Immobilier : les Allemands vont-ils se tourner vers la propriété ?

L'Allemagne est culturellement un pays de locataires. Mais les tendances récentes laissent penser que la donne est en train de changer dans les plus grandes villes du pays. L'accès à la propriété y est de plus en plus demandé.
Mathias Thépot
Les prix de l'immobilier ont crû de plus de 15% en 2013 dans certaine sgrandes villes allemandes.

Les Allemands sont-ils en train de changer leur rapport à la pierre ? Réputés pour leur attachement à la location, qui se vérifie en chiffres puisqu'ils possèdent la plus forte part de locataires de leur logement (47%) de l'Union européenne selon Eurostat, quelques indicateurs récents laissent pourtant penser que les Allemands se tournent de plus en plus vers l'achat immobilier.
Le principal est l'emballement récent des prix de l'immobilier dans les grandes villes. "Sur la seule année 2013, ils ont augmenté de 15 à 20% à Hambourg, Munich et Düsseldorf, les marchés plus dynamiques du pays", indique François Gagnon président Europe du réseau d'agences immobilières Era. Ce mouvement à la hausse est généralisé dans les huit grandes métropoles régionales allemandes, toutes peuplées de plus d'1,2 million d'habitants.

La hausse des prix s'accélère depuis 2011

Cette tendance est très récente. Car durant la première décennie du 21ème siècle, les prix de l'immobilier outre-Rhin ont crû de moins de 10%, contre plus de 100% en France et au Royaume-Uni ! L'accélération de la croissance des prix de l'immobilier en Allemagne date en fait de 2011 : ils montent depuis d'entre 3.5% et 7% par an.

Cette étonnante stabilité des prix de l'immobilier en Allemagne du début du 21ème siècle tient, certes, au fort boum de la construction qui a suivi la réunification, mais également au fait que le niveau des loyers est resté très faible par rapport au niveau de vie. Ce qui a rendu la location plus attractive que l'accès à la propriété pour toute une frange de la population.
Des politiques locales et fédérales d'encadrement des loyers sur la durée d'une part, et par rapport au loyer de référence des quartiers d'autre part, ont aussi permis d'entretenir cet état vertueux.

Les loyers sont bien inférieurs en Allemagne qu'en France

Résultat, fin 2012, le loyer moyen au m² à Munich, la ville la plus chère du pays, s'élevait à seulement 12 euros, même s"il a crû de manière accélérée dernièrement, selon les chiffres de l'institut allemand pour la recherche économique (DIW). De même, le loyer moyen n'était que de 11 euros du m² à Francfort, de 9,5 euros à Hambourg, 8,5 euros à Düsseldorf, et enfin à Berlin, l'une des capitales les moins chères d'Europe, d'un peu plus de 7 euros du m².

Ces niveaux sont bien inférieurs à ceux que l'on peut constater en France. Si Paris est hors catégorie -23.2 euros du m² début 2013 selon l'Observatoire Clameur-, à Lille (14,3 euros), à Nice (13,6 euros), à Lyon et à Marseille (12,5 euros), les loyers sont nettement plus élevés que dans les grandes villes allemandes.

Le locataire a parfois d'avantage intérêt à louer qu'à acheter un bien

Or, le salaire brut moyen en Allemagne est d'environ 3.500 euros, contre 2.900 euros en France selon des données d'Eurostat pour 2011. Le poids du logement dans le budget d'un locataire allemand est donc plus supportable."Acheter un bien immobilier en Allemagne avec peu d'apport personnel et en contractant un crédit, s'avère parfois significativement plus couteux que de le louer", explique François Gagnon.

En outre "contrairement aux Français, les Allemands de moins de 40 ans sont peu attirés par l'achat, ils voient cela comme un frein à leur mobilité professionnelle, un critère prépondérant pour eux", note François Gagnon.
Outre-Rhin, la propriété immobilière n'est pas une priorité. On est bien loin de la culture latine de la pierre, matérialisée en France par la promesse de Nicolas Sarkozy en 2007 de faire émerger "une France de propriétaires".

