Bourse : « Apple a le potentiel pour atteindre 4.000 milliards de dollars de valorisation dans les deux ans »

ENTRETIEN. Apple a dépassé ce week-end les 3.000 milliards de dollars de valorisation en bourse. Un chiffre qui témoigne, malgré un ralentissement sur la vente de produits, de la capacité de la firme à maintenir un succès continu. Derrière ce succès : une mutation vers la vente de services, particulièrement rentables. Explications avec Xiadong Bao, Co-gérant du fonds Edmond de Rothschild Fund Big Data chez Edmond de Rothschild Asset Management.
Derrière la valorisation à 3000 milliards de dollars en bourse, le succès des différents services proposés par Apple.
Derrière la valorisation à 3000 milliards de dollars en bourse, le succès des différents services proposés par Apple. (Crédits : Mike Segar)

Malgré des derniers résultats trimestriels décevants, Apple a dépassé pour la troisième fois de son histoire la barre symbolique des 3.000 milliards de valorisation en bourse, soit davantage que le PIB de la France. En étendant son offre, historiquement de produits, à la proposition de services, la multinationale semble avoir trouvé un terrain de jeu qui lui est favorable : le cours de la firme a d'ailleurs augmenté de 53% depuis le début d'année. Et si le contexte géopolitique, ainsi qu'une baisse de la demande sur les produits tech, restent de grands défis pour Apple, la dynamique s'annonce positive. Explications avec Xiadong Bao, co-gérant du fonds Edmond de Rothschild Big Data chez Edmond de Rothschild Asset Management.

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LA TRIBUNE - Comment expliquer que la valorisation d'Apple atteigne des sommets actuellement ?

XIADONG BAO - Il y a, je crois, plusieurs explications à cette valorisation. La première est le succès de l'extension de l'offre d'Apple aux services. Aujourd'hui, c'est assez rare de ne pas souscrire aux services de la firme : Apple Music, iCloud, Apple Pay. Pour ce qui est du stockage, les consommateurs préfèrent acheter un modèle d'iPhone à la capacité de stockage assez minime, quitte à souscrire pour 10-15 euros par mois au stockage iCloud, presque « infini ». La continuité des services entre eux est également un atout pour fidéliser l'utilisateur. Car la stratégie est bien de guider l'utilisateur à souscrire à ses services. Les packages de services comme Apple One, qui rassemble un abonnement mensuel à Apple Music, Apple TV, Apple Arcade, iCloud + et Apple Fitness +, en sont l'exemple. C'est toute la puissance de l'écosystème Apple.

L'offre de services est particulièrement rentable pour la firme. Ils ne représentent qu'à peine 10% des coûts de l'entreprise, mais les marges atteignent 60% à 70% pour les services, contre 40% pour les produits.

Apple, qui a toujours été perçu historiquement comme un fabricant de produits électroniques, est en pleine mutation : la firme évolue vers une offre hybride entre la vente de produits et la vente de services. Si l'entreprise tend à davantage évoluer vers l'offre de services, le multiple pourrait encore être décuplé.

Et ce malgré des résultats trimestriels un peu décevants par rapports aux standards habituels ?

Il y a en effet une baisse des ventes sur les produits phares en Chine notamment, qui n'est pas suffisamment compensée par les autres marchés majeurs comme l'Inde. Mais ce genre de décélération est inévitable quand il n'y a pas de lancement de produit, donc il faut le relativiser. De plus, le plus important est que les profits restent stables. Malgré le ralentissement de 5 à 6% sur les ventes de leurs produits phares (iPhone, Mac), les ventes de services rattrapent la relative faiblesse des produits grâce à leurs marges plus élevées.

Le contexte géopolitique (inflation, pénurie de composants informatiques liée à la pandémie) n'a donc pas tant impacté Apple ?

Si on peut trouver un champion des chaînes d'approvisionnement dans l'industrie, c'est bien Apple. Tim Cook y est pour beaucoup, du fait de son profil : avant d'être le patron, il était chef d'approvisionnement chez Apple. C'est grâce à lui que la firme a vraiment une position dominante sur la chaîne d'approvisionnement en Asie. Il ne faut pas oublier qu'Apple fait partie des premières entreprises à avoir essayé de réduire sa dépendance vis-à-vis de cette poignée de fournisseurs concentrés en grande majorité en Chine. Le Covid-19 a donc impacté la chaîne d'approvisionnement d'Apple, mais ses effets ont été moins importants pour Apple que pour les autres. Au contraire, Apple a été le bénéficiaire de la pandémie : les consommateurs ont préféré se tourner vers les produits Apple, car même s'ils sont très chers, au moins ils sont disponibles.

Mais le défi principal pour Apple reste géopolitique. La firme reste très dépendante de la Chine, non seulement du côté de la demande, mais également du côté des fournisseurs.

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Pourquoi Apple surperforme-t-il par rapport aux autres valeurs tech ?

J'ai évoqué la question de la chaîne d'approvisionnement, mais il ne faut pas oublier que l'exécution d'Apple est restée quasiment sans faille depuis sa création, malgré des décélérations. Apple reste un des titres favoris pour les investisseurs, ce qui témoigne de la qualité et de la solidité de la société. L'entreprise garde également une meilleure visibilité par rapport à ses concurrents, et surtout par rapport aux autres secteurs. Cela se constate dans la capacité d'engrangement (de génération de cash) chez Apple, qui s'élève tous les ans à peu près 100 milliards de dollars.

Quelles sont les perspectives futures pour la firme ?

Pour ce qui est de la vente de produits, Apple risque d'entrer dans une phase compliquée, car ses marges d'innovations techniques sont réduites. Mais le développement de l'Apple Silicon, le processeur produit par la firme pour ses appareils, est très intéressant. Si la firme reste encore timide quant au déploiement de ces processeurs pour le développement de l'intelligence artificielle, la perspective n'en demeure pas moins intrigante.

Par ailleurs, l'expansion de la gamme de services prendra encore du temps, donc Apple a besoin de maintenir une dynamique sur la vente de produits. Beaucoup voient le lancement de l'Apple Vision Pro (le casque de réalité virtuelle, Ndlr) comme une tentative désespérée de la firme de relancer un certain engouement. C'est une nouvelle catégorie de produit, mais au vu du prix, celle-ci visera un public d'entreprises et de développeurs, ce qui change par rapport à d'habitude. Pour moi c'est une initiative courageuse, mais il faudra attendre au moins 24 mois pour en voir les résultats. À court terme, la firme mise sur le lancement très anticipé de l'iPhone 15 en fin d'année. On pourrait avoir un effet saisonnier assez fort, qui répondrait aux attentes du marché. La saison de Noël pourrait propulser les ventes par unité et atteindre jusqu'à 220 millions cette année.

Selon la situation macroéconomique, Apple pourra atteindre les 4.000 milliards de valorisation en bourse d'ici 12 à 24 mois. L'entreprise reste toutefois très dépendante des contextes de consommation. La confrontation entre la Chine et les Etats-Unis est à surveiller, par exemple.

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Commentaires 2
à écrit le 05/07/2023 à 13:52
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Pur produit spéculatif, sans aucun rapport avec leur objet: produire des matériels. Par contre, grande réussite dans le marketing, puisqu'après les bobos paresseux acceptant de payer x fois ce que ça vaut, ceux ci ont passé la mode aux "peuple d'en b...

à écrit le 05/07/2023 à 7:34
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La valeur boursière ne veut pas dire grand chose vu l'aliénation des financiers et leur main mise sur les actions des entreprises, ce qui serait important par contre c'est de connaitre le trésor de guerre des différents multinationales et surtout de ...

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