Cryptomonnaies : 2021, année de la consécration pour Bitcoin ?

RÉTROSPECTIVE 2021. La première cryptomonnaie a franchi plusieurs caps ces douze derniers mois. Si l'actif numérique échangé sur la blockchain a encore donné quelques sueurs froides en 2021 à ses investisseurs, les montagnes russes se sont aussi assagies. Au pied de la falaise de la régulation de ces nouvelles monnaies, le bitcoin a connu une forme de consécration en pleine reprise post-Covid. Sa promesse de décentralisation risque encore de se renforcer avec le rêve d'un nouvel Internet "3.0". Face à cela, la réponse des banques centrales et des États, qui possèdent le contrôle des monnaies, va s'intensifier.
Jeanne Dussueil
Il n'y a jamais de certitude en ce qui concerne la crypto, et encore moins la régulation. Mais une chose est certaine, les voix qui appellent à plus de régulation des cryptomonnaies vont être de plus en plus fortes.
"Il n'y a jamais de certitude en ce qui concerne la crypto, et encore moins la régulation. Mais une chose est certaine, les voix qui appellent à plus de régulation des cryptomonnaies vont être de plus en plus fortes." (Crédits : Reuters)

Deux soeurs jumelles. En 2021, les courbes du cours de la plus ancienne des cryptomonnaies ressemblent, d'après le site spécialisé Bitstamp, à un écho dont la petite musique commence à s'inscrire dans le brouhaha ambiant de la spéculation. En prélude, il y eut d'abord le pic de la mi-avril, à plus de 64.800 dollars le jeton frappé du B majuscule, barré comme le dollar, emblème d'une technologie décentralisatrice qui promet l'émancipation de tout pouvoir central. Le bitcoin, cet actif numérique créé au lendemain de la crise financière de 2008, connait sa plus forte croissance, à +450% sur un an. Puis, sept mois plus tard, en novembre, bis repetita. Une courbe jumelle à la précédente nargue ainsi à nouveau le monde de la finance traditionnelle, à près de 70.000 dollars l'unité.

Si, en 2021, le bitcoin ne parvient pas encore à se débarrasser totalement de sa réputation d'actif volatil, force est de constater que depuis sa création par le mystérieux Satoshi Nakamoto, la courbe, - depuis décembre 2020 - n'est plus jamais descendue en-dessous du pallier des 30.000 dollars. Désormais, les scénarios de bulles spectaculaires, comme celle de 2019 (passant en seulement quelques mois de 20.000 dollars à un peu plus de 3.000 dollars), semblent se dissiper.

Mieux, celui que certains comparent régulièrement à l'once d'or à l'ère des échanges dématérialisés, s'impose comme valeur refuge en pleine crise du Covid-19. Arme de protection contre l'inflation galopante portée par l'afflux de liquidités des banques centrales, il entraine avec lui son challenger, l'Ethereum, sans compter la valeur montante, le Solana, et la kyrielle des 12.000 autres cryptomonnaies, recensées par le site CoinGecko. Tandis que la capitalisation du bitcoin a atteint plus d'un trillion de dollars pendant l'année, celle de l'ensemble du marché oscille entre 2.500 et 3.000 milliards de dollars.

Ainsi, à la fin du premier semestre 2021, 221 millions de personnes dans le monde détenaient des cryptomonnaies, un nombre plus que doublé par rapport à janvier (106 millions), selon une étude de la Bourse spécialisée crypto.com. Résultat, c'est la ruée sur les plateformes d'échanges de cryptomonnaies dont les valorisations (cotées pour certaines sur les indices traditionnels) s'envolent.

L'actif, qui récompense - via la technologie de la blockchain - celui qui en fait sa production informatique grâce au "minage", bénéficie aussi d'effets techniques liés à sa rareté (seuls 21 millions de bitcoin pourront être émis par les ordinateurs en réseau.)

Musk-l'ambassadeur, personnalité de l'année selon "Time" magazine

En 2021, tandis que les regards confinés sont rivés sur les écrans des cours des bourses, le bitcoin et les cryptomonnaies sont sur toutes les lèvres. Et pas n'importe lesquelles. L'homme le plus riche du monde, Elon Musk, à la tête d'une fortune estimée par Forbes à plus de 260 milliards de dollars, assure régulièrement les campagnes de communication sur Twitter de ces nouveaux actifs qui s'échangent de pair à pair. « J'imagine que l'objectif fondamental des cryptomonnaies est de réduire le pouvoir des gouvernements centralisés, et ils n'aiment pas ça », a plaisanté en septembre le chef d'entreprise au sujet de la Chine. Ce n'est pas non plus un hasard si, à 50 ans, le patron de Tesla et de Space X, a été nommé personnalité de l'année par le magazine américain Time.

De même, Jack Dorsey a quitté la direction de Twitter pour se focaliser sur sa société de paiement numérique, Square, qu'il a renommé Block, et où il compte développer ses activités liées aux cryptomonnaies.

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Le bitcoin est encore aussi à l'origine d'affaires de fraudes gigantesques, soit à cause d'entrepreneurs peu scrupuleux à l'image du record de l'année en Afrique du Sud, soit pour demander une rançon (finalement retracée sur la blockchain), comme lors du piratage des serveurs du pétrolier Colonial Pipeline aux Etats-Unis.

