Nantes Métropole soutient le logement social pour relancer la construction

Sur un marché du logement nantais où les mises en vente de programmes immobiliers ont chuté de 54% en un an et où, chaque année, 25.000 demandes de logements sociaux restent en suspens, Nantes Métropole, nullement convaincue par les récentes annonces du gouvernement, vient de lancer son propre plan de relance de la construction. Objectif : soutenir et accélérer la construction de logements locatifs sociaux, optimiser les ZAC et mettre de l’huile dans les rouages administratifs et réglementaires pour débloquer les situations.
A Nantes, les volumes des propriétaires investisseurs ont diminué de -67% en un an.
A Nantes, les volumes des propriétaires investisseurs ont diminué de -67% en un an. (Crédits : Frédéric Thual)

« Depuis 2019, nous n'atteignons pas les objectifs quantitatifs de notre PLH (Programme Local de l'Habitat), soit une production de 6.000 logements neufs par an, dont 2.000 logements locatifs sociaux et 700 à 800 en accession abordable », reconnaît Pascal Pras, vice-président de Nantes métropole, en charge de l'urbanisme, de l'habitat et des projets urbains. Si certaines années, comme en 2014-2015-2016, la métropole a pu autoriser la construction de 8.000 logements, le rythme a depuis largement ralenti pour tomber ces quatre dernières années à 4.500 logements par an. Soit un manque annuel de 1.500 logements. Tous les segments sont impactés. « Sur le seul secteur du logement locatif social, on a perdu 4.000 logements en quatre ans », constate Pascal Pras. Résultat, dans une métropole qui recense quelque 37.000 demandes de logements sociaux par an, si l'on écarte ceux qui veulent un appartement plus grand, plus petit ou plus proche de leur travail, il reste malgré tout 25.000 primo-demandeurs insatisfaits.

Deux tiers d'investisseurs en moins

Qui plus est, « dans les Pays de la Loire, le nombre de mises en vente de logements a chuté de moitié entre les premiers trimestres 2022 et 2023, tombant de 1.300 à 600 ventes. Un phénomène qui s'est poursuivi au second trimestre.  Ce qui représente une baisse de -67% sur la métropole (-54% sur l'année) nantaise, contre -63% sur Saint-Nazaire et son agglomération, -53% sur la communauté d'agglomération angevine », observe Bertrand Mours, Président de l'Observatoire du logement neuf des Pays de la Loire Oloma, qui regrette que le nombre de logements mis en chantier n'est jamais en phase avec les besoins réels de la métropole. « Trois mille huit cents logements sont autorisés pour 2023, et encore ce serait plutôt 3400... », estime-t-il. Et compte tenu du contexte général (hausse des prix des matériaux, inflation, complexité des montages financiers, hausse des taux d'intérêts...), le marché des propriétaires occupant a reculé de -47% et celui des propriétaires investisseurs de -61%. «Si pour un financement identique, les premiers perdent de 15 à 30% de surface, pour les seconds l'impact passe du simple au double. Or, la vente aux investisseurs est nécessaire pour créer du locatif libre. Et s'il est vendu dans le cadre de dispositifs d'investissement locatif sous plafond de ressources, c'est -71% sur la métropole nantaise !», indique le président d'Oloma. « Ce qui qui se traduit par des opérations décalées dans le temps », atteste Benjamin Haguenauer, Président de la FPI (Fédération de la Promotion Immobilière) Pays de la Loire.

La complexe alliance de la démographie et de la nature

Sur un marché nantais, particulièrement tendu, où la vacance des logements sociaux est quasi nulle, celle des privés tombée à -2%, et où les prix de l'ancien ont grimpé de 50% en quatre à cinq ans, Nantes Métropole, non convaincu par les annonces faites par le Conseil National de la Refondation (CNR) du Logement début juin, a choisi de focaliser son plan de relance de la construction sur le logement social abordable. « C'est un enjeu majeur pour nous. C'est la manière de garder sur notre territoire les jeunes ménages et les primo-accédants pour éviter les fuites sur des territoires extra-métropolitains, de s'écarter de la centralité nantaise, des bassins d'emplois et... de mettre des bagnoles sur les routes », souligne le vice-président de la métropole, qui pilote également la modification du PLUm (Plan Local d'urbanisme Métropolitain) pour « relancer la production de logements » et « conforter la place de la nature » dans une métropole qui vise à réduire de 50 % la consommation d'espaces naturels et forestiers et lutter contre le réchauffement climatique. Entre 2004 et 2014, déjà la métropole avait réduit l'artificialisation des sols (habitat, zone économique, voirie...) de moitié pour tomber de 170 à 80 hectares.

