Facebook contre Twitter : le duel des géants des médias sociaux

Dix ans auront suffi au réseau social cofondé par Mark Zuckerberg pour rallier plus d'un milliard de membres actifs et devenir... une incontournable machine à cash publicitaire. Le célèbre site doit à la fois éviter la potentielle désaffection de ses « amis » et contrer la montée en puissance de Twitter, qui convoite aussi le gâteau publicitaire des médias sociaux (9,5 milliards de dollars en 2013), croqué aujourd'hui à plus des deux tiers par Facebook.
« Like » contre « gazouillis »… À tout juste 10 ans, Facebook domine encore largement Twitter, de deux ans son cadet. Les deux grands médias sociaux sont à l’affût d’une part plus grande encore du gâteau publicitaire./ DR

Dix ans, déjà ! Facebook a soufflé sa dixième bougie ce 4 février. En une décennie, le trombinoscope étudiant devenu le premier réseau social mondial a inventé un nouveau paradigme de communication, un nouvel art de la « conversation » entre les individus, mais aussi entre les entreprises et leurs clients.

Le site Internet cofondé par Mark Zuckerberg est aujourd'hui un média de masse et a su transformer son milliard de membres actifs en milliards de dollars de recettes publicitaires : Facebook est désormais le deuxième vendeur de publicités en ligne dans le monde et sur le marché américain, loin derrière Google mais devant l'historique Yahoo. Tout un symbole.

Les inquiétudes sur la solidité de son modèle économique, qui avaient rendu chaotique son introduction en Bourse en mai 2012, semblent quasiment envolées : le cours de l'action a pulvérisé de nouveaux records ces derniers jours. L'entreprise de Menlo Park vaut plus de 160 milliards de dollars, soit près de la moitié de Google et de Microsoft, plus que Disney et quatre fois plus que Yahoo ! C'est la première société dans l'histoire à atteindre un tel niveau de valorisation au bout de seulement dix ans d'existence.

Dix ans, l'âge de la maturité pour une entreprise Internet... et pour le « bébé-PDG » qui aura lui-même bientôt trente ans, en mai. Mark Zuckerberg, qui insistait dans sa première lettre aux investisseurs sur le fait que « Facebook n'a pas été créé initialement pour être une entreprise », mais pour « connecter le monde », a finalement bâti une puissante machine à cash publicitaire, devenue aussi incontournable dans un plan médias que Google. Le président exécutif du moteur de recherche, Eric Schmidt, regrette amèrement son erreur stratégique d'avoir raté le virage « social » du Web. La publicité représente 90 % du chiffre d'affaires de Facebook, les micropaiements liés aux jeux ayant tendance à plafonner. Chaque « ami » lui rapporte 2,14 dollars (c'est le revenu moyen par utilisateur au quatrième trimestre), dont 1,94 dollar de recettes pub.

Un ciblage publicitaire ultra-précis, la révolution des médias sociaux

« Facebook a permis aux annonceurs de cibler des personnes réelles, en fonction de l'âge, du genre, des intérêts, du lieu de résidence, et non plus seulement une catégorie approximative en fonction des sites visités et des habitudes d'achats.

Pour la première fois, il est devenu possible de s'adresser par exemple aux mamans d'enfants de moins de 10 ans vivant à New York et aimant aller au musée. C'était révolutionnaire. Cela a clairement bouleversé la donne dans la publicité », analyse Debbie Williamson, experte du cabinet spécialisé eMarketer.

Un changement d'approche novateur par rapport à la fameuse ménagère de moins de 50 ans ou à l'internaute anonyme pisté par des cookies.

Pourtant, pendant longtemps, Mark Zuckerberg a voulu garder la publicité « à l'écart, sur le côté, surtout pas au milieu de la page d'accueil. L'inclure dans le fil d'actualité a constitué un changement majeur et c'est un dispositif très puissant.

Alors qu'il incitait auparavant les marques à la course aux fans, Facebook parle, depuis plus d'un an, le même langage que les annonceurs, lesquels veulent savoir si les fans cliquent vraiment sur leur site, s'il y a du résultat, des ventes générées au bout du compte », relève l'experte d'eMarketer.

Le fruit d'une véritable révolution culturelle interne au moment de l'introduction sur le Nasdaq.

« Facebook encourage de plus en plus les marques à acheter de la publicité, car la visibilité des pages, dans un univers de plus en plus encombré, a diminué », observe un professionnel du secteur.

