Semi-conducteurs : pourquoi les profits du taïwanais TSMC explosent et ceux de l’européen ASML ralentissent

Les géants des puces électroniques ont affiché au premier trimestre des résultats très disparates. Si tous bénéficient de l’engouement autour de l’intelligence artificielle, l’équipementier néerlandais se trouve dans une période de creux après les très nombreuses commandes qu’il a connu en 2023. Explications.
Maxime Heuze
ASML le fabricant a fait état d'un bénéfice net de 1,2 milliard d'euros au premier trimestre.
ASML le fabricant a fait état d'un bénéfice net de 1,2 milliard d'euros au premier trimestre. (Crédits : DADO RUVIC)

C'est le grand écart dans le monde des semi-conducteurs, ces véritables cerveaux de nos machines, en ce début d'année. Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), qui contrôle plus de la moitié de la production mondiale de semi-conducteurs, a publié ce jeudi un bénéfice net de 6,97 milliards de dollars (6,53 milliards d'euros) au premier trimestre, soit en hausse de 9% par rapport au même trimestre un an plus tôt. Son chiffre d'affaires s'affiche, lui aussi, en hausse de 13% sur un an, à 18,87 milliards de dollars.

Pourtant la veille, un autre géant, néerlandais cette fois-ci, a publié un résultat beaucoup moins encourageant. ASML, le fabricant qui fournit justement des machines de production de puces électroniques à TSMC, a fait état d'un bénéfice net de 1,2 milliard d'euros au premier trimestre soit une chute de près de 40% par rapport aux 2 milliards d'euros qu'il avait affichés au premier trimestre 2023. Son chiffre d'affaires de 5,29 milliards d'euros a, lui, chuté de 21,6 % sur un an.

Deux bilans très différents rappelant que l'industrie des semi-conducteurs est vaste et rythmée par des crises de sous et de surproduction allant de plusieurs mois à plusieurs années.

TSMC dopé par l'intelligence artificielle

Et pour cause, TSMC sort tout juste la tête de l'eau. En 2023, après avoir subi une chute de la demande suite à la baisse des ventes d'ordinateurs et de smartphones en début d'année, le fondeur (un fabricant de puces) avait vu ses clients se ruer à nouveau à son portillon face à l'émergence d'un nouveau marché : celui de l'intelligence artificielle.

Mais TSMC a mis du temps à répondre à cette nouvelle demande. En octobre dernier, il expliquait que « la demande en IA continue de croître de façon de plus en plus forte. Du point de vue de TSMC, nous avons une capacité limitée pour soutenir la demande » de clients tels que Nvidia, avait déclaré le directeur général CC Wei, affirmant que « nous travaillons dur pour accroître notre capacité de répondre à cette demande. » Après une année 2023 de mise à niveau, le géant taïwanais récolte donc les fruits de ses investissements massifs.

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TSMC a d'ailleurs pointé l'importance des puces de très haute technologie, captées en grand nombre par l'IA, dans ses résultats. « Les technologies avancées, définies comme des technologies de 7 nanomètres et plus, ont représenté 65% du revenu total des plaquettes de silicium », note le groupe dans un communiqué paru ce jeudi. Une forte demande qui ne semble d'ailleurs pas prête de s'arrêter. Le directeur financier Wendell Huang a déclaré au cours d'une conférence téléphonique ce même jour que TSMC prévoyait une augmentation de 27,6 % de son chiffre d'affaires au deuxième trimestre en comparaison avec le même trimestre un an plus tôt.

Et il est loin d'être le seul. Le grand concurrent du taïwanais, le coréen Samsung a indiqué le 5 avril dernier prévoir « la reprise progressive de la demande de smartphones et d'ordinateurs » grâce à l'expansion de l'IA sur ces appareils, pariant alors sur une progression de son bénéfice opérationnel de 931,3% au premier trimestre sur un an, à 4,5 milliards d'euros.

ASML au creux de la vague

À l'inverse des deux fondeurs, ASML a connu de très beaux jours en 2023. Mercredi, après la publication de ses résultats de début d'année, son directeur financier Roger Dassen a d'ailleurs appelé les investisseurs à garder à l'esprit que les commandes cumulées au cours des troisième et quatrième trimestres 2023 se sont élevées à 13 milliards d'euros, soit « un chiffre assez significatif ». Sur l'ensemble de l'année passée, ASML a, en outre, affiché un bénéfice de 7,8 milliards d'euros, soit une hausse de 39% par rapport à 2022. « L'équipementier a justement profité des investissements de ses clients qui lui ont acheté beaucoup de machines en 2022 et 2023, il est donc en avance sur le cycle par rapport à ces derniers », analyse pour La Tribune Antoine Fraysse-Soulier, analyste chez le courtier eToro.

