Spatial : une crise de nerfs européenne

Français, Allemands et Italiens se déchirent sur les termes de l’accord avec SpaceX qui doit permettre deux lancements de quatre satellites de la constellation Galileo.
Michel Cabirol
Décollage du lanceur Falcon 9, à Cap Canaveral, en Floride, le 21 mai.
Décollage du lanceur Falcon 9, à Cap Canaveral, en Floride, le 21 mai. (Crédits : ⓒ JOE SKIPPER/reuters)

En voulant bien faire, Thierry Breton a ouvert une boîte de Pandore. Et le commissaire européen chargé entre autres de l'espace ne maîtrise aujourd'hui plus les conséquences de cette décision... De quoi parle-t-on ? N'ayant pas la possibilité de lancer impérativement en 2024 deux satellites Galileo avec le lanceur européen Ariane 6, Thierry Breton a dû se résoudre à demander à l'américain SpaceX de faire monter ces satellites à bord du lanceur Falcon 9, pour sécuriser le fonctionnement de la constellation européenne. Mais au préalable, l'Union européenne et les États-Unis doivent finaliser un accord de confidentialité et de sécurité qui permettra deux lancements confiés à SpaceX pour un total de quatre satellites extrêmement sécurisés, qui émettent des signaux ultra-sensibles pour les armées européennes.

C'est donc un vrai pari pour l'Europe : la constellation Galileo (2 milliards d'utilisateurs) a pour principale concurrente l'américaine GPS, qui est aujourd'hui moins performante que sa rivale. Pas question, a d'ailleurs précisé Thierry Breton sur France Inter, que quelqu'un « approche ces satellites » lorsqu'ils seront sur la base de lancement américaine.

Lire aussi« L'Europe doit défendre ses intérêts dans l'espace et protéger son accès à l'espace » (Josep Borrell et Thierry Breton)

Qui dit UE dit 27 pays et 27 appréciations et intérêts différents. Et c'est le cas notamment de la France, de l'Allemagne et de l'Italie, pays ayant les compétences les plus solides en Europe dans le domaine des lanceurs. Car pour signer cet accord de sécurité, les Vingt-Sept doivent trouver un compromis sur les termes et les modalités. Et ce n'est absolument pas gagné pour ce dossier à l'agenda du sommet ministériel de Séville les 6 et 7 novembre. D'autant que les retards répétés d'Ariane 6, dont le premier vol était prévu le 16 juillet 2020, ont irrité toute la filière spatiale européenne. Le premier vol du futur lanceur lourd est désormais attendu en avril ou mai 2024. « L'ESA a fait des choses formidable notamment l'envoi de sondes et beaucoup d'activités scientifiques mais on ne peut pas dire que l'ESA a totalement réussi sa mission en ce qui concerne les lanceurs », a critiqué Therry Breton jeudi sur France Inter. Mais, avant Séville, les ministres français, allemand et italien chargés de l'espace font étape lundi à Rome pour faire avancer ce dossier. « On aura à Rome une étape de négociations qui ne sera pas la conclusion de cette négociation », explique-t-on à Bercy.

Paris veut limiter le recours à SpaceX, contrairement à Berlin

Si tout le monde est d'accord (quoique contraint et forcé) pour lancer les satellites Galileo sur Falcon 9, la France et l'Allemagne ont toutefois, selon des sources concordantes, de profondes divergences sur l'envergure de cet accord : Paris et l'industriel ArianeGroup, maître d'œuvre d'Ariane 6, militent pour un accord avec SpaceX limité dans la durée et dans le nombre et le type de satellites. Berlin souhaite, quant à elle, un accord beaucoup plus ouvert dans le temps et dans le nombre de satellites, dont ceux de la constellation européenne Copernicus prévus sur le lanceur italien Vega-C (Avio) cloué au sol jusqu'au dernier trimestre 2024.

Une position allemande qui fracasse le concept de préférence européenne pourtant obtenu difficilement en 2018. Pour les Français, la solution SpaceX n'est qu'un « gapfiller » pour permettre le lancement des quatre satellites. « Cela ne sert à rien d'étendre cet accord dans la durée, mais on va trouver des compromis minimaux avec les Allemands, explique-t-on à Paris. Cette divergence entre Paris et Berlin « révèle simplement la sensibilité des deux pays à des questions d'autonomie stratégique. C'est le vrai sujet, mais ce n'est pas un sujet lanceur ». Mais s'il n'y a pas d'accord, il n'y aura pas de lancement par SpaceX.

Ariane 7 développée par l'Allemagne ?

