Cryptomonnaies : pourquoi la flambée du bitcoin est peut-être trop rapide

Le cours du bitcoin a franchi les 60.000 dollars pour la première fois depuis novembre 2021. Mais après quatre mois de hausse fulgurante, les premières inquiétudes commencent à voir le jour. Certains observateurs craignent en effet qu’une bulle ne commence à se former. Pour d'autres au contraire, l'envolée de la reine des cryptos n'en est qu'à son début, en raison d'un événement attendu depuis quatre ans, le « halving ». Explications.
Maxime Heuze
Le cours du bitcoin s'est envolé de 48% sur un mois.
Le cours du bitcoin s'est envolé de 48% sur un mois. (Crédits : Dado Ruvic)

« C'est parti très vite et très fort et on se demande si ce n'est pas trop vite ». Voilà la question qui taraude nombre de professionnels de l'écosystème crypto, des actifs numériques s'échangeant sur un réseau décentralisé appelé blockchain. Au centre de cette question, un cours du bitcoin à 63.000 dollars (58.000 euros) ce jeudi. La reine des crypto-actifs a, en effet, vu son cours s'envoler avec une rapidité délirante, prenant 48% sur un mois et même de 277% depuis le 1er janvier 2023. Un rallye qui lui permet d'atteindre une valorisation de 1.000 milliards de dollars -soit plus que Tesla- dans un marché crypto total pesant 2.000 milliards. Surtout, avec un cours qui a atteint pour la première fois depuis trois ans 60.000 dollars mercredi, la principale crypto a pratiquement atteint son record historique de novembre 2021 à 69.000 dollars.

 « Le rallye haussier a été très soutenu depuis octobre, justifié notamment par l'attrait pour les valeurs refuge après le début de la guerre au Moyen Orient et la détente des taux anticipée pour 2024 et qui doit redonner de l'intérêt aux actifs risqués », explique à La Tribune Alexandre Baradez, responsable de l'analyse de marché chez le courtier IG France.

Les ETF, l'étincelle qui a enflammé bitcoin

Un facteur particulier, survenu outre-Atlantique, a cependant fait office d'élément déclencheur à l'envolée des actifs numériques : l'autorisation des ETF (Exchange traded funds) bitcoin au comptant. Ces fonds répliquant le cours du crypto-actif permettent, depuis le 10 janvier à un grand nombre d'épargnants de s'y exposer simplement, via leur compte-titre ou leur fonds de pension. Une nouvelle porte d'entrée à ne pas négliger. « Les ETF offrent un cadre qui permet aux acteurs de la finance de développer beaucoup plus de produits d'épargne sur cet actif et donc de créer un choc de demande », rappelle à La Tribune Benjamin Ittah, en charge du développement produits pour l'Europe chez la société de gestion de crypto-actifs Hashdex.

Lire aussiETF bitcoin : « Nous avons atteint en un mois aux Etats-Unis ce que nous avons réalisé en cinq ans en Europe » (Marina Baudéan, 21Shares)

Une bombe dans l'écosystème qui s'est d'ailleurs déjà fait ressentir. Trois des onze ETF bitcoin (ceux de Blackrock, Fidelity et Bitwise) figuraient même parmi les dix ETF les plus échangés au début du mois de février, notait CFM Benchmark début février. Depuis, la folie autour de ces derniers ne s'est pas calmée, loin de là.

« Après moins de deux mois d'existence, les ETF détiennent 37 milliards de dollars en bitcoins, ce qui représente 3% des actifs en circulation, ce qui est très conséquent », note Justine Destobbeleire, consultante crypto chez Sia Partners.

Au final, « ces derniers ont eu un impact court terme beaucoup plus important que ce que l'on imaginait, ça a surpris tout le monde », reconnaît-elle.

Lire aussiETF bitcoin : les bourses de cryptos s'attendent à rafler la mise

Vers une respiration post-rallye ?

Mais si l'actualité autour des ETF justifiait la hausse du bitcoin jusqu'au début du mois de février selon Alexandre Baradez, « le rallye des quatre derniers jours de 50.000 à 54.000 dollars est dur à expliquer », confie ce dernier. Les autres actifs normalement corrélés aux cryptos ont en effet marqué une pause à l'image du Nasdaq qui représente les entreprises de la tech américaine et qui n'a augmenté « que » de 5% en février. « De plus, les taux obligataires ont remonté ces dernières semaines à cause de la crainte d'un report de la date de la baisse des taux directeurs cette année, qui devrait logiquement nuire aux actifs risqués comme le bitcoin », ajoute l'analyste d'IG.

Le carburant de la fusée numérique pourrait donc commencer à manquer à court terme. Ce qui pousse Alexandre Baradez à penser que le bitcoin pourrait marquer une pause prochainement pour atteindre son record de 69.000 dollars « vers le second semestre voire la fin 2024 ».

