Bourse : malgré Evergrande, pourquoi c'est le bon moment d'investir en Chine

ENTRETIEN. La Chine ne fait plus rêver les investisseurs. Les fonds d’actions mondiaux ont sensiblement réduit leur exposition à la Chine et à Hong Kong sur fond de répression réglementaire, notamment sur le secteur de la technologie. Et les difficultés croissantes du géant de l’immobilier Evergrande, qui pourrait être en défaut sur certaines souches de sa dette obligataire dès ce lundi, font craindre une faillite retentissante et des conséquences en cascade sur le marché de crédit et le secteur bancaire chinois. Pourtant, Michel Audeban, directeur général de Gemway Assets, une société de gestion spécialisée sur les émergents et la Chine en particulier, ne croit pas au scénario catastrophe et plaide à nouveau pour un retour sur les marchés chinois qui offre, selon lui, toujours de belles opportunités d’investissement. Il livre, au passage pour La Tribune, son analyse des récents évènements, notamment dans le domaine de la réglementation, et explique pourquoi le ciel est en train de se dégager en Chine.
L'agenda du président Xi Jinping, qui n'a jamais concentré autant de pouvoirs depuis Deng Xiaoping, n'est pas celui des marchés financiers.
L'agenda du président Xi Jinping, qui n'a jamais concentré autant de pouvoirs depuis Deng Xiaoping, n'est pas celui des marchés financiers. (Crédits : Carlos Garcia Rawlins)

LA TRIBUNE - Coup de pression réglementaire, montée du risque géopolitique, affirmation d'un certain nationalisme chinois, répression à Hong Kong.... Les investisseurs internationaux ont sensiblement réduit leur exposition sur la Chine ces derniers mois. Une éventuelle faillite du géant chinois de l'immobilier Evergrande sonnera-t-elle, selon vous, un sauve-qui-peut général ?

MICHEL AUDEBAN. Je ne crois ni à la faillite d'Evergrande, ni à un sauvetage public. Le souci de Pékin est d'éviter un risque systémique mais certainement pas d'intervenir dans les comptes de la société. Le scénario le plus probable serait une restructuration de la dette, avec un possible risque de défaut sur une partie d'entre elle. Les autorités seront néanmoins attentives pour garantir un traitement comparable aux investisseurs off shore en dollars et aux investisseurs on shore en yuans.

La Chine est très soucieuse de vendre de la dette chinoise sur les marchés internationaux et d'ériger le yuan comme monnaie de référence en Asie. Je note par ailleurs que le dossier Evergrande n'a pas, à ce stade, créé de tensions sur le marché de dette, excepté sur le compartiment high yield. Le taux à dix ans reste en particulier assez stable. Sur les actions, je crois en revanche que le marché chinois offre aujourd'hui de réelles opportunités d'investissement, après une année de tumultes qui a fortement pénalisé les valeurs Tech.

Faut-il investir aujourd'hui en Chine ?

Nous étions significativement sous-pondérés sur la Chine depuis presque un an et nous venons de passer à neutre sur nos portefeuilles. Nous envisageons même de renforcer nos positions dans les semaines à venir. Nous pensons en effet que le feu rouge passe à l'orange, avant de devenir prochainement vert. Pour au moins trois raisons.

Tout d'abord, nous pensons que 90% du chemin a été fait sur le plan de la réglementation, même si certains secteurs comme la santé ou les jeux, pourraient connaître un nouveau tour de vis. Ensuite, nous assistons à un assouplissement de la politique monétaire, toujours favorable aux actions. Il n'en reste pas moins que nous anticipons une appréciation du yuan dans les cinq ans à venir, ce qui écarte le risque de change. Enfin, la Chine reste un marché de croissance phénoménal ! Il ne faut pas oublier les fondamentaux du marché chinois. C'est un marché est à la fois très liquide et très profond, avec de nombreuses grandes capitalisations dans de nombreux secteurs. Une diversité rare dans les pays émergents.

La Chine demeure le moteur de la croissance mondiale. A ces facteurs de soutien s'ajoutent des valorisations devenues attractives depuis la chute de 50% des valeurs chinoises cotées à New York.

N'est-il pas étonnant que la Chine ait mis au pas la Tech, un secteur pourtant florissant ?

Ce n'est pas la première fois que la Chine reprend les choses en main, même si cette dernière vague de régulation est particulièrement forte et soudaine. La Chine intervient toujours quand elle se sent en position de force, comme cela a été le cas en début d'année avec une reprise de la croissance qui a largement dépassé les attentes. Ces phases de régulation durent en moyenne un an. Le groupe Tencent en avait déjà fait les frais il y a trois ans sur son activité dans les jeux.