À Séville, l'Allemagne prépare déjà l'avenir. Selon des sources concordantes, le pays souhaite introduire une concurrence dans le domaine des lanceurs. Ce qui irrite fortement l'Italie, tandis que la France semble s'être fait une raison. Berlin va très certainement obtenir cette faveur en contrepartie de son feu vert sur les aides à l'exploitation d'Ariane 6 à partir de son 16e lancement (fin 2026 ou début 2027). Soit 350 millions d'euros par an. Très clairement, l'Allemagne veut mettre ses industriels (Isar Aerospace, OHB...) en position de développer et concevoir Ariane 7. Ce qui serait un séisme et un cauchemar en France. À ArianeGroup de se mobiliser pour rester le leader des lanceurs européens.

Michel Cabirol

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Commentaires 15
à écrit le 30/10/2023 à 23:49
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Encore une fois l Allemagne nous e…. Que fout Macron pour défendre nos positions? Rien.. comme d’hab quand à Lemaire il est d une génération de français qui ont fait allemand 1 ère langue car bon élève .. et regarde donc l’ Allemagne comme l alpha et...

le 03/11/2023 à 11:57
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Que reprochez vous à l'Allemagne??? C'est quoi "défendre nos positions?" C'est plutöt l'Allemagne qui fait révolutionner les spatial en Europe!!! ARIANE dont la France est le maître d'oeuvre en en "état de mort cérébrale" . Pouquoi vous n'aimez pas ...

à écrit le 30/10/2023 à 23:48
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Encore une fois l Allemagne nous e…. Que tout Macron pour défendre ère nos positions? Rien.. comme d’hab quand à Lemaire il est d une génération de français qui ont fait allemand 1 ère langue car bon élève .. regarde l Allemagne comme l alpha et l Om...

à écrit le 30/10/2023 à 13:35
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Je l'avais écris dans un post antérieur . ESA est un furoncle (SAM) pour l'avenir spatial français . Il faut n'importe quoi et c'est pas par hasard . Ils font tout pour tuer les programmes spatiaux français et européenne pour justifier de faire les ...

à écrit le 30/10/2023 à 11:29
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Une histoire de porte clef et de porte avions. D’un côté des loges qui s’intéressent à l’affairisme et l’enrichissement personnel, de l’autre des personnes individus moins organisés qui s’intéressent à l’avenir d’un peuple. Les limites des FM éclaten...

à écrit le 30/10/2023 à 11:18
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L'europe est vendue a l'oncle sam. Lobbying oblige. Ceux qui refusent cette realite vont etre tres decus. Apres le gaz, les lanceurs us prives. Vous etes morts ou en passe de l'etre. Ne vous restera qu'a consommer soit chinois, ou bien yankee.

à écrit le 30/10/2023 à 7:49
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Les retards d'Ariane 6 étaient connus depuis longtemps, donc l'opérateur avait le temps de passer commande de quelques Ariane-5 supplémentaires. Si on veut la souveraineté, on accepte d'en payer le prix. Réciproquement, si on ne veut pas en payer le ...

le 06/11/2023 à 6:18
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C'est qui "on" ?

à écrit le 29/10/2023 à 21:09
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Rien ne change ... Les dirigeants Allemands sont au service de l'Allemagne et les dirigeants Français au service de l'Europe ( donc de l'Allemagne ).

à écrit le 29/10/2023 à 20:25
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Rien de nouveau sous le soleil, l'Allemagne pense à ses industriels avant l'autonomie stratégique, et la France l'inverse. Ces derniers temps les évènements nous ont plutôt donné raison. Il n'est pas impossible que probable que l'oncle Sam profite de...

à écrit le 29/10/2023 à 13:28
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Bonjour, ils est claire que ce retards d'Ariane 6 et plus que pénalisant... L'arrêt de la fabrication de l'Ariane 5 alors que le remplacement n'est pas assurée est une aberration... Bien sûr, dire qu'il y a encore la une faute ne me semblent pas fa...

le 29/10/2023 à 13:40
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Bien sûr il ne faut pas le dire !

le 29/10/2023 à 20:21
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Facile de crier au scandale des années après. Ariane 5 a été arrêtée avant le relai d'Ariane 6 car ça n'était pas rentable économiquement et l'ESA avait le lanceur Soyouz à Kourou dans l'intervalle. C'était sans compter sur la guerre en Ukraine. Domm...

le 30/10/2023 à 13:06
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Bonjour, pour répondre à certaines affirmations, la guerre en Ukraine dure depuis 18 mois , les retards de la fusée Ariane 6 était connue depuis bien longtemps... Donc pourquoi ne pas avoir commander deux fusées Ariane 5... Histoire de maintenir la ...

à écrit le 29/10/2023 à 9:51
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"Nous travaillons actuellement pour l'Europe, voir pour le monde !" LOL

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