À Farnborough, Rolls-Royce, Pratt & Whitney et CFM à la poursuite du moteur vert

Dans un contexte où la tension se fait intense sur les coûts carburant et l'empreinte carbone de l'aviation, le salon de l'aéronautique de Farnborough est l'occasion rêvée pour les motoristes de faire le point sur les baisses de consommation offertes par leurs différents programmes - qui s'articulent entre le court et le long terme. Pratt & Whitney et Rolls-Royce n'ont pas raté le coche d'entrée de jeu, tandis que GE Aerospace et Safran continuent de miser sur CFM International avec l'appui d'Airbus.
Léo Barnier
Le démonstrateur open fan CFM Rise sera testé sur Airbus A380 dans la seconde moitié de la décennie.
Le démonstrateur "open fan" CFM Rise sera testé sur Airbus A380 dans la seconde moitié de la décennie. (Crédits : Airbus)

Alors que vient de s'ouvrir le salon de Farnborough, au Royaume-Uni, les motoristes sont à la manœuvre pour présenter leurs avancées. Si tous n'ont pas encore avancé leurs pions, les futures avancées se dessinent entre des améliorations limitées mais immédiates et des ruptures technologiques qui ne verront pas le jour avant la prochaine décennie, sur le plan opérationnel du moins.

Dans un monde où chaque pourcent de réduction compte, le motoriste américain Pratt & Whitney a annoncé avoir débuté les essais de certification pour son moteur GTF Advantage avec l'Administration fédérale américaine de l'aviation (FAA). Il s'agit d'une évolution du PW1100G, qui motorise la famille Airbus A320 NEO. Il doit offrir un gain de consommation de 1%, ainsi qu'une poussée maximale accrue à 34.000 livres. Cette augmentation de puissance bénéficiera « en particulier (aux) avions à plus long rayon d'action comme l'A321XLR", selon Rick Deurloo, président des moteurs commerciaux de Pratt & Whitney, en offrant la possibilité d'un emport de carburant accru. Elle sera en revanche inutile pour l'A320 NEO qui utilise des versions du PW1100G de moindre puissance.

Le GTF Advantage compte déjà plus de 2.000 heures d'essais dont un avec 100% de carburant aviation durable (SAF) cette année. Les essais vont se poursuivre sur un banc d'essais volant au Canada, avant que le moteur ne soit monté sur un A320 NEO à Toulouse pour valider le couple avec l'avion. L'objectif est que le moteur entre en service en janvier 2024 et devienne le moteur standard de Pratt & Whitney pour la famille A320 NEO.

Pratt & Whitney - GTF Advantage

Pratt & Whitney proposera le GTF Advantage sur la famille Airbus A320 NEO à partir de 2024. (Crédit: Pratt & Whitney)

L'hybride-électrique en parallèle

Pratt & Whitney regarde également le coup d'après en s'associant avec l'équipementier Collins Aerospace, sa société sœur au sein du géant Raytheon Technologies. Collaborant déjà sur le domaine de la motorisation hybride-électrique, ils lancent un programme de démonstration baptisé Scalable TurboElectric Powertrain Technology (STEP-Tech).

Ce programme « se concentrera sur le développement de concepts de propulsion hybride-électrique distribués à haute tension dans la catégorie 100-500 kW, avec un potentiel d'extension à 1 MW et au-delà », selon le motoriste américain.

Ce qui pourrait potentiellement permettre de motoriser un avion régional avec une propulsion distribuée. Le démonstrateur se voulant modulaire, plusieurs configurations seront testées en vue de futures applications. Les essais débuteront en fin d'année.

Pour Henry Brooks, président de la division Power & Controls de Collins Aerospace, ce programme s'inscrit dans la lignée des autres collaborations entre les deux sociétés, qui « contribueront à la maturation de technologies et de composants qui pourront être adaptés à toute une gamme d'applications différentes, des petits eVTOL aux avions de ligne monocouloirs, en passant par les turbopropulseurs régionaux. »

Rolls-Royce sur le long terme...

Rolls-Royce a mis pour sa part l'accent sur l'après-2030. Le motoriste britannique a annoncé être entré dans la phase finale de construction de son démonstrateur UltraFan, programme de recherche et développement qui doit aiguiller la conception de ses futurs programmes de moteurs de moyenne à forte puissance (de 25.000 à 100.000 livres de poussée). Les premiers essais sont prévus cette année sur le nouveau banc d'essais au sol Testbed 80, à Derby (Royaume-Uni).

Il doit permettre la mise au point de plusieurs avancées comme la nouvelle architecture centrale baptisée Advance 3 (basée sur trois arbres différents permettant aux différents modules du moteur de tourner à des vitesses différentes donc optimisables), une nouvelle boîte de transmission de puissance (PGB) d'une puissance « record dans l'aéronautique », ainsi que de nouveaux matériaux composites à matrice céramique (CMC) ou carbone-titane.

La combinaison de ces technologies doit offrir des gains substantiels, avec une réduction de 25% de la consommation par rapport à la première génération de moteurs Trent. Néanmoins, celle-ci a été conçue il y a plus de 30 ans, avec des modèles comme le Trent 700 qui équipe l'Airbus A330. Le bénéfice est moindre par rapport aux générations suivantes, comme le Trent XWB de l'A350 qui offrait déjà une amélioration de 15%, mais reste appréciable. Le démonstrateur doit permettre d'autres avancées comme l'utilisation de SAF à hauteur de 100%, contre 50% pour les moteurs actuels.

