À quel jeu se prêtent donc les banques ? La publication de l'Observatoire des tarifs bancaires (OTB) du Comité consultatif des services financiers (CCSF) est devenue un rendez-vous incontournable pour les associations de consommateurs (qui publient par ailleurs leurs propres baromètres) et les pouvoirs publics pour suivre les évolutions des prix des principaux services bancaires dans une centaine d'établissements. Historiquement, l'Observatoire pointe les changements de tarifs au 5 janvier dans un premier rapport, publié en février, puis édite un deuxième rapport en septembre, plus étoffé, sur la base de ces mêmes tarifs, mais pondérés en fonction de la taille de l'établissement.
Cette belle mécanique bien huilée est cependant en train de dérailler. Comme le souligne l'OTB dans son rapport 2024, seulement 60 établissements bancaires sur les 100 du panel ont publié cette année leurs nouveaux tarifs au 1er janvier. En creux, ce sont donc 40 établissements qui, pour une raison ou une autre, ont décidé de publier leurs nouveaux tarifs en février ou mars, c'est-à-dire après le pointage de l'OTB. Ainsi, Crédit Mutuel Alliance Fédérale a reporté ses nouveaux tarifs au 1er mars, et Société Générale publie ses nouveaux barèmes le 1er février. Une banque populaire a même eu l'idée de publier ses nouveaux tarifs... le 12 janvier !
Un biais qui amoindrit la hausse
Ce n'est pas neutre. Surtout lorsque les tarifs ont plutôt tendance à augmenter plus fortement, après deux années de « modération ». Car, mécaniquement, l'OTB ne peut que constater chez 40 établissements, essentiellement des établissements mutualistes, des tarifs inchangés. Résultat : cela affaiblit la hausse réelle des tarifs. Ainsi, la hausse de 3 % des frais de tenue de compte relevée dans le dernier rapport de l'OTB est sans doute en réalité plus importante, sans compter l'effet de la pondération à venir dans le prochain rapport de septembre.
Le CCSF a bien conscience de ce biais, qui ne cesse de grandir année après année. C'est pourquoi il a décidé, à compter de cette année, de prendre en compte désormais les tarifs en vigueur au 1er avril, autant pour le premier rapport (l'année prochaine) que pour le rapport de septembre en données pondérées. En espérant bien sûr que certains établissements n'aient pas la soudaine idée de réviser les tarifs au 1er juillet pour échapper à la vigilance de l'OTB.
Ce jeu du chat et de la souris a donc permis aux banques d'afficher cette année « une hausse maitrisée des tarifs », selon le communiqué de l'OTB. « L'étude OTB 2024 met en exergue la hausse inférieure et modérée au regard de l'inflation de la grande majorité des principaux tarifs bancaires, dans la continuité d'une année 2023 déjà marquée par leur stabilité remarquable face à la forte inflation », se félicite ainsi la Fédération bancaire française (FBF).
Le coût moyen annuel des frais de tenue de compte augmente le plus
En résumé, l'OTB relève trois principaux points. Tout d'abord, une large majorité des tarifs bancaires repartent à la hausse, mais ces hausses restent inférieures à l'inflation. Il y a donc clairement un effet « rattrapage » après la modération en 2023 et 2022.
Ensuite, le coût moyen annuel des frais de tenue de compte est l'un des postes qui augmente le plus (+3%), à 21,22 euros par an en moyenne, après avoir baissé en 2023. Certains grands réseaux, ceux dont les frais de tenue de compte étaient relativement faibles, affichent même des hausses spectaculaires, de l'ordre de 20 %. C'est le cas de La Banque Postale.
Priorité aux cartes à débit différé
Enfin, dernier fait notable, 76 des établissements du panel proposent désormais des cartes de paiement à débit immédiat au même tarif que les cartes de paiement à débit différé, en principe plus chères compte tenu de l'avance de trésorerie. Il y a même 18 établissements qui proposent des cartes à débit immédiat plus chères que les cartes à débit différé. Le monde à l'envers.
Cette tendance, qui avait déjà été relevée l'an dernier, a cependant une explication toute logique : les banques touchent en effet une commission d'interchange plus élevée sur les cartes à débit différé. Tant pis si le débit différé peut contribuer au surendettement, à l'instar du paiement fractionné.
Ce sont donc des résultats en demi-teinte que montre cette nouvelle édition de l'OTB. Les banques, qui ont beaucoup perdu sur leur marge d'intermédiation en 2022 et au premier semestre 2023, tentent manifestement de se refaire sur les commissions de services. Il faut également s'attendre, contrairement aux dernières années, à des surprises lorsque les calculs seront effectués en moyenne pondérée. Et encore, l'OTB ne se penche que sur les tarifs pour la clientèle des particuliers. Les tarifs bancaires pour la clientèle des professionnels et des entreprises explosent à l'abri des regards.
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