C'est un des dossiers explosifs et extrêmement compliqués de la rentrée à traiter par Thierry Breton. Le commissaire européen au marché intérieur, en charge du spatial, et notamment des infrastructures spatiales européennes Galileo et Copernicus, va devoir trancher très probablement cet automne : lancer dès 2024 les prochains satellites de la constellation Galileo sur un lanceur Falcon 9 de l'américain SpaceX ou attendre 2025 un vol dédié pour le système mondial de navigation par satellite sur Ariane 6. Un vrai dilemme pour Thierry Breton.
Si l'Europe spatiale en est arrivée à cette situation très inconfortable, c'est en raison de l'arrêt de Soyuz en Guyane par les Russes fin février 2022 en réponse aux sanctions occidentales après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. La constellation comprend aujourd'hui 28 satellites en orbite. Les 10 satellites de la première génération restants devaient être lancés en 2022, 2023 et 2024, notamment par Soyuz. Cela n'a pas été le cas en raison du conflit russo-ukrainien et des retards d'Ariane 6, qui devait être opérationnelle en 2020. Le premier vol est attendu début 2024
Que des coups à prendre
Pour Thierry Breton, il n'y a finalement que des coups à prendre : passer un contrat avec SpaceX va être horriblement compliqué à justifier à l'opinion publique pour ce qui est l'un des systèmes souverains les plus emblématiques de l'Europe ; mais attendre 2025, c'est également prendre le risque de voir les services du système Galileo s'interrompre compte tenu de la durée de vie (12 ans environ) des premiers satellites IOV (Airbus) lancés en 2011, puis en 2012. Il est impératif de lancer deux fois en 2024, explique-t-on à La Tribune. En service depuis fin 2016, ce système performant fournit un service de positionnement, de navigation et de synchronisation horaire à plus de trois milliards d'usagers dans le monde entier. Ce serait une catastrophe pour Galileo, qui est devenu une référence mondiale dans ce domaine. Le système pourrait perdre alors une grande partie de sa légitimité auprès des usagers.
Pour l'heure, Arianespace a son manifeste de vols complet en 2024 pour Ariane 6 et il n'est pas question de faire de la place à un vol Galileo. A moins que l'État français, qui joue pour le moment la montre, se réveille et demande à ArianeGroup de faire une place au système de positionnement européen. Il y avait également une option avec le Japon mais les retards du lanceur H3 de Mitsubishi Heavy Industries, conçu pour remplacer les lanceurs H-IIA et B, sont rédhibitoires pour assurer les lancements Galileo. Il a même été envisagé d'étudier l'option Vulcan d'United Launch Alliance, entreprise commune entre Boeing et Lockheed Martin, mais elle a été très rapidement abandonnée.
SpaceX, la seule option ?
Fortement poussé par l'Agence spatiale européenne (ESA), qui n'a pas d'état d'âme sur le principe de souveraineté, Thierry Breton étudie donc l'opportunité de signer un contrat pour deux lancements avec SpaceX, selon nos informations. Pour monter à bord de Falcon 9, l'Union européenne (et donc les États membres) doit d'abord signer avec les États-Unis un accord de sécurité pour pouvoir lancer ses satellites Galileo depuis le sol américain. Pour autant, les États-Unis, qui se sont longuement opposés à Galileo au début du programme, ont-il l'envie de donner un coup de pouce au concurrent le plus sérieux du GPS ? Et finalement Ariane 6, poussée par l'État français, peut-elle sauver Galileo de ce mauvais karma ?
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