Carnet de bord décalé : A Suez et à 100

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
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Lundi 31 jan. A Suez et à 100

Trois ans que cela dure. Que les marchés ont du grain à moudre. Attention ! Pas de la micro-économie de pacotille. Non du lourd. Une gigantesque faillite, une crise financière sans précédent, des risques systémiques bancaires ou étatiques en cascade ... Bref, à trop s'habituer aux remous politiques et économiques, les investisseurs en sont désespérés de voir, en 2011, les indices ballottés au simple gré du baromètre des entreprises. Heureusement, ça chauffe de l'autre côté de la Méditerranée. Certes, l'Egypte ne pèse pas lourd dans le PIB mondial, mais il y a un vrai billet à jouer sur le pétrole. Pas tant au niveau de sa production qui tient dans un dé à coudre. Non le vrai intérêt stratégique et économique du pays, c'est le Canal de Suez par lequel transitent chaque jour 1,6 million de barils. Et vu la forte odeur de poudre dans la région, les cours du pétrole c'est le bon filon. De quoi tirer les prix au-dessus des 100 dollars le baril pour la première fois depuis octobre 2008. Une véritable aubaine cette instabilité régionale ! Celle d'un cercle spéculatif vertueux auto entretenu. La hausse des cours du pétrole entraîne dans son sillage les prix des matières premières et de certaines denrées alimentaires qui, à leur tour, font flamber les courbes de mécontentement et du risque géopolitique dans la région ... Une mécanique infaillible.

Mardi 1er fev. Nettoyage à sec

A toute chose malheur est bon. BP en a fait l'amère expérience, l'an dernier. Après avoir mazouté en partie le Golfe de Mexique, les Everglades de Floride, les crocos et les flamands roses de la région, l'industrie crevettière et les mangroves de Lousiane, le Bon Pollueur se dit que c'est peut-être le moment de plier les gaules et d'aller constater que l'eau de la mer est plus bleue ailleurs. Histoire de laver son image maculée des galettes de pétrole depuis avril dernier, le groupe fait peau neuve. Un vrai nettoyage à sec. Surtout pour les actionnaires : ni une, ni deux, la major relance sa distribution de dividende. Enfin une moitié de l'ancien dividende. Tout ce qui concerne, par ailleurs, de près ou de loin le raffinage aux Etats-Unis, c'est du passé ! Son avenir c'est la Russie et son alliance avec Rosneft dans la prospection de l'Arctique. Et puis histoire de regagner un peu des 53 % de capitalisation boursière coulée au large de la Floride, le pétrolier de sa majesté annonce que l'autre moitié de dividende non distribuée sera allouée aux investissements. Choix particulièrement judicieux car même si, au pôle nord, il y a toujours la banquise pour cacher une éventuelle marée noire, il s'agirait tout de même de mettre les moyens pour qu'à l'avenir BP produise autre chose que des catastrophes écologiques.

Merdredi 2. Crise de rigueur

Et de trois ! Il y eu la barre des 4000 points, ensuite vint le seuil des 4.065,65 points correpondant au plus haut de clôture du 15 avril 2010 et voilà qu'aujourd'hui, fier comme un coq, le CAC 40 franchit le sacro saint cap des 4.086 points du 16 avril dernier. Rien que le pic absolu de l'année écoulée. A peine le millésime 2011 entamé, la Bourse de Paris cumule les franchissements de paliers. Les chartistes y voient un pivot haussier majeur. Les plus cartésiens se contentent des faits. La Bourse de Paris a effacé les effets collatéraux de la crise grecque dans ses cours en moins d'un an. Exit les craintes d'un engrenage de la dette souveraine en zone euro. L'Union fait la force. Les investisseurs l'ont bien compris. A coup d'entre-aides via le Fonds Européen de Stabilité Financière, les Etats membres affichent une solidarité sans faille. On croirait presque au salut des indices boursiers si une autre réalité ne venait pas doucher les espoirs d'un retour en force de l'investissement en actions. Une crise est susceptible de se substituer à la précédente. Celle de la consommation des économies du Vieux Continent en proie à une armée de chefs d' Etat déguisés en père la rigueur. Recapitaliser des nations à la dérive est une chose. Mais il faudra bien un jour payer l'addition des errements budgétaires passés. Au risque de taxer davantage le contribuable et, in extenso, de diminuer son pouvoir d'achat. Une nouvelle menace rôde mais les opérateurs préfèrent pour le moment profiter de l'instant présent.

Jeudi 3. (Fed)ex

Ben Bernanke campe sur ses positions. Pas question de montrer aux faucons, indéfectibles partisans de l'arme des taux, le moindre signe d'encouragement dans le sens d'une franche reprise économique. Interrogé par le célèbre National Press Club de Washington, le patron de la Fed reste imperturbable. "Bien que la croissance économique va probablement augmenter cette année, nous prévoyons que le taux de chômage reste obstinément au-dessus, et l'inflation reste obstinément en-dessous", lance l'oracle à la volée. Hébété, l'auditoire n'en croit pas ses oreilles. Le plus grand argentier du monde semble vivre en autarcie. Comme si ses mesures d'assouplissement quantitatif limitaient leur portée aux frontières des Etats-Unis. Comble de l'ironie, les 600 milliards de dollars de liquidités injectées sur les marchés financiers servent davantage les intérêts du grand capitalisme mondial que ceux du consommateur américain. Cette montagne de cash nourrit une fièvre acheteuse sur les actifs risqués comme les actions, les devises émergentes et ... les matières premières. Les cours du baril de pétrole n'ont pas percé le plafond des 100 dollars en début de semaine par hasard. Dans le sillage de l'or noir, les prix des denrées alimentaires s'embrasent et enflamment la poudrière du Proche/Moyen Orient. Pensif, Ben réfléchit à sa reconversion et enfilerait bien la tenue de postier spécialisé dans la livraison d'inflation à domicile.

Vendredi 4. Démodé

Le patron du numéro un mondial du luxe fulmine en faisant les cent pas dans son bureau. Il a de quoi ! Pour la première fois que son groupe enregistre un chiffre d'affaires de plus de 20 milliards d'euros et un bénéfice net au-dessus des 3 milliards, que fait le marché ? Il le plante. Le sanctionne. Lourdement même ! - 2,44 %. C'est sûr les investisseurs n'ont pas les mêmes goûts raffinés que la clientèle du groupe. Là c'est vraiment donné de la confiture aux cochons. Enfin pas vraiment ... Si l'on sait que les cochons, cela fait plus de deux ans qu'ils en dégustent du LVMH. Qu'ils s'en gavent littéralement. Plus de 57 % sur 2010 ! Alors forcément quand vient le jour du banquet et des festivités des résultats annuels, cela tourne à l'indigestion. A 18,4 fois les résultats attendus sur 2010, c'est du luxe que de se payer une action. D'autant que les valeurs de croissance exposées à la frénésie émergente, c'est un peu « has been » pour les investisseurs, éternels enfants gâtés qui ont chaque jour besoin d'une bonne surprise. Le problème c'est que le géant mondial du luxe peut difficilement en délivrer d'avantage de bonnes surprises. Le titre est devenu démodé aux yeux du marché. Dur, dur pour un groupe de luxe.

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