Pandémie : les pistes du CAE pour mieux gérer les prochaines catastrophes du 21e siècle

L'épidémie de Covid-19 a non seulement provoqué une crise sanitaire suivie d'une crise économique mais a également mis à mal la confiance et donc la coopération entre concitoyens, gouvernement et scientifiques, relève mercredi une note du Conseil d'analyse économique (CAE). "Cette crise a permis de mesurer le niveau de cohésion sociale des populations", écrivent les économistes Daniel Cohen et Yann Algan qui, après avoir posé un constat d'échec pour la gestion française de la pandémie, proposent un traitement de choc pour remettre d'aplomb la gestion des crises en France.
Grégoire Normand
Photo d'illustration : le président français Emmanuel Macron et le ministre de la Santé Olivier Veran (à g.) s'entretiennent avec le personnel soignant lors d'une visite à l'hôpital de La Timone, à Marseille, le 2 septembre 2021.
Photo d'illustration : le président français Emmanuel Macron et le ministre de la Santé Olivier Veran (à g.) s'entretiennent avec le personnel soignant lors d'une visite à l'hôpital de La Timone, à Marseille, le 2 septembre 2021. (Crédits : Reuters)

Les pénuries de masques et de gel hydroalcoolique, le manque de lits d'hôpitaux, les urgences sous pression ont profondément heurté l'opinion publique en 2020. L'Etat français s'est retrouvé désarmé face aux conséquences dramatiques de la crise sanitaire en seulement quelques semaines.

En réponse, le gouvernement français a dû mettre en place des mesures drastiques de confinement parfois très mal acceptées par une partie de l'opinion publique. Les différentes mises sous cloche ont en outre plongé l'économie française dans une profonde léthargie. "Les pays qui ont dû mettre en place des politiques de confinement à la dernière minute faute d'anticipation, comme la France, en ont payé le prix économique le plus fort" expliquait l'économiste Eloi Laurent dans un entretien accordé à La Tribune. Cette gestion parfois jugée "erratique" a abîmé la confiance déjà dégradée des Français à l'égard des institutions, des gouvernements et des scientifiques révèle une note du Conseil d'analyse économique rendue publique ce mercredi. Afin d'éviter qu'un tel épisode ne se reproduise à l'avenir, les économistes Yann Algan et Daniel Cohen ont formulé une série de recommandations lors d'un point presse.

"Cette crise a d'abord été gouvernée par des facteurs exogènes comme le taux d'incidence ou le taux de vaccination. Le problème de coordination était lié à un problème de coopération des citoyens avec les autorités. Cette crise a permis de mesurer le niveau de cohésion sociale des populations. Elle augure sûrement d'autres crises du 21e siècle. Le choc sanitaire explique une grande partie de la récession économique", a déclaré Daniel Cohen, récemment nommé à la tête de la direction de l'École d'économie de Paris (Paris School of Economics).

Muscler les moyens de l'agence Santé publique France

"Trop cher", "pas assez efficace"... le système de santé a régulièrement fait l'objet de critiques et d'attaques de toutes parts ces dernières années. À cela s'ajoutent la compression des dépenses de santé dans les hôpitaux au profit de la médecine de ville, les suppressions de lits qui ont continué malgré la pandémie mondiale.

La multiplication des acteurs et la création de comités ad hoc a favorisé la complexité de la gestion de la crise. Au lieu de faire appel aux instances existantes, l'exécutif a rapidement mis en place un conseil scientifique chargé notamment de l'expertise au sommet de l'État. "Le système de santé français se caractérise en effet par une profonde « diversité institutionnelle », qui se manifeste dans la nature tant des institutions de son financement que dans celle de l'offre de soins qu'il propose", rappellent Algan et Cohen.

Les deux économistes préconisent, plutôt que de disséminer les organisations, de doter la France "d'une véritable institution de santé publique." Ils proposent pour cela de renforcer les moyens de l'agence de Santé publique France avec "des moyens accrus et un mandat clair centré sur l'expertise scientifique, la veille sanitaire et la gestion de crises relatives à la santé publique (coordination, données)". En revanche, si les deux auteurs ont une approche institutionnaliste de la santé, ils n'apportent pas plus de précisions sur les montants supplémentaires ou les moyens humains nécessaires.