Le spectre d'un effondrement à la Myspace

Comme toute entreprise au modèle fondé sur l'audience, à l'image d'une chaîne de télévision gratuite, Facebook est vulnérable à la possible infidélité de celle-ci, au désamour de son public. Le spectre d'un effondrement à la Myspace, de la désertion des « amis » au profit d'autres réseaux sociaux plus « tendance », de Pinterest à Instagram (qu'il a d'ailleurs acquis pour 715 millions de dollars), ressurgit régulièrement. Sa récente offre de rachat à 3 milliards de dollars, refusée par le fondateur de l'application de messagerie Snapchat qui cartonne chez les adolescents, a donné l'impression d'une tentative désespérée de stopper l'hémorragie.

Car de nombreuses études constatent une désaffection croissante des jeunes, en particulier aux États-Unis, qui déclarent préférer Twitter. Cet attrait de la nouveauté, de la fraîcheur, a joué en faveur du site des « gazouillis » en 140 caractères lors de son introduction très réussie à Wall Street en novembre 2013, les investisseurs pariant sur sa croissance plus forte. La jeune société de San Francisco, créée en 2006, vaut près de 30 milliards de dollars en Bourse.

Facebook s'est même inspiré de son concurrent, copiant son fameux « hashtag » (motdièse) et le principe de sa « timeline » (fil d'actualité chronologique). Mais Twitter a encore beaucoup de chemin à parcourir avant de rattraper son « grand frère », indiscutable leader mondial des réseaux sociaux.

Plus international, Facebook est cinq fois plus gros en audience, quatre fois plus en capitalisation boursière, son chiffre d'affaires est plus de dix fois supérieur, avec trois fois plus de salariés ; c'est une mécanique bien huilée et fortement rentable, quand Twitter est encore déficitaire et cherche toujours en priorité à accroître sa base d'utilisateurs, tout en accentuant la monétisation. Car l'échelle, la portée, est cruciale en matière de réseaux sociaux pour créer ce bouche-à-oreille mondial et accélérer cette « viralité » qui rapporte, cet «engagement » avec les consommateurs que les marques recherchent.

« Adressez-vous aux gens là où ils se trouvent : Facebook est installé sur trois smartphones sur quatre, et plus de la moitié des personnes inscrites sur Facebook visitent le site tous les jours », se targue le réseau social, qui fait aussi miroiter « plus d'un milliard de clients potentiels ».

facebook vs twitter

Facebook pour l'audience, Twitter pour la mobilité

Twitter possède néanmoins ses propres atouts :

« Nous ne sommes pas le énième réseau social. Twitter est la seule plate-forme du direct, ouverte et publique, naturellement conversationnelle. Nul besoin d'être ami pour suivre ce que dit une personne, une institution ou une marque, ce qui se dit sur un sujet. Twitter n'est pas un écrin fermé, un vase clos. En un tweet on peut toucher beaucoup de monde », fait valoir Olivier Gonzalez, le directeur général de Twitter France.

Autre avantage : « Nous sommes nativement mobiles et 75 % de nos utilisateurs se connectent depuis leur smartphone ou leur tablette. »

Conçu à l'origine comme un service de messagerie à base de SMS, Twitter réalise plus de 70 % de ses recettes publicitaires sur mobile. Mais dans ce domaine, Facebook a prouvé qu'il était capable de faire des pas de géant : le site, né dans l'univers du PC, a bâti un business de 1,2 milliard de dollars dans le mobile, représentant 53 % de ses recettes publicitaires au quatrième trimestre, contre seulement 300 millions un an plus tôt...

A l'assaut du gâteau de la pub TV ?

Aux yeux de Debbie Williamson, d'eMarketer, « il y a probablement deux à trois ans d'écart de maturité entre les deux, sachant que Facebook a commencé à commercialiser des publicités en 2007, Twitter en 2010 », et seulement depuis un an en Europe.

En résumé, « Twitter est à Facebook ce que Facebook est à Google en termes de taille sur le marché publicitaire », explique-t-elle.

Si Facebook concentre à lui seul 69% des dépenses publicitaires mondiales sur les médias sociaux, évaluées à 9,5 milliards de dollars en 2013, Twitter n'en représente que 9,2%. Et sur l'ensemble de la pub en ligne, Google domine à 32%, quand Facebook se hisse à 5,7% et Twitter... à 0,5% ! Or Internet ne pèse encore que 20% à 25% des investissements publicitaires, tous supports confondus.

L'experte d'eMarketer observe que « Facebook met en avant sa forte audience, comparable à celle de certaines émissions ou séries. Mais la télévision reste, de loin et sans doute pour un moment, le premier média publicitaire », un marché de 200 milliards de dollars au niveau mondial (40 % des investissements). « Les médias sociaux sont tous partis à l'assaut du gâteau publicitaire de la TV, comme les acteurs de l'Internet, y compris Google ! », relève-t-elle.

