Assurance vie : six questions pour comprendre le nouvel euro-croissance et ses enjeux

Dans un contexte de taux durablement bas, les assureurs sont contraints de se réinventer pour préserver leur solvabilité et doivent faire preuve de créativité en trouvant des alternatives à l'indétrônable fonds en euros, qui pèse sur leur rentabilité. Le contrat euro-croissance est l'une des pistes privilégiées. Sa nouvelle mouture, prévue par la loi Pacte, vient d'entrer en vigueur. Voici les six points clés à retenir.
Juliette Raynal

Est-ce nouveau ?

Non. La première version du fonds euro-croissance a été lancée en 2014 sous le quinquennat de François Hollande. Il est lui même une nouvelle mouture des contrats dits "euro-diversifiés", créés en 2003 et qui n'avaient pas fonctionné. Présenté comme le troisième pilier de l'assurance vie, le fonds euro-croissance se trouve à mi-chemin entre le fonds en euros, très sûr, et les unités de compte, potentiellement plus rentables mais plus risquées. Les fonds en euros ont pour avantage d'offrir une garantie du capital à tout moment. Les fonds sont investis majoritairement dans des dettes souveraines, c'est-à-dire des obligations d'Etat et le rendement proposé s'élevait en moyenne à 1,8% en 2018. Il devrait sensiblement baisser dans les mois à venir en raison d'un environnement de taux durablement pas, qui met les assureurs sous pression. (Swiss Life et Generali l'ont déjà abaissé à 1 % et Allianz France prévoit une baisse plus forte que l'an passé ). Les contrats en unités de compte présentent, eux, des performances potentiellement plus intéressantes. Ils sont aussi plus risqués car investis notamment en actions. Le capital investi n'est pas garanti.

Lire aussi : Les assureurs vie sous la pression des taux bas

Sorte de trait d'union entre le très sécuritaire fonds en euros et les unités de compte,  l'euro-croissance reprend les avantages de ces deux types de support avec quelques nuances. Le rendement proposé se veut plus attractif que celui du fonds en euros, car l'épargne est en partie investie dans des actions, et le capital est garanti (de 80 à 100%) à une certaine échéance seulement (de huit ans minimum). Cela signifie que si le souscripteur souhaite retirer son capital avant les huit années imparties, il ne bénéficiera pas de garantie et récupérera la performance à cet instant T de son épargne sur le marché. Autrement dit, il peut subir une perte.

Quel est son objectif ?

Le fonds euro-croissance vise à encourager les épargnants à investir dans des supports diversifiés et donc à participer davantage au financement de l'économie réelle. C'est d'ailleurs également l'objectif de sa modernisation prévue dans la loi Pacte. Ce type de contrat doit aussi proposer un rendement supérieur à celui du fonds en euros, qui a sensiblement chuté au cours des dernières années. Seulement contraint par une obligation de garantie au bout de huit années, l'assureur dispose, en effet, d'une marge de manœuvre plus importante pour diversifier les actifs placés et peut donc espérer une meilleure performance. Toutefois au cours des dernières années, ce produit d'assurance vie a présenté des rendements contrastés avec une moyenne de +3,4% en 2017, mais de -3,5% en 2018.

Est-il populaire ?

Force est de constater que le fonds euro-croissance n'est pas parvenu à séduire les épargnants. Fin 2017, son encours plafonnait à 2,2 milliards d'euros sur un encours total de 1.785 milliards d'euros pour l'assurance-vie française aujourd'hui. Les raisons de son échec ? Une faible distribution et une trop grande complexité par rapport à l'indétrônable fonds en euros.

"C'est un produit qui a été pensé par des actuaires pour des actuaires", confirme Gildas Robert, directeur conseil actuariat et finance du cabinet de conseil Optimind. "Dans sa première version, l'encours était exprimé en deux parties, avec la provision mathématique d'une part, qui correspond à l'actualisation de la garantie au terme, et la provision de diversification, qui permet d'investir dans des actifs risqués et qui est exprimé en nombre de parts. Par ailleurs, les assureurs ne pouvaient pas communiquer sur une performance car elle était différente selon les assurés. En l'état, le produit était donc très complexe et difficile à vendre", estime-t-il.

Avec la loi Pacte, le gouvernement a donc souhaité apporter plus de simplicité, de flexibilité et de lisibilité. "Les assurés pourront connaître à tout moment le rendement de leur fonds euro croissance", avait indiqué Bruno Le Maire, le ministre des Finances, lors de la dernière conférence internationale de la Fédération française de l'assurance (FFA) le 25 octobre dernier. Les souscripteurs pourront également choisir librement le terme de la garantie pour adapter l'horizon du produit d'épargne à l'échéance de leur projet personnel, avait expliqué le ministre.

Quelles sont les modifications prévues dans la nouvelle mouture ?

Un décret paru le 26 décembre dernier (et entré en vigueur le 1er janvier 2020), puis un arrêté paru le 29 décembre précisent les modalités techniques de cette nouvelle mouture. Désormais, l'intégralité de la valeur de rachat sera constituée par la provision de diversification. "Les épargnants connaîtront leur nombre de parts et la valeur liquidative. La valeur de rachat pourra  ainsi être convertie en euros", précise Gildas Robert.