La situation économique se présente en revanche sous un jour moins favorable en 2022 et je pense que la Chine sera à nouveau « pro business » pour soutenir la croissance. Un premier signal a été donné cet été avec l'assouplissement de sa politique monétaire, qu'elle avait resserrée en début d'année, selon l'approche conventionnelle (contracyclique) de la Banque centrale de Chine. Il ne faut pas oublier que ce resserrement de la politique monétaire a été la deuxième cause de la baisse du marché chinois après la réglementation.

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Le président Xi Jinping n'a certes jamais eu autant de pouvoirs entre ses mains que depuis Deng Xiaoping. Mais la Chine reste avant tout un pays libéral sur le plan économique, réglementaire ou fiscal, surtout comparé à l'Europe.

Ne nous y trompons pas, sur le plan de la régulation des Tech, le supplice chinois est plutôt du côté des GAFA ! La Chine a finalement pris des décisions que les Etats-Unis mettront sans doute en œuvre dans plusieurs années. Ces géants du web, comme en Chine, sont devenus trop puissants pour les Etats et sont en conséquence à risque pour les investisseurs. Qui peut dire aujourd'hui quel sera le périmètre de Facebook dans dix ans ? La Chine a déjà apporté une partie de la réponse...

Comment analysez-vous cette reprise en main réglementaire ?

Ce durcissement réglementaire s'est opéré, à mon sens, autour de trois axes. Tout d'abord, Pékin a souhaité rappeler aux grands dirigeants qui était vraiment le patron, sur le thème « il ne faut pas oublier la main qui vous a nourri ». Une leçon à 15 milliards de dollars, à titre personnel, pour Jack Ma, le patron d'Alibaba, lorsqu'il a dû renoncer à l'introduction en Bourse de sa filiale financière Ant Group. Ce dernier avait, semble-t-il, multiplié les bévues. Non seulement, il avait ouvertement critiqué le système bancaire chinois mais il aurait également adressé une fin de non-recevoir aux demandes de Pékin sur la question de l'accès aux données. Les autorités viennent d'ailleurs d'exiger le démantèlement de l'activité crédit d'Ant Group pour garder la main sur les données de crédit. Enfin, Pékin aurait également pris ombrage des liens de plus en plus étroits entre Jack Ma et les « princes rouges », ces héritiers des compagnons de Mao, toujours très influents.

La deuxième raison de cette vague réglementaire porte effectivement sur l'enjeu crucial des données. En Chine, plus qu'ailleurs, le fait qu'une société privée « non coopérative » puisse détenir plus de données que l'Etat est jugé inacceptable. Dès 2013, Xi Jinping disait déjà que celui qui tient la donnée maîtrise le monde ! Cette volonté de contrôler la donnée a coûté cher à Alibaba, mais aussi à Didi, l'Uber chinois qui, sous la pression de son actionnaire Softbank, a finalement lancé son introduction en Bourse sans donner la moindre garantie sur les données aux autorités. Tesla a été plus prudent à créant un centre de données propre à la Chine ! Cette préoccupation est d'autant plus forte que la donnée sera au centre de la bataille sino-américaine, qui est appelée à s'installer dans le paysage.

Enfin, la troisième explication tient au programme "Prospérité commune", lancé cet été, de lutte contre les inégalités qui tourne le dos à Deng Xiaoping et son célèbre « enrichissez-vous !». L'aile gauche du PCC est en train de dénoncer la dérive des inégalités alors qu'il existe aujourd'hui davantage de milliardaires en Chine qu'aux Etats-Unis. Candidat l'an prochain à sa propre succession, Xi Jinping souhaite donc donner des gages afin d'être plébiscité lors son élection.

Mais les enjeux sont réels. Il existe toujours 500 millions de pauvres en Chine et la croissance de demain doit reposer sur la demande intérieure. L'attaque contre le secteur de l'éducation ne doit rien au hasard alors que les Chinois résistent à faire plus d'un enfant, malgré l'assouplissement de la règle de l'enfant unique, compte tenu du coût exorbitant des études supérieures.

La "Prospérité commune" passera-t-elle par une hausse des impôts sur les sociétés ?

Je m'attends effectivement à une hausse mais modeste du taux d'imposition. La Chine est un pays économiquement libéral et le restera, avec un taux d'imposition globalement faible même s'il est loin d'être uniforme. Il y a ainsi pratiquement aucune fiscalité sur l'immobilier. Selon des estimations, le taux d'imposition de Tencent est de l'ordre de 11% et de 13% pour Alibaba.