Renforcer la confiance des citoyens

L'originalité de la note du centre de recherche rattaché à Matignon est qu'il pointe la défiance des Français à l'égard du gouvernement, défiance déjà très marquée avant la crise, comme le rappelait Yann Algan dans les colonnes de La Tribune. À titre de comparaison, les citoyens français sont seulement 40% à penser en avril 2020 que l'exécutif a bien géré la crise sanitaire, contre les trois quart de la population au Royaume-Uni, en Allemagne (voir aussi l'exemple de l'Espagne).

"Cette confiance [de la population] a un impact direct sur l'adhésion aux mesures restrictives et à la vaccination et sur le respect des règles de distanciation sociale et des gestes barrières", rappellent justement les économistes.

Pour tenter de restaurer cette confiance, l'organisme public recommande de "procéder à des évaluations de politiques publiques avec des données en temps réel. Établir une véritable politique publique des données de santé en levant les freins et désincitations [mécanismes qui découragent l'accès aux données, NDLR] à leur partage". Pour remédier en partie à ce problème, plusieurs initiatives citoyennes ont d'ailleurs émergé pendant la crise sanitaire pour assurer le suivi des indicateurs de l'épidémie ou de la vaccination.

> Lire aussi : Covid Tracker, Vite Ma Dose : Guillaume Rozier, le docteur français de l'open data

Gestion de la crise sanitaire : la France 28e, dans le bas du tableau

Pour tenter d'établir un classement des pays dans la gestion de la crise, les différents chercheurs qui ont contribué à la note ont construit un "indice de sacrifice"(*) à partir de données sur la mortalité et le produit intérieur brut. Selon cet indice, la France apparaît en bas de tableau, à la 28e position sur 38 pays recensés. Si l'Hexagone a fait mieux que l'Italie, l'Espagne ou le Royaume-Uni, elle reste en retrait par rapport à l'Allemagne par exemple.

"Les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats sont surtout ceux qui ont réussi à mener une stratégie zéro Covid, en l'éradiquant très vite", indiquent les chercheurs.

Moral des Français: l'anxiété et la dépression en forte hausse

La pandémie a eu des répercussions délétères sur le moral des Français. Dans leurs travaux, les économistes rappellent que l'anxiété et la dépression ont fortement augmenté dans la population tricolore. Parmi les chiffres impressionnants, le taux de dépression frapperait une personne sur trois à l'automne 2021. Les jeunes figurent en première ligne depuis le début de la pandémie souligne le Conseil d'analyse économique.

"Le mal-être de la population est apparu comme une contrainte très forte de l'action publique à partir du quatrième trimestre. La tentative de repousser le troisième confinement porte la marque de celle-ci, il s'agissait tout autant de maintenir la santé mentale de la population française que d'éviter une nouvelle crise économique", expliquent les économistes.

Sur ce sujet sensible, les effets de la crise sanitaire sur le moral des Français risquent de se prolonger pendant encore longtemps.

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NOTES

(*) À la manière des indices du développement humain, les auteurs ont créé un "indice de sacrifice" qui ajoute récession économique et surmortalité(**). Cette méthode s'inspire aussi de celle qui consistait, dans les années 1970, à ajouter taux de chômage et taux d'inflation pour mesurer la performance des pays.

(**)"Nous divisons en fait le taux de mortalité (par million d'habitants) par 100, de manière à rendre les deux paramètres santé et PIB à peu près équivalents en moyenne. Cela revient à considérer que la valeur implicite de la vie sauvée vaut 100 fois le revenu par habitant, soit environ 2 millions d'euros dans le cas français."

Grégoire Normand
Commentaires 18
à écrit le 08/10/2021 à 9:25
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Pour mieux gérer : Vaccination obligatoire : 1400 soignants suspendus en Île-de-France, les hôpitaux et cliniques sous tension.Des responsables d’établissements de santé racontent le casse-tête engendré par les suspensions de personnels non-vacci...

à écrit le 08/10/2021 à 9:18
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Pas de pitié : Désormais, pour recevoir une greffe d'organes dans cet hôpital, il faudra être vacciné, rapporte le Washington Post. Cet hôpital, l'UCHealth (Colorado), a envoyé une lettre récemment à un patient pour lui signifier que, s'il ne se f...