L'environnement financier incite désormais à acheter

"Ce n'est qu'après la quarantaine que les Allemands deviennent intéressés par l'accession à la propriété dans l'optique de s'assurer un pied à terre pour leur retraite", explique ainsi François Gagnon. De surcroît, "les Allemands épargnent de manière différente qu'en France, où l'immobilier reste la principale valeur refuge pour la retraite. Les comptes épargne retraite ou les polices d'assurances dédiées y sont davantage développées", ajoute François Gagnon.

Cependant, le niveau des taux d'intérêt très bas des produits d'épargne et des crédits, ainsi que les incertitudes sur l'économie de la zone euro, changent la donne et poussent de plus en plus les Allemands à se réfugier dans la pierre.
En parallèle, les loyers ont augmenté substantiellement dans les grandes villes entre 2007 et 2012: +30% à Berlin +23% à Hambourg, + 19% à Francfort et + 14% à Munich, d'après les chiffres du DIW.  Résultat, depuis la crise financière de 2007-2008, la part des Allemands propriétaires croît doucement mais surement. Ils sont désormais majoritaires, ce qui n'était pas le cas en 2007.

La Bundesbank s'inquiète de la flambée des prix

Craignant un emballement des prix, la Bundesbank s'est inquiétée publiquement à plusieurs reprise du niveau des prix de l'immobilier dans certaines villes qui "sont potentiellement surévalués de 20%". La Buba a même déjà fait savoir, selon l'agence de notation Standard & Poor's, qu'il faudrait  prendre des mesures pour restreindre l'offre de crédits à l'habitat si la situation empirait.
De quoi rassurer les locataires de ce pays qui s'attache à maintenir l'endettement des ménages à un niveau faible (56% du PIB) en comparaison avec le reste de l'Europe.

Mathias Thépot

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Commentaires 8
à écrit le 18/04/2014 à 22:55
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Une bonne bulle immobilière en Allemagne serait la bienvenue pour peu qu'elle attire au passage nos très utiles investisseurs dans la pierre! A lire le commentaire de "papa fox", ils adorent les jeunes héritiers incapables de s'acheter un toit sans ...

à écrit le 18/04/2014 à 16:38
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Je partage tout a fait les commentaires ci dessous: - plus de rendement en placant son argent a la banque.. - risquer de perdre beaucoup si l euro s´ecroule .... - placer son fric en Suisse, ca ne marche plus , c´est du hara kiri ! Toue une g...

à écrit le 18/04/2014 à 8:59
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les allemands rachetent l'immobilier chez eux pour se debarasser de leurs euros... suffit de discuter avec eux pour savoir quelle heure il est !

à écrit le 18/04/2014 à 3:43
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Les Allemands ont longtemps pense que l'Euro etait comme le Mark une monnaie independante des politiques avec pour objectif la stabilite des prix. Donc l'immobilier n'etait pas pare de cette vertu de "reserve de valeur", qui est bien ancree dans les ...

à écrit le 17/04/2014 à 23:35
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Le salaire brut moyen... que c'est beau le journalisme moderne! Vous oubliez la consommation moyenne d'oxygène, c'est un revenu TRES important en Allemagne.

à écrit le 17/04/2014 à 20:23
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les salaires sont bloqués depuis 10 ans, donc la charge relative des loyers devient de plus en plus significative. En plus avec 7% d'inflation des prix immobiliers, ça pourrait devenir un bon placement (ou un magnifique plan pour se sur-endetter sur ...

à écrit le 17/04/2014 à 17:59
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peut ètre aussi le fait que depuis quelque temps, il est difficile de mettre à l' abri ( Suisse - Lux - Autriche.. ) ses économies..

le 17/04/2014 à 20:33
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Pas faux :-) même si leur démographie lamentable aide aussi à ne pas mettre en "surchauffe" le secteur de la construction.

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