Par ailleurs, le taux de rendement sera unifié pour tous les épargnants, alors qu'aujourd'hui le rendement annualisé global du fonds ne correspond pas au rendement individuel réel (qui varie selon trois facteurs : le niveau de garantie, la durée d'engagement et la date de souscription du contrat).

Enfin, le texte permet aux contrats euro-croissance version 1 de continuer d'exister, et même d'être souscrits.

Cette version 2.0 peut-elle vraiment faire décoller l'euro-croissance ?

Le gouvernement est ambitieux. Grâce à ce coup de jeune, il souhaite multiplier par 10 le montant de l'encours à l'horizon fin 2022 pour atteindre les 20 milliards d'euros. Mais plusieurs acteurs du marché émettent des réserves sur cet objectif. "La nouvelle mouture de l'eurocroissance est nettement meilleure que la précédente, mais je ne suis pas sûr que pour nos commerciaux, ce soit un produit qu'ils arrivent vraiment à expliquer", avait lâché Thierry Martel, président de l'Association des assureurs mutualistes (AAM) et directeur général de Groupama, lors d'un déjeuner avec la presse fin novembre.  "Nous ne sommes pas partie prenante de l'euro-croissance", avait, pour sa part, soufflé le patron d'Allianz France Jacques Richier, en fin d'année.

"Si, dans les faits, c'est un produit plus simple à comprendre (pour le client, le support peut se rapprocher d'une UC avec une garantie au terme), il reste des barrières à sa commercialisation", estime Gildas Robert. "La première c'est le poids de son passé. Le fonds euro-croissance est un vieux produit dont la communication n'a pas toujours été très positive", pointe-il. "La seconde barrière ne relève pas du fonds euro-croissance lui-même, mais du fonds en euros qui reste encore aujourd'hui très difficile à concurrencer, avec une garantie du capital complète à tout moment", poursuit le spécialiste.

En théorie, le fonds euro-croissance pourrait tirer son épingle du jeu grâce à une meilleure performance sur le long terme, mais deux limites doivent être prises en compte. "D'abord, le fonds euro-croissance ne bénéficie pas de toute la richesse accumulée dans le fonds en euros. Ensuite, le fonds euro-croissance est plus volatile que le fonds en euros et a affiché un rendement négatif certaines années. Son track record n'est donc pas très bon en termes de performance", pointe Gildas Robert.

Les assureurs vont-ils s'en emparer ?

"De nombreux assureurs ne sont pas très motivés car le lancement d'un nouveau produit est coûteux et nécessite de lourds investissements informatiques, pour former les réseaux et revoir les process de commercialisation. Et, même si la collecte est effectivement multipliée par 10, 20 milliards d'euros reste un montant très limité au regard de l'encours total, et ne permettra pas de financer les investissements réalisés", analyse Gildas Robert, pour qui le fonds euro-croissance représente un investissement sur l'avenir compte tenue de la nécessaire transformation de l'assurance-vie. "Les assureurs qui s'en emparent devront faire preuve de beaucoup de pédagogie envers leur réseau", conclut-il.

Juliette Raynal

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Commentaires 8
à écrit le 09/01/2020 à 10:45
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Tout est basé sur une logique dogmatique qui veut que "le futur" que l'on nous fabrique sera bien meilleur que le "présent" que l'on nous détruit!

à écrit le 08/01/2020 à 16:50
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Elle bien bonne celle-là, l'économie est florissante, la bourse s'envole, les actionnaires se réjouissent et battent des mains et voilà qu'on nous dit que les fonds euros baissent et doivent baisser, on se fout ouvertement des détenteurs d'assurance ...

à écrit le 08/01/2020 à 11:18
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Tout est basé sur de la virtualité d'une logique dogmatique qui veut que "le futur" que l'on fabrique sera bien meilleur que le "présent" que l'on nous détruit, que tout le monde doit en "prendre conscience" par la force d'une bonne manipulation ment...

à écrit le 08/01/2020 à 10:40
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Encore une usine a gaz bien française et susceptible d'être encore bricolée à chaque session parlementaire. Une fois de plus Macron brille par la simplicité et l'intelligibilité de ses réformes. Ma pauvre "conseillère" avait déjà du mal à comprend...

le 08/01/2020 à 13:59
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Si votre conseillère est de la banque il est évident que ce ne sont pas les mieux placés pour l’assurance-vie et le per. Faites les comparaisons avec d'autres assureurs.

à écrit le 08/01/2020 à 9:47
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Il est toujours facile de jouer avec l'argent des autres, par exemple celui des épargnants qui ont économisé sous à sous. Livrer ce bon argent aux requins de la finance qui n'en feront qu'une bouchée, engloutie dans une bulle suivie d'une crise...et ...

à écrit le 08/01/2020 à 7:11
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le fonds euros, ca sert a ce que l'epargant finance les canards boiteux et autre ' investissement pas rentable genre heuliez futur leader mondial de la voiture electrique' tant cheris par la gauche avec l'argent des autres ca sert aussi a ce que le...

le 08/01/2020 à 14:01
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Les frais de gestion normaux sont inférieurs à 1 % . Si votre assureur prend 3 % quittez-le et allez voir ailleurs.

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