Climat : les banques s'engagent, les ONG demandent plus

A l’occasion de la journée de la finance climat organisée à Bercy, les institutions financières publiques et privées ont rivalisé d’annonces en faveur de la transition énergétique. Le ministre Nicolas Hulot et Les Amis de la Terre les poussent à faire encore plus.
Delphine Cuny
Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique et solidaire s'est interrogé : "la finance au chevet de la planète ? faut-il s'en inquiéter ou s'en réjouir ?" en ouverture de la journée de la finance climat.

« La finance au chevet de la planète ? Faut-il s'en inquiéter ou s'en réjouir ? », s'est interrogé Nicolas Hulot, la moue un peu sceptique. « Dans cette semaine positive, je choisis de m'en réjouir car je perçois une grande sincérité. Nous devons réussir à enfin concilier économie et écologie » a déclaré le ministre de la Transition écologique et solidaire en ouvrant ce lundi le Climate Finance Day à Bercy. Cette troisième édition de la journée de la finance climat, qui aura désormais lieu chaque année à Paris, a été l'occasion pour les institutions financières publiques et privées de rivaliser d'annonces et d'engagements en faveur de l'environnement.

L'Etat actionnaire lui-même, avec la Caisse des Dépôts, sa filiale la Banque publique d'investissement (Bpifrance) l'Agence française de développement (AFD), le fonds de réserve pour les retraites (FRR) et l'Etablissement de retraite additionnelle de la Fonction publique (Erafp), ont signé conjointement une « charte des investisseurs publics en faveur du climat », s'engageant à prendre en compte les enjeux climatiques dans leur décision d'investissement, à financer la transition vers une économie bas carbone et à recourir à « des instruments financiers innovants tels que les obligations vertes. » L'AFD a déjà émis des « green bonds. »

Lire aussi : Qu'est-ce qu'un green bond ?

La CDC en particulier est attaquée par l'ONG 350.org qui l'accuse dans un rapport publié lundi de mener des investissements "climaticides" (soutien aux énergies fossiles notamment dans Anglo American, TechnipFMC).

Natixis félicitée, la Soc Gen critiquée

Du côté du privé, BNP Paribas, qui avait anticipé dès octobre en excluant tout financement dans les gaz et pétroles de schiste, a annoncé de nouvelles initiatives, dont le lancement d'un fonds d'épargne vert pour financer la transition énergétique des PME/ETI et un prêt à 1% pour l'achat d'un véhicule neuf éligible au bonus écologique.

Surtout, Natixis a dégainé ce lundi de nouveaux engagements : deux ans après avoir cessé le financement du charbon, la filiale de BPCE (Banques Populaires Caisses d'Epargne) indique qu'elle ne financera plus les projets d'exploration, de production, de transport ou de stockage de pétrole issu des sables bitumineux, dans le monde entier, ni aucune entreprise dont l'activité repose principalement sur l'exploitation du pétrole issu des sables bitumineux. Natixis s'est aussi engagée à ne plus financer l'exploration ni la production de pétrole en Arctique (comme les autres grandes banques françaises). Sa filiale d'assurances s'associe par ailleurs aux initiatives en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique annoncées par la Fédération française des assurances.

Ces annonces ont été bien accueillies par l'association les Amis de la Terre pour qui Natixis « va plus loin » que Crédit Agricole (dont elle a qualifié les mesures de mercredi dernier de «cosmétiques ») et Société Générale vendredi. L'ONG, qui s'était invitée aux assemblées générales des banques en mai dernier, relève cependant des incertitudes sur les critères d'exclusion de Natixis, en particulier si les trois entreprises construisant de nouveaux grands pipelines (TransCanada pour Keystone XL, Enbridge pour Line 3 et Kinder Morgan pour TransMountain). Elle souligne aussi que si les projets en Arctique sont exclus, pas les entreprises qui y opèrent des forages, comme la norvégienne Statoil.

Lire aussi : Le climat s'invite aux assemblées d'actionnaires de BNP et Société Générale

En revanche, la Société Générale est désormais la cible des attaques de l'ONG. Des militants déguisés en escargots rouges et noirs, aux couleurs de la banque de La Défense, ont défilé devant l'entrée du ministère de l'Economie et des Finances, juste avant le début du Climate Finance Day et distribué des tracts dénonçant "Société Générale à la traîne - Stop Rio Grande LNG", du nom d'un projet de terminal d'exportation de gaz de schiste, au Texas.

Climat Amis de la terre Société Générale

[Happening lundi devant l'entrée du ministère de l'Economie et des Finances. Crédits : Les Amis de la Terre]

Les Amis de la Terre lui reproche d'être « l'un des plus gros financeurs du GNL »  - le gaz naturel liquéfié -  avec plus de 2,4 milliards de dollars de financements « aux entreprises les plus agressives du secteur en Amérique du Nord entre 2014 et 2016 », selon le rapport "Banking on Climate Change" 2017 du groupe d'ONG BankTrack, Rainforest Action Network, Sierra Club et Oil Change International. Un groupe de 85 ONG internationales a écrit début novembre au directeur général de la banque pour qu'il sorte de ce projet, comme l'a fait Sumitomo Mitsui Financial Group et BNP Paribas sur un projet similaire.

Le charbon et "l'effet Kodak"

Si les Amis de la Terre cite en exemple BNP Paribas, qui arrive en tête en Europe pour ses engagements climatiques selon le du classement publié récemment par l'association ShareAction, les banques françaises dans leur ensemble ne seraient pas des élèves si modèles dans le financement du charbon, selon le bilan dressé par BankTrack :

« Les banques françaises figurent dans les 40ème-50ème au classement général, mais elles jouent un rôle plus important et sont dans le top 20 pour ce qui concerne les prêts, Société Générale étant même dans le top 10 avec 2,2 milliards de dollars », a souligné Yann Louvel, coordinateur de la campagne climat-énergie de BankTrack.

Si les financements des banques françaises ont semble-t-il augmenté en 2016 par rapport à 2015 (de 135%), BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont mis un terme définitif à leurs financements directs aux projets de centrales à charbon depuis la fin 2016, reconnaît les Amis de la Terre. La tendance devrait s'inscrire nettement en baisse.

Le ministre Nicolas Hulot a lui-même mis en garde les acteurs de la finance contre « l'effet Kodak » c'est-à-dire « la fin d'un modèle remplacé par la technologie » :

« L'énergie fossile, notamment le charbon, sera très rapidement remplacé par les renouvelables » a-t-il prédit.

Delphine Cuny

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Commentaire 1
à écrit le 12/12/2017 à 11:15
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bilan Hulot ? des résultats au singulier.... d une équipe de donneur de leçon

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