Les néobanques font la cour aux PME

Plusieurs nouvelles banques en ligne s'attaquent au marché des professionnels et des petites et moyennes entreprises, jusqu'alors peu choyées par les banques traditionnelles. Pour tirer leur épingle du jeu, ces néobanques se proposent d'être le compagnon administratif des entrepreneurs.
Juliette Raynal
Au-delà des simples produits bancaires, les nouveaux arrivants sur le marché des services financiers aux entreprises proposent une gamme de prestations allant du traitement automatisé des justificatifs de paiement au calcul du montant des charges.
Au-delà des simples produits bancaires, les nouveaux arrivants sur le marché des services financiers aux entreprises proposent une gamme de prestations allant du traitement automatisé des justificatifs de paiement au calcul du montant des charges. (Crédits : CC0 Creative Commons/Pexel.)

Vous avez sans doute déjà entendu parler de N26, Revolut ou encore Orange Bank, ces nouvelles applications mobiles qui proposent aux particuliers une expérience bancaire fluide et rapide entièrement basée sur leur smartphone ? Ce mouvement de fond, qui pousse les banques traditionnelles à repenser leurs services destinés au grand public, s'opère également dans l'univers des professionnels et PME. Un marché non négligeable (la France compte 3,8 millions de PME, microentreprises incluses) et en croissance (67.115 entreprises ont été immatriculées en janvier 2019, un record depuis le début des années 2.000 selon les données de l'Insee). Depuis quelques mois, plusieurs applis de compte bancaire qui visent spécifiquement ce segment ont vu le jour ou ont partagé leurs ambitions. Elles s'appellent Shine, Manager One, Qonto ou encore Margo Bank. Toutes affichent la même promesse : faciliter le quotidien des entrepreneurs et dirigeants d'entreprise en les soulageant des tâches administratives.

« Avec Qonto, un dirigeant d'entreprise peut ouvrir un compte courant en dix minutes et recevoir sa carte de paiement en l'espace de trois jours. Nous enrichissons les services bancaires classiques d'une série de fonctionnalités qui facilitent la vie des équipes », explique Alexandre Prot, cofondateur de Qonto. Au menu : traitement automatisé des justificatifs de paiement ou immatriculation de la société en ligne, grâce à un partenariat avec la startup Legalstart. La néobanque promet par ailleurs d'apporter une réponse en moins de quinze minutes aux questions posées par ses clients. Elle a ainsi mis sur pied une équipe de 30 personnes dédiée au support client.

Lancée officiellement en juillet 2017, Qonto assure compter aujourd'hui quelque 40.000 clients, dont le service de rencontres Happn, l'appli de VTC Heetch ou encore l'auto-école en ligne Ornikar. La néo-banque, qui emploie 130 collaborateurs et devrait en compter 200 d'ici à la fin de l'année, vise les entreprises de 1 à 250 salariés. Shine, elle, a fait des indépendants sa cible de prédilection. Opérationnelle depuis un an, la néobanque revendique 30.000 utilisateurs à qui elle propose des outils pour calculer le montant des charges et un système d'alertes en cas de dépassement du plafond du régime de micro-entrepreneur.

Les professionnels se mettent à comparer les offres

Shine, elle, a fait des indépendants sa cible de prédilection. Opérationnelle depuis un an, la néobanque revendique 30.000 utilisateurs à qui elle propose des outils pour calculer le montant des charges et un système d'alertes en cas de dépassement du plafond du régime de micro-entrepreneur. De son côté, Margo Bank entend s'attaquer aux entreprises plus matures, dont le chiffre d'affaires oscille entre un et 50 millions d'euros. Elle a fait connaître son projet en janvier 2018 mais n'a toujours pas donné le coup d'envoi de son offre. Contrairement aux autres nouveaux entrants, la néobanque a entrepris des démarches auprès du régulateur pour décrocher le statut d'établissement de crédit.

