Comment Groupama limite ses pertes

L'assureur vert a commencé à redresser la barre : le résultat net de Groupama SA est passé de - 1.8 milliard d'euros fin 2011 à - 91 millions d'euros au premier semestre, en grande partie dû à une désensibilisation de son bilan aux risques financiers.
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Cette fois-ci, pas d?aide de la Caisse des Dépôts pour gonfler les résultats. La CDC avait en effet souscrit pour 300 millions d?euros à une émission d?actions de préférence de Gan Eurocourtage, filiale de Groupama, en mars 2012. Une somme qui avait été intégrée aux comptes 2011 de l?assureur. Et que ce dernier devra d?ailleurs rembourser dans sa totalité d?ici la fin de l?année, après que la cession de Gan Eurocourtage sera finalisée.

Sans ce coup de pouce au premier semestre 2012, Groupama SA a néanmoins commencé à redresser la barre. Il affiche ainsi un résultat net certes négatif (-91 millions d?euros), mais bien moindre par rapport au 1.8 milliard d?euros de pertes en 2011. Son chiffre d?affaires s?élève lui à 6.5 milliards d?euros, contre 8.4 milliards d?euros en fin d?année dernière.

Le risque grec expurgé

"Nos résultats semestriels témoignent de l?importance du travail accompli en l?espace de quelques mois, ce qui se traduit par un redressement sensible du résultat, proche de l?équilibre. Comme le groupe l?avait annoncé, les efforts ont porté tout à la fois sur les cessions d?actifs industriels, la réduction des risques d?actifs financiers et la baisse des coûts", commente Christian Collin, directeur général délégué dans un communiqué.

Pourtant, ces "cessions d?actifs industriels" ne sont pas encore comptabilisées, puisqu?elles sont toujours en attente du feu vert des autorités. Pas plus que ne le sont les réductions de coûts liés à la masse salariale, les plans de départs devant être bouclés en fin d?année.

1,6 milliards d'euros d'actions vendues

Comment Groupama a-t-il alors trouvé près de 2 milliards pour remonter la pente en l?espace de six mois ?  L?assureur a d?abord totalement expurgé ses comptes du risque grec. Une exposition à la dette souveraine grecque qui avait généré 1.5 milliard d?euros de pertes l?an dernier.

La baisse des marchés actions avait quant à elle engendré 932 millions d?euros de pertes en 2011. Au premier semestre, un grand nettoyage a eu lieu : les 777 878 actions du groupe Bolloré que détenait Groupama ont été cédées au début du mois d?avril. Et au total, l?assureur s?est séparé pour 1.6 milliard d?euros d?actions au premier semestre, portant sa part d?actions en portefeuille à 9.9%, contre 12.8% fin 2011.

De plus, le contexte actuel de taux d?intérêt bas valorise les obligations déjà en portefeuille, ce qui a  pu permettre de générer des plus-values. L?assureur est passé de plus-values latentes brutes négatives de 1.4 milliard d?euros fin 2011, à 155 millions d?euros de plus-values latentes brutes positives à fin juin.

L'assureur vise 120% de marge de solvabilité fin 2012

La marge de solvabilité ressort à 113% fin juin, contre 107% en 2011, et après 130% en 2010. L?assureur estime pouvoir atteindre 120% en fin d'année, après remboursement des 300 millions d'euros à la Caisse des dépôts. Il vise140% environ d?ici 2014. Enfin, les fonds propres augmentent, atteignant 3.4 milliards d?euros contre 2.9 milliards d?euros en 2011 sur le périmètre Groupama SA.

Des effets positifs dans les comptes au deuxième semestre

De nombreuses actions restent encore à mener pour que l?assureur vert recouvre la santé sur le long terme. Les comptes annuels 2012 pourraient encore s?améliorer puisqu'ils intègreront les cessions d?activités et les effets des plans de départs de salariés.

Les processus de cession des portefeuilles de Gan Eurocourtage à Allianz et Helvetia, de Groupama Seguros (filiale espagnole) à Grupo Catalana Occidente, et de Proama (filiale polonaise) à Generali, doivent être effectivement réalisées au quatrième trimestre 2012.  La cession de son activité de courtage au Royaume-Uni, Groupama Insurances, est toujours en cours, tout comme le projet de cession de Groupama Private Equity.

Le plan de départs de Groupama SA (171 postes) et celui de Gan Assurances (environ 200 postes) devraient également être intégrés aux comptes annuels 2012.  Sachant que l?assureur a prévu une réduction de 10% des frais généraux de Groupama SA dès cette année, et une baisse de 10% des frais généraux de ses filiales d?ici 2013. Objectif : réaliser 400 millions d?euros d?économies d?ici à 2014.

L?assurance vie, colosse aux pieds d?argiles

Mais le remboursement des 300 millions d?euros à la CDC devra aussi être pris en compte, et l?incertitude demeure sur les résultats opérationnels à venir pour son activité d?assurance vie, tout comme sur l?évolution du contexte financier.

Comme d?autres acteurs du marché, Groupama est particulièrement exposé à la dette souveraine des pays d?Europe du Sud. Fin 2011, l?assureur est exposé à la dette italienne à hauteur de 7.7 milliards d?euros (exprimés en prix de revient brut), à l?Espagne pour 2.9 milliards d?euros, au Portugal pour 1.1 milliard d?euros.

Quant à l?activité d?assurance vie, elle reste fragile, d?autant plus dans le contexte chahuté que connaît actuellement ce produit. Représentant près de la moitié du chiffre d?affaires du groupe en France (4.2 milliards d?euros sur 9.3 milliards d?euros), Groupama Gan Vie a été renfloué par deux fois : à hauteur de 260 millions d?euros mi-avril via des plus-values immobilières et des cessions d?actions, et pour 500 millions d?euros fin 2011, levés auprès des caisses régionales.

3 milliards d?euros de "goodwills"

Et si les cessions d?activité permettront de dégager du "cash" à court terme, à combien le manque à gagner se chiffrera-t-il pour les années à venir ? Gan Eurocourtage était considéré comme la "pépite" du groupe : son résultat net était négatif de 60 millions d?euros en 2011, mais affichait la plus faible baisse (? 1.5 milliard d?euros pour l?activité d?assurance vie par exemple), et son chiffre d?affaires s?élevait à 1.2 milliard d?euros.

Restent aussi d?importants "goodwills" (ou écarts d?acquisition), qui dorment dans les comptes. Ils s?établissent à 3 milliards d?euros fin 2011, tandis que seuls 90 millions d?euros avaient été dépréciés, pour les filiales grecque et roumaine. "Le vrai problème, c?est qu?il reste encore un montant significatif de survaleurs dans les comptes, liées aux activités à l?international, et un certain nombre de foyers de pertes opérationnelles. Et le problème de cessions supplémentaires à l?international, c?est qu?à chaque fois, Groupama va concrétiser des survaleurs", estimait Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts & Figures en mars dernier. L'assureur a cependant passé dans ses comptes au premier semestre 2012, 204 millions d'euros au titre des écarts d'acquisitions liées aux actifs en cours de vente.

La prudence est donc de mise. Groupama a d?ailleurs été dégradé le 25 juin en catégorie spéculative par l?agence S&P : sa note est passée de BBB- à BB, et reste sous surveillance négative. L?agence de notation considère que les actions engagées par l?assureur, "bien que positives, sont peu susceptibles de restaurer les fonds propres de Groupama à des niveaux compatibles avec une notation de catégorie 'investment grade' au cours de la prochaine année".

 

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