
Les mois se suivent et se ressemblent sur le front de la crise du logement. Les chiffres officiels de la construction de logements du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires se détériorent mois après mois. Publiées le 28 septembre, les dernières statistiques font état de 379.000 permis de construire délivrés entre septembre 2022 et août 2023, soit une chute libre de 27,9% comparés aux douze mois précédents.
« Grande déception » versus« œil très attentif »
La situation n'est guère mieux du côté du logement social alors que se tiendra à Nantes le congrès HLM du 3 au 5 octobre. La présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), Emmanuelle Cosse, témoigne, auprès de La Tribune, de bailleurs sociaux « vraiment inquiets », ressentant une « grande déception » à l'égard du projet de loi de finances présenté en Conseil des ministres le 27 septembre dernier. « Les alertes et les inquiétudes sur la crise du logement ne sont pas comprises », ajoute l'ancienne ministre du Logement de François Hollande.
« Le gouvernement a un œil très attentif », rétorque le ministre actuel Patrice Vergriete, lors d'une visioconférence de presse organisée dans l'après-midi du 2 octobre.
« Nous sommes en soutien et très attentifs à la situation du logement social », insiste-t-il. Face à cette « grave crise du logement », l'ex-maire (Divers gauche) de Dunkerque rappelle que le gouvernement a décidé de maintenir le taux d'intérêt du livret A à 3% jusqu'à fin 2025, plutôt que de le rehausser à 4% pour ne pas alourdir la dette du monde HLM. « Un gain de 1,4 milliard d'euros », fait-il valoir.
« Cela change le coût des opérations et le niveau d'endettement des bailleurs sociaux de même que cela nous donne de la visibilité à long-terme et nous permet d'avancer, mais nous nous attendons à une baisse dramatique de la production HLM à 66.000 en 2027 avec 70.000 dès 2024 », souligne Emmanuelle Cosse. Et ce alors qu'en 2023, le nombre d'agréments, c'est-à-dire d'autorisations préfectorales, devrait déjà tomber à 85.000 contre 95.000 voire à 105.000 ces dernières années hors Covid-19.
Faut-il soutenir les maires ?
En parallèle, les bailleurs sociaux, pourtant bons élèves en la matière par rapport au parc privé, doivent accélérer la rénovation de leur parc. Il leur reste en effet à réhabiliter, chaque année, 125.000 logements E, F et G, interdits à location en 2025, 2028 et 2034. Sauf que selon une étude de la Banque des territoires (groupe Caisse des dépôts) publiée le 21 septembre, les offices HLM n'auront pas les moyens de rénover et en même temps de construire.
Encore faut-il soutenir les maires. « Les élus locaux ont l'impression de tout faire tout en étant soutenus par personne », pointe Emmanuelle Cosse, qui plaide pour des aides à la production avec le bénéfice d'une TVA réduite, mais aussi pour une enveloppe d'aide pour accélérer la rénovation des passoires énergétiques. Comme évoquée un temps par l'ex-ministre du Logement Olivier Klein, la présidente de l'USH se met aussi à rêver d'une aide aux maires bâtisseurs sous forme de dotations ou de subventions à l'effort.
D'autant que le nombre de demandeurs d'un logement social a atteint le nombre record de 2,4 millions. Rien qu'en 2022, celui-ci a bondi de 7%. « Cela a augmenté partout, de 5 à 11% selon les régions, y compris dans les zones détendues, là où la demande est inférieure à l'offre ». C'est du jamais-vu, relève Emmanuelle Cosse. Dans le même temps, le taux de rotation est « extrêmement faible ». « Une attribution sur quatre, c'est pour de la mobilité. Les gens restent dans leur HLM car ils n'ont pas les moyens d'aller ailleurs », dit encore l'ancienne ministre du Logement.
Ou décentraliser la politique du logement ?
Son successeur Patrice Vergriete est un ardent défenseur de la décentralisation de la politique du logement, telle que promise par le président-candidat Emmanuel Macron lors de la dernière élection. « Les objectifs de logement social sont déjà territorialisés par région et par intercommunalité. Décentraliser le sujet ne va pas résoudre le problème », réplique Emmanuelle Cosse, qui appelle l'Etat à mobiliser ses établissements publics fonciers (EPF) pour programmer des projets, accélérer sur les zones d'activité commerciale (ZAC) et retravailler le foncier public. « Une réflexion interministérielle sur la libération du foncier est en cours », annonce Patrice Vergriete.
Toujours est-il que les chiffres franciliens donnent le tournis. Le schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF-E) voté en juillet dernier par le conseil régional rappelle en effet l'objectif de construire 70.000 logements neufs par an, dont 33.000 sociaux. Le parc francilien composé de 1,3 million de logements sociaux loge déjà 3 millions de Franciliens, mais il reste 1,3 million de mal-logés et 780.000 demandeurs. Or, comme le rappelle l'association des bailleurs sociaux d'IDF (AORIF), seule une demande sur dix est satisfaite chaque année...
Reste que la présidente de l'USH et l'actuel ministre du Logement se retrouvent sur au moins un point : le maintien du prêt à taux zéro pour l'accession sociale à la propriété... et sans doute d'autres mesures pour le budget 2024 sous forme d'amendements de parlementaires Renaissance. Car dans la continuité des annonces de la Première ministre en conclusion du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement, Patrice Vergriete vient d'adresser un pacte de confiance à Emmanuelle Cosse. S'il refuse d'en dévoiler le contenu, il promet d'ores et déjà des conventions dans les territoires ainsi qu'une discussion pour aider les bailleurs à accélérer leurs opérations. Autant de réponses attendues le 5 en conclusion du congrès HLM à Nantes.