Massimo Bottura : un chef en sa demeure

Élu meilleur cuisinier du monde, l’Italien Massimo Bottura présente avec sa femme Lara un beau livre sur leur maison d’hôtes de Modène.
Charlotte Langrand
Le chef cuisinier Massimo Bottura et sa femme, Lara Gilmore, à la Casa Maria Luigia, leur maison d’hôtes à Modène.
Le chef cuisinier Massimo Bottura et sa femme, Lara Gilmore, à la Casa Maria Luigia, leur maison d’hôtes à Modène. (Crédits : © LTD / Marco Poderi)

Ils s'installent dans un palace parisien, tout juste débarqués de leur avion qu'ils empruntent comme d'autres prennent le métro. Eux, c'est Lara Gilmore et Massimo Bottura, couple italien globe-trotter, propriétaires du fameux restaurant de Modène (Italie) l'Osteria Francescana, qui fêtera bientôt ses trente ans de trois étoiles au guide Michelin et a aussi été élu à plusieurs reprises meilleur restaurant du monde par le classement des 50 Best Restaurants.

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Food for Soul

Superstar de la gastronomie mondiale, qui considère Alain Ducasse comme un « frère », le chef Bottura visite régulièrement la vingtaine d'établissements qu'il possède en Italie et aux États-Unis, à Dubaï, à Tokyo... Le sexagénaire hyperactif a aussi lancé, en marge des hautes sphères culinaires, le concept caritatif Food for Soul : une vingtaine de Refettorio dans le monde où l'on offre aux plus démunis des repas gratuits concoctés avec de la nourriture en surplus, pour lutter au passage contre le gaspillage alimentaire.

Le couple, marié depuis vingt-huit ans, a apporté dans ses bagages un livre écrit ensemble : Slow Food, Fast Cars, un recueil de 85 recettes alléchantes et de textes sur la philosophie de leur « maison » de campagne, la Casa Maria Luigia, hommage à la mère de Massimo et clin d'œil à leurs initiales, M. et L. Pas question pour eux de réduire ce lieu à un hôtel impersonnel ou au fantasme bucolique de citadins aisés. Cette maison d'hôtes luxueuse, nichée dans une bâtisse du XVIIIe siècle, possède douze chambres (bientôt vingt), un restaurant « de la ferme à la table », mais c'est surtout un écrin où le couple a couché ses passions et son amour d'un territoire : l'Émilie-Romagne (au nord de la Toscane), où se trouve la ville de naissance de Massimo, Modène.

À disposition dans la maison, les fleurons locaux que sont le parmigiano reggiano, le lambrusco et le vinaigre balsamique côtoient un grenier à vinaigre séculaire et un salon à spiritueux où apprécier une grappa après dîner, et surtout un frigo rempli, en libre-service. « Nous voulons traiter les gens comme nos invités, explique le chef. Quand j'étais petit, nous vivions dans une grande maison aux portes toujours ouvertes : mes frères l'appelaient "Hôtel California" car nous étions une grande famille avec beaucoup d'amis ! »

Nous voulons traiter les gens comme nos invités

Massimo Bottura

Côté cuisine, c'est Noël tous les jours. La cheffe canadienne Jessica Rosval, qui cuisine tout au four à bois de la maison, a été chargée de réinventer les souvenirs de petits déjeuners de Massimo : « Le petit déjeuner doit être unique, comme celui de ma grand-mère. Elle n'était pas bonne cuisinière car elle n'aimait pas cuisiner... sauf le jour de Noël : elle préparait un buffet vraiment fou. » Résultat, une débauche de plats robustes et traditionnels attend les clients de Casa ML chaque matin : frittata (œufs brouillés frits) aux oignons doux et balsamique, gnocco fritto (beignet frit, mortadelle et ricotta), cotechino (saucisse traditionnelle cuite sous la cendre, typique de Modène), erbazzone (chaussons épinards-parmesan)...

Le « beau » est partout

« C'est la maison de nos rêves, notre première à la campagne, précise Lara. J'y vais tous les jours, je m'occupe du potager, des fleurs... J'ai fait la décoration avec des objets provenant de chez nous, de l'Osteria Francescana ou de collections d'art. C'est un lieu éclectique qui nous ressemble. »

Le « beau » est partout : des livres, de la musique (8 000 vinyles), des œuvres d'art (le contemporain d'Ai Weiwei ou de Duane Hanson dialogue avec le classicisme des peintures d'époque) et même... une collection de voitures de luxe, puisque le berceau des Ferrari, Maserati, Lamborghini et Ducati se trouve à une poignée de kilomètres. Cet amour des cylindrées italiennes a démarré avec son père, qui avait acheté une Ferrari 365 BB en 1971, laissant Massimo et ses frères subjugués. « Quand un de mes frères est mort en 1996, j'ai acheté en sa mémoire une 365 impeccable, avec zéro kilomètre au compteur ; personne n'a le droit d'y toucher. »

Entre sa philosophie « slow food » et son amour des « fast cars », Massimo Bottura ne voit aucun paradoxe : « Ce n'est pas une question de possession, ces voitures à la pointe sont surtout pleines de sens : l'obsession de la qualité, qu'elle soit technologique ou culinaire, est la sève de ma vie. Chez nous, le dialogue entre modernité et tradition est permanent. J'ai grandi à Modène, où l'on apprend qu'ensemble on est plus forts : c'est un endroit démocratique, social, mais aussi riche et beau. Le Reffetorio est une façon de donner en retour de ma réussite et la slow food sera toujours dans ma vie. J'ai donc l'amour de la vitesse dans la peau comme j'ai des muscles faits de parmesan, et du vinaigre balsamique qui coule dans mes veines ! » C'est pourquoi la Casa Maria Luigia est unique et qu'il a refusé une proposition d'en ouvrir une à... Singapour.

Slow food fast cars, Massimo Bottura, Lara Gilmore, Phaidon, 256 pages, 49,95 euros

Charlotte Langrand

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