Pour l'heure, la réponse passe davantage par la philanthropie à l'américaine, avec un jeu de surenchères. En quelques jours, Tencent a ainsi débloqué 7 milliards de dollars et Alibaba près de 15 milliards ! Soit 22 milliards de dollars sans que les autorités ne leur demandent rien... du moins officiellement. La profession de foi de la fondation de Tencent reprend d'ailleurs mot pour mot le programme "Prospérité commune", en mettant l'accent sur la santé, l'éducation et la réduction des inégalités.

La loi anti-trust sur la Tech ne risque-t-elle pas de brider la croissance des BATX ?

Le principe de cette loi est simple : le monde de la Tech doit être logé à la même enseigne que la vieille économie. Quand une fintech lance un crédit, elle doit être régulée comme une banque. C'est un principe que reprendrait bien à son compte la Commission européenne ! La normalisation de la Chine passe aussi par une normalisation de ses entreprises et des pratiques concurrentielles.

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Commentaires 16
à écrit le 21/09/2021 à 17:23
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En parlant de chinois : Pékin vient de lever le port du masque obligatoire en extérieur après 13 jours consécutifs sans nouveau cas. Malgré cette mesure, pour l’instant, la plupart des habitants de la capitale de la Chine continuent à la porter. "...

à écrit le 21/09/2021 à 11:16
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Si la Chine vous intéresse et si vous voulez mieux en connaître les réalités, il faut lire les quatre livres de Jean Tuan publiés chez C.L.C. Editions. Le premier "Mémoires chinoises" évoque la parcours de son père venu en France en 1929 depuis la Ch...

à écrit le 21/09/2021 à 2:50
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Ce type est fou. Tout simplement. Quand vous placez en Chine, rien n'est a vous, meme un titre. L'etat communiste oeut tout prendre a sa guise.

le 21/09/2021 à 6:29
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Parce que ici non ?

le 21/09/2021 à 12:07
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Quand vous achetez ou placez une somme x, pour un dividende a venir, dans une entreprise occidentale, vous etes proprietaire du titre en Chine ce n'est pas le cas, sauf dans les apparences.

à écrit le 20/09/2021 à 22:54
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Sans aucun doute si vous avez les moyens de perdre de l'argent.

à écrit le 20/09/2021 à 22:44
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Parce que les élites mondiales ont choisi la Chine comme modèle pour l'ensemble des peuples de la planète et sont en train d'organiser le basculement de puissance et la faillite des USA au profit de celle-ci.

à écrit le 20/09/2021 à 20:45
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....sauf si on se fout des Droits de l'homme 👎

le 21/09/2021 à 6:40
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On s'en cogne de tes droits de l'homme auto proclamé. ... l'oncle du mec de l'attentat du musée juif de Bruxelles vit en France, fiché, surveillé, il dirige des ecoles coranique sous couvert associatif... on y enseigne tranquille la charia, le djia...

à écrit le 20/09/2021 à 20:42
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Il n'y a aucun intérêt à investit dans un pays dirigé par un pays qui cumule Communisme, Stalinisme et ( évidemment) Dictature.

à écrit le 20/09/2021 à 17:35
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Avis aux amateurs du PCC qui possède tout en Chine... du matériel au vivant.

à écrit le 20/09/2021 à 17:34
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Oui c'est le bon moment d'investir en Chine mais "tout est bruit pour celui qui a peur" or l'argent est essentiellement entre des mains de gens terrifiés par leur peur et c'est bien dommage sinon avec cette nouvelle orientation de leur économie ils d...

à écrit le 20/09/2021 à 15:45
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Oui, c'est le moment ou jamais ! ! ! Alors, foncez ! ! ! Il y a plein de gens qui veulent sortir, avant que la Chine ne confisque tout. Ces gens ont besoin de dernier idiot dans la pyramide de Ponzi. Alors, bonnes gens cupides, précipitez-vous !

le 21/09/2021 à 6:43
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J'ai plus confiance en la Chine qu'en la France ou les usa, c'est grave docteur ?

le 21/09/2021 à 9:03
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XI ne confisquera pas tout, c est pas Mao sur le plan economique. Mais c est un dictateur qui elimine tout ce qui pourrait lui faire de l ombre. et si les tres riches chinois se lancent dans la philantropie c est pas par altruisme mais pour eviter l...

le 22/09/2021 à 9:34
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exact les gars! il ne confisque rien, il ' redonne a la collectivite', en permattant au partic communiste de remettre la main sur tout et n'importe quoi ( et accessoirement en faisant disparaitre un temps les gens genants, avant de les faire disparai...

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