilibre financier.
La rampe RoRo (Roll-On, Roll-Off) des Charbonniers. (Crédit Compagnie Ligérienne de Transport)

On pourra y transporter des colis XXL, chers à Airbus ou Alstom pour ses EMR, satisfaire à des exigences de logistiques urbaines, acheminer des véhicules, y privilégier l'accueil de convois exceptionnels en transit, des conteneurs ou encore des matériaux pour le BTP...  Si nul ne s'aventure à donner des tonnages, des volumes, des tarifs ou de potentielles économies, les protagonistes du service FlexiLoire se félicitent d'avoir aligné les planètes pour le lancement d'un outil multisite et multifonction au 1er janvier 2018. Dès lors, les chargeurs, transporteurs et autres logisticiens pourront emprunter la dorsale Nantes-Saint-Nazaire cinq fois par semaine. Soit 240 rotations annuelles entre le terminal de Cheviré, situé en aval de Nantes et le site portuaire de Montoir-de-Bretagne, à deux encablures de Saint-Nazaire. Une boucle enrichie de 9 liaisons ponctuelles et complémentaires permettant des sauts de puce entre l'île de Nantes et Cheviré, La Roche Maurice, Indret (DCNS), Couéron, le Carnet, Montoir et Saint-Nazaire(1) et un véritable maillage de l'estuaire.

Loire 4, barge, Thual, CLT,

(Caisse XL sur barge, et pousseur. Crédit CLT)

Une volonté politique

«Ce projet figure parmi les trente engagements pris à l'issu du grand débat citoyen sur la Loire, organisé il y a deux ans, où est apparu une attente forte pour la promotion du fleuve, et qui répond aux exigences de transitions énergétiques et écologiques », rappelle Fabrice Roussel, vice-président de Nantes Métropole, en charge du pôle métropolitain Nantes-Saint-Nazaire.

« Cet outil va permettre de reporter du trafic de la route vers le fluvial et désengorger l'axe Nantes-Saint-Nazaire », esquisse-t-il.

En 2009 déjà, Jean-Marc Ayrault et Joël Batteux, respectivement ex-maires de Nantes et de Saint-Nazaire, avaient engagé une coopération en ce sens. De l'eau a coulé sous les ponts depuis et les enjeux écologiques sont devenus plus prégnants. Inscrite dans le schéma logistique du Pôle métropolitain de Nantes Saint-Nazaire, cette liaison fluviale figure également dans le projet stratégique 2015-2020 de Nantes-Saint-Nazaire Port.

« Ce qui démontre une volonté transversale de travailler ensemble », se félicite Fabrice Roussel.

Un risque partagé

L'été dernier, un groupement de commandes s'est constitué autour de Nantes Métropole, de la Carène, la Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'institution portuaire. Les deux collectivités s'engageant respectivement à hauteur de 60.000 euros et 40.000 euros par an pendant cinq ans pour soutenir l'équilibre financier d'un projet qui va devoir trouver son modèle économique.  Des filières ont été identifiées de manière à ce que progressivement les aides publiques diminuent. Cette forme d'amorçage et de partage du risque doit, en somme, permettre d'éviter les écueils rencontrés en 2009 lors de la mise en œuvre d'une liaison fluviale pour transporter des conteneurs. L'expérience menée par un privé a duré un an.

Cette fois, suite à un appel d'offres, l'exploitation de FlexiLoire a été confiée à la Compagnie Ligérienne de Transport (CLT), filiale du groupe CFT (600 personnes), leader français de la logistique fluviale et industrielle. Dans l'estuaire de la Loire, CLT (50 personnes pour un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros en 2016), créée en 2003, est une habituée des lieux. Elle assure déjà l'approvisionnement de la centrale thermique de Cordemais, de vracs et de colis hors gabarits entre les sites aéronautiques de Bouguenais et Montoir, et devrait dédier une barge de 5.000 à 6.000 tonnes et un navire pousseur de 3.000 CV à ce nouveau service.

Loire 2, barge, Thual, CLT,

(Sur le site de Cheviré. Crédit CLT)

Une offre combinée, multisites et multiproduits

Selon Lenaïck Le Faou, directrice de la CLT, «il faut encore creuser le sillon. Mais cette nouvelle activité doit permettre de proposer une offre diversifiée à des entreprises qui ne pensaient pas forcément fluvial. Or, ce qui est exceptionnel sur la route, ne l'est pas forcement sur le fleuve où nous pouvons proposer des solutions logistiques combinées sur le territoire, avec mise à disposition de plateformes de stockage temporaire, par exemple, ce qui n'est pas possible lors d'un transit routier où certains véhicules peuvent être bloqués vingt-quatre heures », explique-t-elle, persuadée que la mise en œuvre d'un service régulier et pérenne va donner de la visibilité aux chargeurs et logisticiens.

« Contrairement aux expériences passées qui reposaient sur un monoproduit, nous sommes engagés cette fois sur une démarche multiproduits et multisites. Et je crois à la complémentarité des modes », précise-t-elle.

Cette autre façon de penser le transport pourrait progressivement permettre de recruter une dizaine de personnes et générer un chiffre d'affaires de 1,5 million d'euros lorsqu'elle sera devenue mature. A ce jour, aucun contrat commercial n'a été signé.

« Nous cherchons aujourd'hui à constituer un modèle économique au lieu d'un modèle épars », indique Alain Leblanc, chef du service développement multimodal de Nantes Saint-Nazaire Port.

Des besoins ont été exprimés par les industriels, il reste à transformer l'idée.

Prêt à investir

« C'est une étape significative, observe Jean-Pierre Chalus, directeur général de Nantes-Saint-Nazaire Port. Car, la mise en œuvre d'une liaison fluviale est une des huit grandes missions dévolues port suite au projet stratégique adopté en 2015 pour devenir un port de référence. C'est, de plus, un sujet qui met la Loire dans une véritable dynamique. En étudiant deux ans d'échanges commerciaux, nous avons réalisé un travail de fond qui n'avaient jamais été réalisé."

"Si on laissait faire le marché, jamais nous n'aurions la chance d'offrir une réponse technique satisfaisante. Les industriels auront désormais une boite à outils pour les accompagner dans leur développement », poursuit Jean-Pierre Chalus.

D'ores et déjà, Nantes-Saint-Nazaire Port a budgété 2 millions d'euros pour d'éventuels aménagements d'une plateforme fluviale connectée. Une poire pour la soif...

Frédéric Thual

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(1) Ile de Nantes-Cheviré ; Montoir-Saint-Nazaire ; Cheviré-Montoir-Couéron ; Indret-Montoir ; Indret-Saint-Nazaire ; Nantes Roche Maurice-Saint-Nazaire-Montoir; Le Carnet-Montoir-Saint-Nazaire.

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