Guillaume Musso : « J'ai l'impression d’avoir deux vies »

ENTRETIEN - Le nouveau roman de l’écrivain est déjà en tête des ventes. Vingt ans de succès vécus discrètement par celui qui se présente comme un artisan des mots.
Guillaume Musso, à Antibes en février.
Guillaume Musso, à Antibes en février. (Crédits : © LTD / Emanuele Scorcelletti pour La Tribune Dimanche)

Ses histoires sont traduites en 47 langues, présentes sur les cinq continents et vendues à plus de 35 millions d'exemplaires. Mais qui se cache derrière cette plume aux mots d'or ? Un époux et papa poule qui trouve son équilibre entre fiction et réalité. Il n'aime pas les faux-semblants, les donneurs de leçons, ceux qui donnent leur avis sur tout, et évite les dîners du Tout-Paris. Car ce fils de bibliothécaire d'Antibes et de directeur des finances de la Ville est plus à l'aise dans ses écrits ou à observer la vie des autres, à les écouter, à chercher à les comprendre pour encore mieux faire vivre ses personnages de fiction. Là est toute l'ambiguïté d'un écrivain tout-terrain.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Avez-vous déjà eu envie d'être quelqu'un d'autre ?

GUILLAUME MUSSO - J'ai eu envie d'être quelqu'un d'autre jusqu'à l'arrivée de mon premier enfant. Il y a plusieurs interprétations dans « quelqu'un d'autre ». D'abord celle du désir de se projeter dans une autre vie, plus grande que la sienne. Puis celle où la vie de couple commence à tanguer. Lorsque l'un se demande s'il y a « quelqu'un d'autre ».

Vous avez un message à nous faire passer ?

Absolument pas. Aujourd'hui, à 49 ans, je suis aussi épanoui dans ma vie personnelle que professionnellement. À 15 ans, je lisais Barjavel, Pagnol, Stephen King, et j'étais fasciné par cette possibilité de gagner sa vie juste en écrivant, en laissant son imaginaire divaguer... Si à cette époque on m'avait demandé ce que j'espérais être plus tard, ma réponse aurait été d'être ce que je suis maintenant : père, époux et écrivain.

Votre vie, aurait-elle été plus chaotique sans vos enfants ?

J'aurais probablement été moins heureux. Je fais beaucoup moins de promotion à l'étranger, car j'ai besoin de les voir grandir, de les accompagner à l'école. Ma place est actuellement à leurs côtés, et ce ne sera plus le cas lorsqu'ils prendront leur indépendance. Ça fait partie des angoisses de tous les parents, non ?

La fiction fait partie de votre vie. Votre vie est-elle fictive ?

J'ai clairement l'impression d'avoir deux vies : la vie d'époux et de père, puis ma vie imaginaire où je m'enferme dans mon ancien appartement que j'ai transformé en bureau. Stephen King dit toujours : « Pour écrire, il faut fermer une porte. » Cette porte fermée me permet d'échapper à mon quotidien. Je peux alors être mes personnages, mimer leurs gestes... Ces deux vies cohabitent en moi, comme une sensation de deuxième peau, telle une addiction que j'ai réussi à apprivoiser.

Votre épouse, Ingrid, est prof de théâtre. Vous aide-t-elle parfois dans vos prises de parole ?

Non, parce que je ne suis pas un adepte du media training. Je ne suis ni un homme politique ni un chef d'entreprise. Je n'ai pas de message à délivrer autre que ma passion pour la lecture et l'écriture.

Vous ne cherchez jamais à jouer un rôle ?

Non, d'autant moins que je n'apparais dans les médias qu'une semaine par an, au moment de la sortie d'un nouveau roman. Le reste du temps, je suis un artisan qui travaille en solitaire au milieu de ses personnages. Et si j'écoute ce que me disent les lecteurs, je comprends qu'ils sentent que je préfère la spontanéité au calcul ou à la com artificielle.

François Hollande se présentait comme un « président normal ». Et vous, êtes-vous un « écrivain normal » ?