 > Lire aussi : Néobanques et Fintech, le nouveau marché que Visa dispute à Mastercard

« Notre lancement commercial est conditionné à l'obtention de cet agrément. Nous souhaitons pouvoir accorder un crédit à une entreprise en seulement quelques jours », explique Jean-Daniel Guyot, son dirigeant. Des chargés d'affaires iront également à la rencontre des entreprises clientes pour les épauler. Si ces nouveaux entrants s'efforcent d'obtenir la meilleure satisfaction client, c'est qu'elle constitue le principal levier d'acquisition de nouveaux utilisateurs. C'est grâce à cette expérience, qui se veut à la fois fluide et transparente, que les néobanques comptent tirer leur épingle du jeu face aux banques traditionnelles, qui ont certes délaissé cette clientèle, mais bénéficient toujours de plusieurs atouts clés : un important capital de confiance, une proximité permise par leur réseau d'agences, et des services comme le dépôt de liquide ou la gestion de trésorerie.

« Les professionnels constituent une clientèle qui a été historiquement peu choyée par les banques traditionnelles, note Julien Maldonato, associé industrie financière du cabinet Deloitte. Les professionnels ne se montraient pas très exigeants car préoccupés par d'autres aspects liés à l'activité de leur entreprise. Ils comparaient donc peu les offres. Cette attitude est en train d'évoluer avec les nouvelles générations d'entrepreneurs. »

Accompagnement

Les acteurs institutionnels l'ont bien compris. Si aucune banque traditionnelle n'a encore communiqué sur ce sujet, la plupart plancheraient sur une refonte de leurs interfaces dédiées aux professionnels. « La banque de détail pour les particuliers va tomber dans la gratuité. Les banques sont donc obligées de trouver de nouveaux relais de croissance », analyse Julien Maldonato. Et, pour rester compétitives, elles devront passer d'une logique de produit à une logique de service, d'une activité de dépôt et de gestion de flux à celle d'accompagnement stratégique. Le Crédit Agricole entend ainsi aller au-delà des simples produits bancaires. Il s'apprête à mettre en ligne une plateforme baptisée Je Suis Entrepreneur, qui propose d'accompagner l'entrepreneur, de l'élaboration de son business plan au dépôt du statut juridique de sa structure.

Outre cette appétence pour de nouveaux services, le marché des professionnels apparaît plus lucratif que celui des particuliers, les premiers étant plus enclins à payer pour bénéficier de certaines fonctionnalités leur permettant de gagner en productivité. Le produit net bancaire (PNB, soit la valeur ajoutée créée par l'activité d'une banque) d'un client professionnel actif avoisinerait

2.500 euros, soit cinq fois le PNB moyen d'un particulier, selon une étude d'Exton Consulting. Qonto propose ainsi trois formules d'abonnement allant de 9 à 99 euros par mois. L'offre bancaire de Shine pour les free-lance, initialement gratuite, est devenue payante, et une offre premium est en cours d'élaboration. Ces perspectives de rentabilité attirent même les nouvelles banques mobiles grand public. N26 et Revolut ont toutes les deux lancé des offres business. Le marché des professionnels reste toutefois plus modeste que celui des particuliers.

« Cela oblige ces néobanques à se développer très vite à l'international. Elles ne peuvent se contenter de 10 % du marché français pour réaliser des volumes suffisants », estime Julien Maldonato. Shine prévoit ainsi de lancer son service dans deux pays d'ici à 2020, et Qonto a levé 20 millions d'euros en septembre dernier pour s'attaquer aux marchés allemand, italien et espagnol avant l'été. Margo Bank affiche aussi des ambitions « pour servir des entreprises européennes ».

EN CHIFFRE :

2.500 euros. Le produit net bancaire (PNB) d'un client professionnel actif, soit cinq fois plus que le PNB moyen d'un client particulier.

Juliette Raynal

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Commentaire 1
à écrit le 02/04/2019 à 9:03
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"jusqu'alors peu choyées par les banques traditionnelles" Un phénomène mesuré par défaut donc venant une fois de plus de la défaillance généralisée des établissements financiers.

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