à écrit le 08/10/2021 à 1:19
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Pas de bol pour certains qui vivaient une vie penarde au fin fond de ministères ,commissions Théodule et organismes de contrôles . Du jour au lendemain réveillés par les feux des projecteurs médiatique et pas de boucs émissaires à donner en pâture au...

à écrit le 07/10/2021 à 17:59
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d après ( the conversation ) a lire pandémie. comment la peur est utilisée comme stratégie politique ;

à écrit le 07/10/2021 à 17:08
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Nos amis les bêtes : La Finlande lance une grande opération de vaccination contre le Covid-19... mais cette fois chez des animaux. Tous les visons du pays vont recevoir une injection contre le coronavirus. Les autorités finlandaises viennent de do...

à écrit le 07/10/2021 à 16:35
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Il ne manque plus que les bébés : Un amendement a été déposé en vue de l’examen mercredi 6 octobre par la commission des affaires sociales d’une proposition de loi déposée le 31 août par Patrick Kanner et cosignée par Bernard Jomier ainsi qu’une g...

à écrit le 07/10/2021 à 16:19
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Allons enfants ... Pfizer veut vacciner plus et partout. Le laboratoire américain a annoncé jeudi avoir déposé un dossier auprès de l’Agence américaine des médicaments, la FDA, afin d’obtenir son feu vert pour l’injection de son vaccin chez les en...

à écrit le 07/10/2021 à 16:18
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"En réponse, le gouvernement français a dû mettre en place des mesures drastiques de confinement parfois très mal acceptées par une partie de l'opinion publique." C'était surtout prévu pour ensuite d'obliger les gens y compris les enfants à prendr...

à écrit le 07/10/2021 à 16:07
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Faut être dans le moule, pas le choix ou sinon : Un médecin hostile aux vaccins contre le Covid-19 a été placé en garde à vue mercredi à Montpellier, et doit comparaître pour "mise en danger de la vie d'autrui" et "atteinte à la vie privée". Il es...

à écrit le 07/10/2021 à 16:02
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Pendant ce temps : « Nous devons la vérité aux Français : l’heure de lever les contraintes n’est pas venue », a déclaré Gabriel Attal à la sortie du Conseil des ministres ce jeudi. Le porte-parole du gouvernement a précisé qu’un possible allègemen...

à écrit le 07/10/2021 à 14:57
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Surestimer la gravité de cette maladie, alors que tout est fait pour démobiliser la hiérarchie sanitaire, n'est pas une bonne politique mais plutôt un sabotage!

à écrit le 07/10/2021 à 14:42
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Peut on faire confiance dans la gestion des prochaines crises surtout si on nous les prévoient?

à écrit le 07/10/2021 à 10:01
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La prochaine crise aigûe est en train de se préparer sous nos yeux. Elle est de nature politique et susceptible de nous plonger durablement dans un chaos dont nous mettrons 20 ans à nous remttre (ou pas....) alors qu'on devrait être en train de se pr...

à écrit le 07/10/2021 à 9:38
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C'est l'état qui a été incapable de coopérer avec la société, dont les élus locaux. Le temps de réactivité d'un état léthargique a failli être catastrophique pour notre pays. En aucun cas le gouvernement n'est en cause car il a dû faire avec le boule...

à écrit le 07/10/2021 à 8:28
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L'erreur fondamentale de la gestion du COVID en France a été de surestimer la gravité de cette maladie. Tout simplement, parce que la France ne dispose plus d'assez de lits d'hôpitaux, les médias ont fait courir des bruits comme quoi la maladie avait...

le 07/10/2021 à 14:59
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Surestimer la gravité de cette maladie, alors que tout est fait pour démobiliser la hiérarchie sanitaire, n'est pas une bonne politique mais plutôt un sabotage!

à écrit le 07/10/2021 à 8:23
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Tu parles à part d'imposer toujours plus d'idéologisme sanitaire, en gros si les français sont récalcitrants c'est parce qu'on ne nous a pas assez lobotomisé, ça ne dit rien d'autre. Une imposture de plus à mettre au sein de cette imposture généralis...

à écrit le 07/10/2021 à 8:23
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Comme tous les organismes, agences, organisations, structures publiques, les ministères etc... sous Macron, leurs objectifs, analyses et solutions sont biaisés dès le départ, pour ne pas dire orientés. Le CAE n'échappe pas à la règle à la lecture de...

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