Avec la migration de son informatique, Orange Bank acte l'échec d'une stratégie

Le rachat de Groupama Banque devait donner à Orange Bank les moyens informatiques de son indépendance. Un choix qui s’avéra plutôt un fardeau. Après un lancement réussi en Espagne en partenariat avec la plateforme de services bancaires Mambu, Orange Bank en France compte également migrer son informatique sur cette même plateforme SaaS. Un choix radical qui doit permettre de meilleures synergies entre les marchés espagnol et français, mais aussi de faciliter la cession d’Orange Bank sur ce périmètre européen.
Orange Bank affiche une perte d'exploitation de 200 millions d'euros en 2022 pour un produit net bancaire de 115 millions.
Orange Bank affiche une perte d'exploitation de 200 millions d'euros en 2022 pour un produit net bancaire de 115 millions. (Crédits : GONZALO FUENTES)

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? C'est sans doute à cette question qu'Orange Bank vient de répondre. La filiale bancaire de l'opérateur télécom, présente en France, en Espagne et en Côte d'Ivoire, vient d'annoncer la migration de son informatique bancaire en France, héritée de Groupama Banque, vers la plateforme de Mambu, une fintech leader dans le SaaS (software as a service) bancaire dans le cloud.

« Cette décision s'inscrit dans la continuité de la réussite du lancement d'Orange Bank avec Mambu en Espagne en 2019 », indique le communiqué de la banque mobile. C'est le fameux projet « One Bank » qui vise à renforcer les synergies entre la France et l'Espagne. Et, accessoirement, à faciliter la vente d'Orange Bank, du moins dans son périmètre France et Espagne, engagée par la nouvelle directrice générale de l'opérateur télécom, Christel Heydemann, qui souhaite recentrer le groupe sur son cœur de métier.

Problème, cette vente s'annonce difficile, faute de candidats. Selon le quotidien Les Echos, il ne resterait qu'un seul candidat en lice, le fonds d'investissement américain Ceberus, qui a déjà piloté le rachat des activités de détail d'HSBC en France, via une de ses filiales, la Banque des Caraïbes (My Money Group).

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Échec d'une stratégie

Se délester du système informatique, au profit d'un partenariat avec une fintech, soulage donc clairement ce dossier de vente. La décision a cependant dû être difficile à prendre : elle acte en effet l'échec d'une stratégie. Lors de la décision de lancer une banque en 2016, Orange a fait le choix de l'acquisition d'une banque (Groupama Banque), certes pour la licence bancaire, mais aussi dans l'idée d'être indépendant et de pouvoir construire une offre qui se voulait innovante. C'était un choix audacieux, alors que la plupart des nouvelles banques mobiles avaient fait le choix inverse de sous-traiter les infrastructures, notamment auprès d'acteurs comme Mambu, pour se concentrer sur l'expérience client.

Made with Flourish

Orange comptait ainsi aller plus vite, c'est finalement l'inverse qui se passa. Le lancement national a eu lieu en novembre 2017 avec presque un an de retard sur le calendrier initial. Les équipes ont notamment rencontré des problèmes avec l'informatique, qui n'était pas vraiment adaptée à une offre de banque sur mobile. Du coup, Orange Bank s'est résolu à être moins innovant que prévu alors que des concurrents comme N26 ou Revolut, partis plus tôt, avaient déjà conquis plus de 100.000 clients en France en quelques mois.

Une conquête poussive

De nombreux couacs au démarrage, notamment dans la mise en relation, et des prix pas si attractifs, ont déçu et finalement rassuré les banques, qui avaient vu d'un très mauvais œil l'initiative d'Orange. La promesse d'« une banque comme vous l'imaginez »  n'a pas été tenue. L'offre est apparue relativement standard et le développement commercial a été dès lors poussif. Un handicap réel sur un marché où la croissance accélérée est la partie la plus sensible de l'équation pour atteindre une taille critique.

Fin 2020, après trois années et demie d'existence, la banque en ligne communique sur 1,5 million de clients, valorisés à l'époque dans l'univers des néobanques autour de 500 euros par client. Mais des doutes sont immédiatement apparus sur la qualité de ce portefeuille, d'autant qu'Orange Bank a commencé à mélanger les détenteurs de comptes bancaires, les souscripteurs d'assurance pour mobile ou les acheteurs de mobiles à crédit (Espagne), sans parler des 350.000 clients ivoiriens.

Fin 2022, Orange Bank revendique 2 millions de clients en France et en Espagne, pour 800 millions d'euros de dépôts et un milliard d'euros d'épargne sur livrets, selon les comptes consolidés du groupe. La banque N26, qui a sans doute bénéficié de ressources équivalentes, revendique 2,5 millions de clients en France (à fin octobre 2022) et près de 8 millions en Europe, pour 6,1 milliards de dépôts (fin 2021).

Lire aussiOrange cherche un nouveau partenaire pour Orange Bank

Disruption manquée

Finalement, Orange Bank n'aura pas été « le disrupteur » espéré du secteur bancaire français. Les mauvaises langues disent même qu'elle était déjà dépassée dès son lancement. La crise sanitaire, qui a permis l'explosion du mobile, lui a paradoxalement porté un rude coup, car Orange avait fait le choix de privilégier les souscriptions dans les boutiques Orange. En attendant, elle accumule les pertes depuis son lancement, plus de 900 millions d'euros ces 5 cinq dernières années. Son partenaire Groupama a jeté l'éponge et a préféré quitter le navire en 2021.

Aujourd'hui, Orange a bien compris que lancer une banque est toujours un pari difficile. Le groupe a su néanmoins le remporter en Afrique avec Orange Money, car il a apporté une vraie valeur ajoutée dans le transfert d'argent, dans des pays peu bancarisés. Mais le défi a été plus compliqué sur la banque en France, car Orange Bank n'a su finalement ni être une start-up innovante, ni être une banque compétitive sur les prix ou le service.

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