Sa formule n'était pas appropriée pour son rôle de chef de l'État. En revanche, j'ai l'impression de mener une vie normale. Je déteste me mettre en scène. Je n'aime pas les phraseurs qui donnent leur avis sur tout, sur les vaccins, l'Ukraine... Je les trouve ridicules, et je n'ai pas plus de légitimité que n'importe quel citoyen français. Donc, oui, je me considère comme normal.

Quelle est votre part de fantaisie ?

Mon fils ne me reconnaît jamais sur les photos de mes livres, car je suis beaucoup trop sérieux. À la maison, je mets un point d'honneur à leur injecter une sorte de bonheur permanent, d'optimisme et d'humour. J'adore les comédies françaises. Je ris à gorge déployée devant les Bronzés et je fuis tous les films beaucoup trop sérieux, voire très chiants. J'aimerais un jour écrire un scénario ou une pièce de théâtre d'humour.

Et votre part de mélancolie ?

Je sais l'identifier quand elle arrive. Je sais lui dire de rester à distance. Il y a une mélancolie qui peut être une mélancolie douce, pas désagréable. Et puis il y a celle qui peut vous entraîner vers des terrains un peu plus sombres.

J'ai eu envie d'être quelqu'un d'autre jusqu'à l'arrivée de mon premier enfant

Guillaume Musso

Vous l'avez déjà connue, cette sombre mélancolie ?

J'ai vécu deux énormes burn-out à l'époque où j'étais prof de science éco le jour et écrivain la nuit. En 2005, je me suis littéralement effondré, car mes jambes ne me portaient plus. J'ai été hospitalisé, et les médecins pensaient même que je faisais un début de sclérose en plaques. La seconde alerte est arrivée deux ans après, aux Bahamas. Je n'avais déjà pas du tout envie d'être là-bas, il faisait trop chaud, j'étais envahi de moustiques. Et je me suis effondré de nouveau. J'ai finalement compris qu'il fallait que je restructure ma vie, sinon j'allais y laisser ma peau. J'ai arrêté d'enseigner pour me consacrer à l'écriture.

Votre frère Valentin est, lui aussi, écrivain. Ça doit être compliqué d'être le frère de Guillaume...

Je ne pense pas, car sinon il aurait arrêté d'écrire. Nous partageons le même amour pour la littérature, transmis par notre mère. En revanche, quand nous nous retrouvons, nous parlons de tout autre chose.

Vous êtes l'écrivain français le plus vendu. Êtes-vous gêné, parfois, de très bien gagner votre vie ?

Je suis très à l'aise avec ça, car l'argent n'a jamais été ma motivation. J'ai passé mon
Capes pour devenir prof de science éco et la même année j'ai réussi une quantité de concours administratifs, comme celui d'inspecteur du Trésor. J'aurais pu gagner beaucoup d'argent dans une entreprise privée. Et puis oser devenir écrivain n'est vraiment pas une sinécure... Mes parents étaient d'ailleurs très inquiets quand je me suis lancé.

C'est comment, le dimanche de Guillaume Musso ?

Si je suis en phase d'écriture, c'est une journée comme une autre. Le matin, avec ma femme et mes enfants, je prépare des plats sophistiqués. J'ai découvert la cuisine pendant le confinement. L'après-midi, nous allons au théâtre. Mais le dimanche, ce sont aussi les devoirs des enfants.

Quelqu'un d'autre, Calmann-Lévy, 352 pages, 22,90 euros.

SES COUPS DE CŒUR

GUEULETONS ET COMÉDIES ROMANTIQUES

Quand lui vient l'envie d'un bon gueuleton, il s'installe à la table du restaurant Piero TT de Pierre Gagnaire. Il recommande Le Repas des fauves au Théâtre Hébertot. « Le pitch est très bon. Je suis jaloux, car j'aurais voulu avoir l'idée ! » En cas de flemme aiguë de quitter son canapé, il se met en mode comédies romantiques et prépare la boîte de Kleenex. « J'ai un faible pour Un amour à New York, avec John Cusack et Kate Beckinsale. » Un petit côté midinette qui s'assume...

Piero TT, 44, rue du Bac (Paris 7e).

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