« Il y a un risque que des gens qui ont beaucoup gagné prennent leurs profits ce qui pourrait amener une phase de correction. D'autant que dans un marché euphorique, les hausses sont décuplées mais les baisses aussi », met aussi en garde Thibaut Boutrou, cofondateur du fournisseur de solutions d'investissement en crypto Meria.

Une inquiétude qui ne fait cependant pas l'unanimité puisqu'un événement particulier pourrait donner un second souffle à la reine des cryptomonnaies : « le halving »

Le « halving », nouveau moteur du cours du bitcoin

A compter du mois d'avril, le nombre de bitcoins produits et distribués aux mineurs pour chaque paquet de transactions validé sur le réseau sera divisé par deux. Fixée par le fondateur du bitcoin Satoshi Nakamoto lors de la création de cryptomonnaie en 2008, cette se règle se répète tous les quatre ans pour permettre d'atteindre lentement le seuil des 21 millions de bitcoins fixé lui par Satoshi Nakamoto, à partir duquel plus aucun nouvel actif ne sera produit. Avec environ 19 millions de bitcoins en circulation aujourd'hui ce seuil ne devrait pas être atteint avant 2140.

Par conséquent, quand le prochain « halving » aura lieu en avril prochain, les membres participant à la sécurisation du réseau (les mineurs) ne recevront plus que 3,125 bitcoins de récompense par paquet de transactions miné contre 6,25 aujourd'hui. Une baisse drastique de l'offre de nouveaux actifs qui devrait, au regard des hausses du cours du bitcoin observées lors des halving précédents, devrait une nouvelle fois provoquer de forts mouvements haussiers dans l'année qui suit la fin de la restriction.

Pour rappel, un an après le « halving » de novembre 2012, le cours du bitcoin s'était envolé de 6.000%, puis de 300% après celui de juillet 2016 et encore de 500% après le dernier en date, en mai 2020. Si aujourd'hui « le "halving" est déjà un peu intégré dans les cours, il devrait tout de même offrir un fort soutien au bitcoin dans les prochains mois », estime Dramane Maite, responsable produits aux Etats-Unis et en Europe chez Hashdex.

Avec ce vent porteur, « il est possible que le bitcoin atteigne un nouveau sommet historique (avec un prix supérieur à 69.000 dollars) dans les semaines à venir », avance Simon Peters, analyste de marchés au sein de la plateforme de trading de crypto-actifs eToro dans une note. A plus long terme l'institut de recherche économique Fundstrat anticipe un bitcoin à 100.000 ou 150.000 dollars dans les 12 prochains mois quand la banque britannique Standard Chartered l'attend à 200.000 dollars d'ici à 2025.

Mais si les avis divergent sur le futur, tous les observateurs sont sur d'une chose : « Nous entrons dans une phase très difficile à prédire, il faut être prudent car les investisseurs ne sont plus toujours rationnels », conclut Justine Destobbeleire.

Ethereum, prochaine fusée des crypto?

Un autre actif numérique commence aussi à concentrer tous les regards. L'ether (la cryptomonnaie de la blockchain Ethereum), petite soeur du bitcoin.

« Ethereum pourrait être un bis repetita de bitcoin », estime Dramane Meite. Les investisseurs anticipent notamment un effet rattrapage de la deuxième plus grosse cryptomonnaie qui a vu son cours flamber de 178% depuis janvier 2023, soit bien moins que bitcoin. Surtout, à 3.354 dollars, l'ether est encore bien loin de son plus haut historique de 4.878 dollars.

D'autant que des ETF au comptant pourraient bientôt voir le jour aux Etats-Unis ce qui, pour le responsable produit de Hashdex, « pourrait entraîner un rallye haussier » sur la cryptomonnaie valorisée 370 milliards de dollars.

Maxime Heuze

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 07/03/2024 à 5:45
Signaler
Au moins Bitcoin ne cache pas son jeu. Nos Fiat qui étaitent adossé à de l'or sont maintenant adossé à de la dette. Un quart de la masse des dollars a été imprimé depuis le covid, idem pour l'€. Et rien ne montre qu'ils vont laisser refroidir l'impri...

à écrit le 05/03/2024 à 8:05
Signaler
C'est un pur produit spéculatif, il est rassurant quand nous voyons par exemple comme le cours du pétrole lui est copieusement manipulé. S'il est aussi imprévisible c'est bien justement parce qu'il n'est pas manipulé, il sert à être acheté ou revendu...

à écrit le 29/02/2024 à 16:25
Signaler
Logique blackrock et goldman sachs a investi dedans. il n'y a rien de magique c'est juste de la spéculation !

à écrit le 29/02/2024 à 16:05
Signaler
...parce que bitcoin= piège à co(i)n😁

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.