En Bourse, « Twitter est une des meilleures valeurs pour jouer deux tendances de fond du Web : l'essor de l'Internet mobile et la migration des budgets publicitaires de la TV vers le online », considère d'ailleurs Mark Mahaney, analyste financier chez RBC Capital. « Avant, entre TF1 et Facebook, c'était la guerre, car la chaîne avait le sentiment que le réseau social lui piquait des clients, venait chasser ses annonceurs », raconte un professionnel du secteur.

Désormais, l'heure est aux partenariats entre médias traditionnels et sociaux, allant même jusqu'au partage de revenus. Allié à TF1, sur des émissions comme "Danse avec les stars", Twitter a une longueur d'avance en matière de « social TV », capitalisant sur ses «hashtags » qui filtrent un sujet, une émission, son usage très mobile et son statut de « second écran de facto, de place naturelle de discussions publiques autour de la télévision en direct », selon le DG de Twitter France, qui ajoute : « nous ne sommes pas là pour remplacer tel ou tel média, nous sommes un pont entre une affiche ou un spot et le consommateur. »

facebook vs twitter

Le marché des PME et des TPE, la prochaine bataille

Si les marques investissent en moyenne moins de 10 % voire 5 % de leur budget dans les médias sociaux, sauf dans quelques secteurs comme les biens de consommation où cela peut dépasser 20 %, le montant des dépenses marketing « sociales » est bien supérieur aux seules recettes publicitaires. De nombreux outils créés par Facebook et Twitter sont en effet « gratuits», les fameuses « pages » à aimer ou les comptes à suivre, mais il faut y ajouter les coûts de production de contenus et l'animation de la communauté de « fans » ou de « followers» (abonnés au fil d'actualité d'un compte Twitter), en interne ou en agence : les réseaux sociaux sont ainsi à l'origine de toutes sortes de nouveaux métiers et de tout un écosystème de sociétés d'analyse des données, du buzz et des conversations « sociales ». Ils ne font pas que vendre de l'espace publicitaire.

« À la différence d'autres médias comme la TV, Facebook et Twitter sont dans une démarche d'accompagnement des annonceurs : ils les conseillent sur le type de publicité qui va fonctionner, ils proposent de les aider à mieux cibler, grâce à leurs données », relève David Dewilde, de l'agence Digitas LBi (Publicis), d'autant plus qu'ils ont besoin de contenus de qualité, puisque « ni Facebook ni Twitter n'ont de programmation, ce sont des plates-formes vides au départ ».

Si certains professionnels jugent qu'il est « plus complexe d'investir sur Twitter, car la segmentation démographique et géographique est plus incertaine », du fait des nombreux pseudonymes, profils anonymes domiciliés « sur la Lune » ou « nulle part », Olivier Gonzalez rétorque que « Twitter est le réseau social des centres d'intérêt : pour un annonceur, il est plus pertinent de trouver sa cible par affinité que par l'âge et le lieu de naissance, par exemple. Nous proposerons bientôt un ciblage local et plus seulement national. »

Biens de consommation, auto, télécoms, banque, jeux et e-commerce sont les secteurs les plus présents. Mais les médias sociaux ne sont plus réservés au Fortune 500 (le classement des 500 premières entreprises américaines, selon l'importance de leur chiffre d'affaires) et au CAC 40. Facebook revendique plus d'un million d'annonceurs, ce qui inclut de nombreuses entreprises de taille intermédiaire, et il s'attaque désormais au marché des PME et TPE, y compris en France, où elles étaient historiquement plutôt clientes des Pages Jaunes. Le site vient de lancer un portail dédié tout en français, pédagogique.

« Les PME sont pour nous un marché clé, prioritaire », explique Franck Da Silva le directeur commercial. « Nous avons une équipe dédiée pour aider les entreprises qui n'ont pas de service marketing digital. Nous leur expliquons que Facebook est une vitrine nationale et internationale gratuite avec une simple page, qu'elles peuvent amplifier leur notoriété et leur business. »

Et le réseau social d'évoquer les success stories d'un vendeur de gaufres ou de serviettes de bain lillois, qui ont boosté leur activité sans dépenser un euro.

Bientôt des PME aussi sur Twitter ?

« Nous le ferons tôt ou tard. Chacun écrit sa partition. Nous sommes encore en phase de présentation et d'évangélisation, auprès du top 100 des annonceurs et des agences », confie Olivier Gonzalez, qui remarque : « Il y a aussi beaucoup de startups et même des bouchers sur Twitter ! »

 

Lire aussi :

>> Pages, tendances, "fans" : des tarifs pas toujours sociaux

>> Twitter, plus d'un milliards d'inscrits mais à peine 25% d'actifs

>> Facebook; 10 ans… et déjà vieux !

>> Réseaux sociaux : de nouveaux métiers à foison

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.