C'est finalement une affaire rondement menée. Huit mois après l'ouverture de négociations exclusives, et un mois après le rejet par Orange Bank d'une ultime offre de reprise par un fonds américain, BNP Paribas et l'opérateur télécom Orange annoncent ce mardi la signature de plusieurs accords pour accompagner le transfert des clients d'Orange Bank en France et en Espagne.
Le cœur de ces accords concerne les clients bancaires d'Orange Bank en France (y compris les clients sous l'enseigne Groupama Banque), soit environ 400.000 clients. Les 800.000 clients bancaires affichés jusqu'ici se décompose donc en 400.000 comptes à vue et 400.000 souscripteurs d'un crédit. Les titulaires d'un compte à vue se verront proposer une offre exclusive de la banque en ligne de BNP Paribas, Hello bank! avec des primes pouvant s'élever jusqu'à 430 euros, dont 80 euros pour l'ouverture du compte. Un parcours client simplifié a été spécialement développé pour faciliter au maximum ce transfert entre deux banques.
Cette opération « de référencement » devrait débuter en mai prochain, dans l'optique de clôturer les comptes chez Orange Bank d'ici la fin de l'année. D'autres accords assurent également « une solution de continuité », selon le communiqué, aux clients d'Orange Bank en Espagne, via une offre de Cetelem, la filiale de crédit à la consommation du groupe, présent en Espagne, ainsi qu'aux clients détenteurs d'une assurance pour le téléphone mobile, via Cardif, la compagnie d'assurance de BNP Paribas. En revanche, le portefeuille de crédits n'est pas concerné par ces accords et il devrait être cédé à des tiers dans les prochains mois.
Fin de l'aventure
Ces accords mettent donc un point final à l'aventure d'Orange Bank, lancé avec fracas en 2017 au grand dam des banques. La réussite commerciale était au rendez-vous, malgré un démarrage poussif. Les coûts se sont toutefois vite avérés très élevés, avec notamment des commissions importantes versées au réseau de distribution d'Orange et des investissements élevés en informatique, sans être capable pour autant de générer des revenus suffisants.
Au total, Orange Bank aura accumulé près d'un milliard d'euros de pertes d'exploitation cumulées. La nouvelle patronne d'Orange, Christel Heydemann, nommée en avril 2022, a tout simplement dit stop. Le groupe Orange doit désormais proposer des solutions de reclassements aux quelque 600 salariés d'Orange Bank, notamment dans la ville d'Amiens où se trouve un important back office. Après quelques tensions, un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été récemment signé par les partenaires sociaux. Cet échec laissera toutefois des traces en interne, alors que l'opérateur est soumis par ailleurs à d'incessantes réorganisations depuis deux ans.
Pour Hello bank!, cette opération va marquer une nouvelle étape dans son développement et conforter, en France, sa position de challenger (loin) derrière BoursoBank, filiale de Société Générale. Cette dernière avait réussi à convaincre, selon des accords de référencement très similaires, environ les deux tiers des clients d'ING France, un fonds de commerce relativement proche en termes de profil. En appliquant cette même clé de répartition, Hello bank! peut espérer gagner environ 300.000 clients, mais cela ne sera pas forcément simple tant les univers de clientèles sont différents.
Pas de culture du chiffre
Hello bank! se garde bien de donner des objectifs précis de « transformation ». La banque écarte même « toute culture du chiffre ». Reste que le volume permet d'amortir les coûts fixes, mais surtout donne une crédibilité à la banque en ligne. A date, Hello bank! revendique 830.000 clients à la fin 2023, tandis que BoursoBank vient de franchir le seuil des 5 millions de clients.
Un autre dossier est actuellement sur la table, celui de Ma French Banque (750.000 clients), la banque en ligne que La Banque Postale souhaite arrêter faute de pouvoir atteindre une rentabilité suffisante. En réalité, les pertes s'accumulent et aucune synergie n'a été trouvée entre la banque en ligne et La Banque Postale. Déjà rodé sur une approche de reprise de fonds de commerce, avec un parcours tout frais, BNP Paribas regarde avec intérêt le dossier.
En tout en état de cause, cette opération permet à Hello bank! de recoller un peu au peloton de tête des BoursoBank et autres N26, voire Revolut. Crédit Agricole a également fait le choix de relancer sa banque en ligne BforBank, sur une nouvelle plateforme informatique. Outre l'effet de taille, Hello bank! peut compter sur les ventes croisées avec un catalogue très large de produits pour doper son revenu et sa rentabilité.
Une grande banque en ligne dégage environ 30 euros de produit net bancaire par compte, ce qui reste faible. Car Hello bank!, contrairement à ses principaux concurrents, a été conçu dès le départ comme une plateforme de distribution de produits et services de BNP Paribas.
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