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Mais après avoir mis à niveau leurs outils de production, les fabricants de puces ont freiné leurs achats en ce début d'année. Alors qu'au dernier trimestre de l'année 2023, les commandes s'étaient, en effet, établies à 9,2 milliards d'euros, ASML a enregistré 3,6 milliards d'euros de commandes le trimestre passé, bien en dessous des 4,63 milliards d'euros attendus par les analystes.

Surtout, l'irrégularité est dorénavant au cœur de l'activité du groupe.

« Nous sommes dans une séquence où les fondeurs ne connaissent pas vraiment les besoins en puces nécessaires pour le développement de l'IA dans les prochains mois et années. Ils vont donc faire des demandes par à-coups à ASML pour éviter de se retrouver avec trop de machines », explique aussi à La Tribune Emeric Blond, analyste chez Taylor AM.

Le directeur financier de l'équipementier a d'ailleurs lui-même déclaré que les commandes étaient « généralement assez irrégulières », ce qui signifie que de grandes variations peuvent se produire d'un trimestre à l'autre.

Vers des jours meilleurs?

L'équipementier se trouve donc dans une période de creux... mais reste optimiste pour le futur. Son PDG Peter Wennink a rappelé, mercredi, qu'il s'attendait à une « année de transition » pour le groupe avec néanmoins un « second semestre devant être plus solide que le premier, conformément à la poursuite de la reprise du secteur après le ralentissement économique ». Surtout, il s'attend à une « croissance significative » en 2025.

Et pour cause, attirés par des milliards de dollars de subventions publiques, les géants des puces ont tous annoncé des investissements aux Etats-Unis. Ainsi, TSMC va construire trois usines Outre-Atlantique dont la première compte produire des puces en grand nombre dès 2025. L'américain Intel a lui aussi reçu 20 milliards de dollars du gouvernement américain pour l'aider « à la construction et à l'agrandissement des infrastructures d'Intel en Arizona, dans l'Ohio, au Nouveau-Mexique et dans l'Oregon », a expliqué la Maison Blanche fin mars. Et cette vague de construction d'usines ne se limite pas au territoire américain. TSMC a aussi annoncé la construction de deux usines de puces au Japon et une en Allemagne ces derniers mois. Autant de fonderies qui devraient relancer les demandes en machines de production de puces ces prochaines années.

À moins que la baisse de la demande chinoise ne vienne assombrir le tableau d'ASML. Le 1er janvier dernier, l'équipementier a vu sa licence pour expédier vers Pékin ses machines de photolithographie permettant de produire des puces de pointe être révoquée par le gouvernement néerlandais, à la demande de Washington. Un client en moins qui inquiète puisque la Chine représentait 49% des ventes d'ASML au trimestre dernier.

Maxime Heuze

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Commentaires 5
à écrit le 19/04/2024 à 13:22
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bonjour , 7 nanomètres à notre époque c'est plutôt grossier ou 3 nanos en cartes graphiques c'est la norme et consommation raisonnable. AMD le grand fabriquant de puces vidéos s'est enfin intéressé à l'IA il était temps! les actionnaires vont se r...

le 19/04/2024 à 17:58
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"7 nanomètres à notre époque c'est plutôt grossier" Comme le dit l'adage ce n'est pas la taille de l'outil qui compte mais plutôt comment on s'en sert... "3 nanos en cartes graphiques c'est la norme" Sauf que le marketing nanométrique des f...

à écrit le 19/04/2024 à 4:03
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Avec de tels bénéfices couplés aux aides d'Etat US et Nippon TSMC va pouvoir délocaliser ses usines avant que la Chine envahisse Taiwan mais le compte à rebours a commencé.

à écrit le 18/04/2024 à 20:19
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Tout ira bien pour le fondeur chinois TSMC aussi longtemps que les GAFAM subventionneront l'entreprise par l'achat d'accélérateurs AMD/nVidia en leasing à l'armée chinoise. Néanmoins la faillite est assurée en cas d'arrêt de la demande du PCC q...

à écrit le 18/04/2024 à 18:08
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Bah c'est logique, ASML ne fonctionne que sur la croissance de la fabrication des semi-conducteurs, alors que TSMC fonctionne sur la fabrication. Il va y avoir une sévère décroissance au niveau des semi-conducteurs en 2025

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