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Le contrôle de la monnaie plus pressant

Encore récemment décrit comme l'actif des criminels et des terroristes par les gouvernements, face à sa popularité croissante, Bitcoin et les autres menacent de plus directement la souveraineté monétaire des États. Et de poser même davantage la question en 2021 : à qui revient le pouvoir de battre monnaie, quand les géants de la Tech lorgnent - eux aussi - l'immense marché des échanges décentralisés dans le futur "Web 3.0" ?

Une question à laquelle certains États répondent en ne laissant aucune ambiguïté : aucun, excepté l'État. A quelques semaines d'écart, la Chine, l'ancien Eldorado pour le minage, et l'Inde, dont la jeunesse raffole de ces nouveaux actifs, ferment toutes les vannes en interdisant les transactions.

A l'inverse, le petit Etat du Salvador fait, lui, le pari du bitcoin pour augmenter le taux de bancarisation de sa population et faciliter les transferts d'argent avec sa diaspora en Amérique du Nord. D'ailleurs, à Miami ou à New York, les hommes d'affaires ont fait du bitcoin un enjeu d'attractivité des investissements et des nouveaux talents. La "Big Apple" veut bâtir une nouvelle filière.

L'adoubement des acteurs de la finance

Résultat, entre les cols blancs de Wall Street et les premiers "geeks" du bitcoin devenus des entrepreneurs de la finance décentralisée ou "DeFi", la greffe a commencé à prendre.

L'intérêt de grands noms des nouvelles technologies et de la finance, qui se tenaient jusqu'alors éloignés de cette technologie, est grandissant. Goldman Sachs, le géant BlackRock, la banque d'affaires Morgan Stanley qui a indiqué en mars qu'elle allait permettre à ses clients les plus riches d'investir dans des fonds en bitcoin... Wells Fargo, Citigroup et Bank of America ont tous indiqué fin mai être en train de se pencher sur la question.

Désormais, à Wall Street, des fonds indiciels peuvent s'adosser au cours du bitcoin.

"Nous nous attendons à ce que l'adoption des actifs numériques par les investisseurs institutionnels et leur intégration dans le système financier traditionnel poussent encore le marché des cryptos l'année prochaine", affirme à l'AFP Loukas Lagoudis, du fonds d'investissement en cryptomonnaies ARK36.

Le risque de la régulation en 2022

2021 n'aura toutefois pas réglé la question de la régulation du bitcoin et des cryptomonnaies. Tandis que le marché croît surtout aux États-Unis, les régulateurs préfèrent temporiser, offrant ainsi encore quelques coups d'avance à une technologie sur-consommatrice d'électricité et dont le protocole informatique est encore constamment mis à jour. Pour l'heure, les mines de bitcoin consommeraient environ 114 TWh (terrawatt-heure) sur une base annualisée, soit 0,5% de la production d'électricité mondiale, ou un peu plus que la consommation des Pays-Bas, selon une étude du Cambridge bitcoin electricity consumption index (CBECI) publiée en 2021.

"La réticence du bitcoin à changer son modèle est, selon nous, une des caractéristiques qui la rend stable et cohérente, ce qui est nécessaire pour une réelle monnaie mondiale", observe Frank Downing, analyste chez ARK.

Ce projet de monnaie mondiale affranchie de tout contrôle n'est pas du goût des banques centrales dont l'urgence est désormais de proposer une alternative au bitcoin et à ses concurrents. Depuis l'accélération des géants du Web et les premiers travaux de Facebook dès 2018 sur le Libra (devenu le Diem),  les banques centrales cherchent à concrétiser leurs "CBDC" (Central Bank Digital Currencies). Ainsi, jeudi 16 décembre, la Banque de France annonce avoir conclu "avec succès" ses neuf expérimentations relatives à une monnaie numérique de banque centrale dans le cadre d'échanges interbancaires.

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2022 verra donc à nouveau le risque d'une action du régulateur. En France, année d'élection présidentielle, le lobbying pro-bitcoin s'active. Parmi les candidats à la présidentielle, certains se renseignent d'ailleurs sur le sujet.

"Il n'y a jamais de certitude en ce qui concerne la crypto, et encore moins la régulation. Mais une chose est certaine, les voix qui appellent à plus de régulation des cryptomonnaies vont être de plus en plus fortes", conclut Huong Hauduc, de la plateforme d'échange Bequant et cité par l'AFP.

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Jeanne Dussueil

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Commentaires 4
à écrit le 03/01/2022 à 10:21
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Belle mise en perspective de l'état des lieux de l'univers crypto, avec la prise de recul indispensable à ce type de sujet.

à écrit le 31/12/2021 à 18:40
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grace aux politiques des banques centrales qui decouvrent la fuite devant la monnaie, des actifs qui valent 0 valent des milliards.... quitte a etre rince, autant avoir une chance d'avoir le ticket gagnant......quand le chateau de cartes va s'ecroule...

à écrit le 31/12/2021 à 18:01
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les cryptomonnaies vont se révéler comme un rempart face aux monnaies classiques en raison de leur attrait pour un meilleur pouvoir d'achat

à écrit le 31/12/2021 à 14:49
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Le problème de ces "monnaies" c'est qu'elles doivent être comparé a une autre monnaie bien réelle pour avoir une certaine valeur!

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