... et sur l'hydrogène

Lors du salon de Farnborough, Rolls-Royce s'est également associé la compagnie aérienne Easyjet pour explorer la combustion d'hydrogène, en vue de développer une technologie « capable d'équiper toute une gamme d'avions, incluant le segment des monocouloirs ». Ce partenariat, baptisé H2ZERO, est en fait la continuation d'un projet de recherche déjà lancé en partenariat avec les universités de Loughborough et Cranfield, ainsi que l'institut de recherche DLR (l'équivalent allemand de l'Onera).

La contribution d'Easyjet se traduira par un apport de son expérience opérationnelle, mais aussi un investissement direct dans le programme. Celui-ci devrait être conséquent à en croire le directeur général de la compagnie britannique, Johan Lundgren : « La technologie qui émerge de ce programme a le potentiel d'alimenter des avions de la taille de ceux d'Easyjet, c'est pourquoi nous allons également investir plusieurs millions de livres sterling dans ce programme. »

H2ZERO doit conduire à des essais au sol initiaux sur un turbopropulseur AE 2100 dès cette année pour défricher le concept, puis à une nouvelle campagne à échelle réelle sur un turboréacteur Pearl 15 à une date ultérieure. Des essais en vol sont également envisagés à plus long terme. Le motoriste britannique veut ainsi défricher le terrain en vue d'un éventuel programme destiné « aux avions de petite et moyenne taille à partir du milieu des années 2030 ».

En parallèle, Rolls-Royce a signé un protocole d'accord avec le groupe coréen Hyundai Motor pour collaborer sur la propulsion entièrement électrique, alimentée par batteries mais aussi par piles à combustible utilisant l'hydrogène. Le partenariat doit conduire à une démonstration conjointe d'avion électrique à pile à hydrogène d'ici 2025, en vue de préparer des applications dans la mobilité aérienne urbaine, mais aussi régionale. Deux marchés sur lesquels Hyundai Motor Group a prévu de s'implanter avec sa filiale américaine Supernal, respectivement en 2028 et dans les années 2030.

CFM International s'associe à nouveau à Airbus

GE Aviation, qui adopte désormais le nom de GE Aerospace dans le cadre de la scission des activités du groupe prévu d'ici 2024, et son partenaire Safran continuent pour leur part de miser sur leur coentreprise CFM International pour développer leurs futurs projets pour les moteurs de forte puissance. C'est le cas avec le programme de démonstration CFM Rise (Revolutionary innovation for sustainable engine), héritier du concept Open Rotor avec une soufflante non carénée. Lancé l'an dernier, il vient de se renforcer avec la signature d'un partenariat avec Airbus en vue d'essais en vol.

Ce partenariat doit déboucher sur le montage d'un démonstrateur Rise sous la voilure d'un Airbus A380 dans les prochaines années. Après une campagne d'essais au sol, il devrait s'envoler depuis Toulouse « dans la seconde moitié de cette décennie ». Cela permettra de tester l'intégration de cette architecture originale de moteur avec l'aile, d'évaluer les performances du moteur en lui-même, mais aussi de son couple avec l'avion, ainsi que les modèles acoustiques (le bruit généré en l'absence de carter étant l'un des points faibles de ce type d'architecture), ou encore, les apports de l'hybride-électrique et la compatibilité avec 100% de SAF. L'objectif est d'arriver à une réduction de 20% des émissions de CO2 (hors SAF). Outre le constructeur européen, l'équipementier britannique GKN Aerospace vient aussi d'embarquer à bord de CFM Rise.

Ce programme doit préparer le terrain à une application opérationnelle à l'horizon 2035, comme l'explique Gaël Méheust, PDG de CFM International : « CFM RISE a pour objectif de repousser l'enveloppe technologique, de redéfinir l'art du possible et de contribuer à une croissance à long terme plus durable pour notre industrie. »

Il est rejoint par Sabine Klauke, directrice de la technologie d'Airbus : « En évaluant, en mûrissant et en validant l'architecture open fan à l'aide d'un démonstrateur d'essais en vol dédié, nous apportons, en collaboration, une nouvelle contribution significative à l'avancement des briques technologiques qui nous permettront d'atteindre nos objectifs de décarbonisation à l'échelle du secteur. »

CFM et Airbus s'étaient déjà associés en début d'année en vue de tester la combustion à hydrogène, là aussi sur un A380. Les premiers essais au sol pourraient avoir lieu dès cette année. Mais les premiers essais en vol ne sont pas attendus avant fin 2026. Là aussi, l'objectif est d'être prêt à l'horizon 2035.

De son côté, GE Aviation a également conclu un partenariat avec Boeing et la Nasa pour tester un système de propulsion hybride-électrique sur des turbopropulseurs CT7-9B, avec des essais au sol puis en vol vers 2025. Et le motoriste américain a réussi un premier test avec 100% de SAF sur un moteur d'avion d'affaires Passport, il y a quelques semaines.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 19/07/2022 à 19:41
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Un carburant vert reste un carburant qui pollue et qui est cher à produire. Le problème de l'avion n'est pas le carburant, mais l'avion pour le transport et le tourisme de masse. Si on ne veut pas comprendre, alors nous aurons de plus en plus chaud...

le 20/07/2022 à 0:13
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la temperature sur Terre ne pourrait pas augmenter bcp plus.Mais la propagande verte marche pour remplir des poches des meme gens qu ont polue dépuis plus des 30 ans la Planette

le 20/07/2022 à 15:05
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Peu importe le carburant le problème est l'utilisation des énergies carbonées ou non. De toute façon la messe est dîtes pour les milliers d'années à venir comme le dise les scientifiques le carbone est un oxyde et c'est horriblement stable. Les c...

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