Avec la mise en œuvre du PLUm 2019-2025, ce quota se situe plutôt à 50 hectares, aujourd'hui. « Ce qui veut dire que l'on a dû engager une densification de nos zones d'activités d'économiques sur lesquelles on travaille au redécoupage du foncier pour revoir leur vocation. Mais pour cela il faut accepter de reconstruire la ville sur la ville. La règle des hauteurs se contextualise commune par commune. C'est à chacune de faire sa part », esquisse Pascal Pras pour accompagner la dynamique démographique de la métropole, soumise aux exigences du plan Climat, du plan de circulation, du PLUm... D'où aussi une certaine longueur dans l'instruction des dossiers de construction.

Des vocations à géométries variables

Au-delà des seize actions qui constituent ce plan de relance de la construction, travaillé avec les acteurs du logement social et privé, la Métropole entend examiner chaque projet au cas par cas pour débloquer les situations problématiques en apportant plus de simplification et de flexibilité entre les communes et les aménageurs, tout en respectant les ambitions du PLUm. Quitte à revoir la vocation initiale des programmes. A l'instar de ZAC de la Bottière où un programme initialement prévu pour accueillir 24 logements sociaux et 25 logements en accession abordable a été transformé en 24 logements sociaux, 10 abordables et 15 en locatifs intermédiaires (loyers plafonnés sous conditions de ressources). Cette réorientation permet de reprendre des opérations parfois bloquées par des financements, par des mises en conformité ou des recours déposés par des citoyens. « C'est pourquoi il est nécessaire de favoriser l'instruction des dossiers très en amont pour accélérer les calendriers. Un recours citoyen peut retarder une opération de quatre à cinq ans», explique le vice-président de la métropole, qui après avoir réorganisé et renforcé les équipes l'an dernier, a nommé une personne dédiée pour suivre ces dossiers, de manière transversale. Une sorte de guichet unique. Un inventaire serait d'ailleurs en cours pour mesurer le nombre de programmes retardés ou bloqués sur la ville de Nantes et les vingt-quatre communes de la métropole.

Une filière de constructions modulaires « hors site »

Sur le logement social, une enveloppe exceptionnelle de 20 millions d'euros pour trois ans a été attribuée, en complément des 70 millions d'euros inscrits au Programme Pluriannuel d'Investissement (2021-2026), aux bailleurs sociaux dont les trésoreries auraient été essorées par l'envolée des coûts de construction et de rénovation des logements sociaux. Cette aide veut à la fois permettre de débloquer des dossiers enkystés pour des raisons techniques et financières et venir en soutien de Nantes Métropole Habitat pour produire davantage de logements sociaux. Là encore, les anciens sites du Crédit Municipal et du CCAS destinés à recevoir des bureaux pourraient changer de destination et accueillir des logements sociaux. La métropole entend, de plus, travailler avec l'Etat et les 24 communes pour optimiser et accélérer la mise à disposition de fonciers, de solutions d'hébergement transitoire pour les personnes les plus précaires et projette de lancer de nombreux projets de résidences étudiantes et jeunes actifs.

Enfin, la métropole entend lancer un Appel à Manifestation d'Intérêt pour des initiatives d'habitats participatifs. Elle devrait aussi soutenir l'émergence d'une filière économique de construction industrielle modulaire « hors site » et de matériaux biosourcés. « C'est un travail de longue haleine mais qui doit permettre de donner de la visibilité à la filière et créer des effets de volume », se félicite Benjamin Haguenauer. Cela sera-t-il suffisant ? « J'ai un peu de peine à dire que ce plan sera suffisant, mais c'est bien que la métropole prenne la mesure du problème », souffle Bertrand Mours, qui se satisfait de la mise en œuvre d'un guichet unique. Une demande faite par les professionnels de la construction pour avoir des réponses techniques et réduire les durées de consultation. Pour le Président de la FPI (Fédération de la Promotion Immobilière) Pays de la Loire, « ce plan ne sera pas suffisant pour redresser la machine mais il a le mérite d'exister. Et pour une fois, il a mis tout le monde autour de la table», dit-il espérant que les actes suivront les paroles. Pour le vice-président de la métropole, l'objectif, à court terme, serait de livrer 1.000 logements locatifs sociaux et 500 à 600 en accession abordable d'ici la fin de l'année 2023. Et retrouver les ambitions du PLH de 6.000 logements par an à l'horizon 2024-2025...

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