Dès décembre, les notaires du Grand Paris et le Conseil supérieur du notariat avaient prévenu. Derrière le nombre record de 1,2 million de transactions en 2021, les stocks de logements existants s'épuisent et les prix des appartements comme des maisons s'envolent, en région parisienne mais surtout en province.
La construction neuve est toujours à la peine
"L'immobilier est un bon placement aujourd'hui et un sujet qui va continuer à être attractif à l'avenir", souligne ce 18 janvier le directeur des études économiques et prospectives du groupe BPCE, Alain Tourdjman, avant de nuancer: "La fièvre immobilière est train de retomber. L'impact sur les prix risque d'être plus fort demain".
D'autant que parallèlement, la construction neuve est toujours à la peine. Si, selon les statistiques officielles, 470.000 logements neufs ont été mis en chantier entre décembre 2020 et novembre 2021, ce ne sera pas suffisant pour rattraper les 381.600 permis de construire purgés de tout recours en 2020. C'est également bien maigre par rapport aux années 2019 (410.000), 2018 (414.100) et au record de 2017 (497.000 logements).
Les passoires thermiques se multiplient
A cette crise s'ajoute la multiplication des passoires thermiques, ces logements qui consomment trop d'énergie et dont les factures affectent le pouvoir d'achat de ses occupants. Selon le ministère de la Transition écologique, il en existe près de 4,8 millions. Une donnée contestée par le président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), Jean-Marc Torrollion, qui évalue leur nombre à 7 voire 8 millions.
Ces habitats se trouvent sur le point d'être interdits à la location depuis la promulgation du projet de loi "Climat et résilience" en août 2021. D'après ce professionnel, 650.000 logements classés "G", c'est-à-dire la pire catégorie du diagnostic de performance obligatoire (DPE), vont sortir du parc immobilier en 2025, suivis par 1,05 million classés "F" en 2028 et 1,9 million classés "E" en 2034.
Des voix commencent à s'élever pour demander un certain assouplissement face à ce calendrier resserré, dont celle d'Alain Tourdjman du groupe BPCE. Le financier juge "déraisonnable d'imaginer qu'en si peu d'années, soit traitée la moitié voire les deux tiers des passoires thermiques". Il plaide au contraire pour un "décalage des dates butoirs", notamment dans les copropriétés. Le cas échéant, surviendrait "un blocage complet des achats et des ventes".
Matignon communique sur la rénovation et les friches
Hasard du calendrier, le Premier ministre vient, lui, de communiquer sur les 6,7 milliards d'euros pour la rénovation énergétique des bâtiments (4 milliards pour le parc public, 2,7 milliards pour le privé) débloqués dans le cadre du plan France Relance de 100 milliards d'euros.
" En 2021, 765.000 ménages se sont notamment saisis de MaPrimeRénov pour la rénovation de leur logement et 660.000 demandes de primes ont été acceptées", écrit Jean Castex. "Les économie d'énergie réalisées par logement au titre des aides de l'Etat se sont améliorées depuis 2019 en passant de moins de 4 MWh par logement avec le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) à plus de 5 MWh par logement au premier semestre 2021 avec MaPrimeRénov", ajoute-t-il.
Dans cette déclaration transmise à la presse, le locataire de Matignon fait également état de 1.055 projets lauréats du fonds friche, d'abord doté de 300 millions d'euros, puis de 650 et enfin de 750 millions d'euros. "5,5 millions de mètres carrés de logements et 3,1 m² d'activités économiques tels que des bureaux, des commerces ou activité industrielle seront construits sur ces friches", détaille le locataire de Matignon.
Pour atteindre le zéro artificialisation nette des sols, la loi "Climat et résilience", là encore, fixe en effet un objectif, dans les dix ans qui viennent, de diviser par deux, la consommation des terres. Une ambition forte au regard de l'envie, toutes sources confondues, de 75% des Français de vivre ou de construire une maison.
"La métropolisation n'est plus une absolue nécessité"
En réalité, entre la surchauffe dans l'immobilier ancien, la chute de la construction neuve, l'interdiction des passoires thermiques et le pari de la non-artificialisation, se loger va devenir un casse-tête.
"Je pense qu'au travers de la crise, nous avons un début de solution", rétorque Alain Tourdjman du groupe BPCE.
"La métropolisation n'est plus une absolue nécessité, une obligation pour chacun. Il est possible d'organiser l'espace autrement qu'en le saturant, mais en densifiant le reste", estime le directeur des études économiques et prospectives.
Pour ce financier, il faut d'abord faciliter le logement des Français dans les zones moins chères en assurant une politique de transports "qui rende vivable le quotidien économiquement". Autrement dit, plutôt que d'enfermer les Français dans un modèle insoutenable pavillon avec jardin-voiture individuelle, il faut conjuguer des politiques volontaristes d'aménagement du territoire et des solutions de mobilités.
La vacance des logements va baisser
Selon lui, le report des Français en dehors des grands métropoles va aussi faire baisser la vacance des logements à l'extérieur de celles-ci. Cela tombe bien : la ministre du Logement Emmanuelle Wargon vient de relancer le dispositif "Louer abordable" pour inciter les propriétaires à louer leurs biens non meublés avec des loyers plafonnés à des locataires sous plafond de ressources pour une durée de 6 à 9 ans.
"Après avoir été obligés de sur-construire dans les métropoles pour répondre aux besoins et aux augmentations nettes de population, tout ce qui favorise la relocalisation dans les petites et villes moyennes va permettre de réinvestir des logements où il est possible de faire des travaux", souligne Alain Tourdjman du groupe BPCE.
Dans ce domaine, le gouvernement a lancé, fin 2018, le dispositif "Denormandie dans l'ancien" qui permet de bénéficier d'un avantage fiscal à condition d'acheter un bien dans lesdites communes et d'y réaliser des travaux d'amélioration. Par exemple, acheter un bien à Beauvais (Oise) à 150.000 euros, conduire un chantier à 50.000 euros et le louer pendant 12 ans permet de déduire 42.000 euros de son impôt sur le revenu. Reste que selon des sources convergentes, ce dernier n'a pas suscité l'enthousiasme espéré.
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