L'aérien semble à des années-lumière de la décarbonation. Pourtant l'horloge tourne pour le secteur qui s'est engagé à la neutralité carbone en 2050 fin 2022 lors de l'Assemblée de l'Organisation de l'Aviation civile internationale (OACI). Actuellement, le secteur est responsable de 2 à 3% des émissions de CO2 dans le monde. Pour relever ce challenge, le gouvernement compte fortement inciter les entreprises de l'aéronautique à verdir leurs activités.
A la veille du Paris Air Forum, l'Elysée laisse entendre que le gouvernement va faire plusieurs annonces ces prochains jours. Emmanuel Macron va d'accord décrire une série de nouvelles mesures, vendredi, pour développer l'avion « zéro émission », lors d'une visite chez le motoriste aéronautique Safran à Villaroche (Seine-et-Marne) où il fera des annonces « fortes » sur le soutien de l'Etat à la décarbonation de la filière, a indiqué la présidence. Il rencontrera au préalable les principaux dirigeants de la filière (Airbus, Safran, Thalès, Dassault, Air France KLM, Aéroports de Paris, etc...) autour d'un dîner jeudi à l'Elysée.
« La France et l'Europe doivent se positionner dans la compétition entre grands blocs (Chine, Etats-Unis..) qui se profile sur le marché des avions décarbonés, capables d'intégrer à 100% des biocarburants », souligne un conseiller présidentiel. « Il faut qu'on arrive à inventer en France et en Europe un avion vert », à propulsion électrique, hydrogène ou avec des carburants durables produits à partir de biomasse ou molécules de synthèse, ajoute-t-il, en rappelant que le kérosène est à « 100% importé ».
Des annonces sur les carburants durables attendues à l'occasion du Salon du Bourget
Le chef de l'Etat se rendra aussi, lundi 19 juin, au Salon du Bourget, grande fête biennale de l'aéronautique annulée en 2021 en raison de la pandémie de Covid-19 et qui sera placée cette année sous le signe de la décarbonation.
D'après des informations recueillies par La Tribune, Emmanuel Macron devrait annoncer un projet de production de Sustainable aviation fuel (SAF) à l'occasion du Salon du Bourget. Et ce alors que TotalEnergies entend faire des annonces.
Le président devrait notamment annoncer « des sites de production en France pour créer une filière SAF française et européenne », confie une source proche du dossier. Ce projet de production local devrait être associé à des aides aux énergéticiens qui investissent dans les carburants verts. Le timing ne doit d'ailleurs rien au hasard puisque la nouvelle édition du salon après quatre ans d'attente doit montrer « que ce n'est déjà plus tout à fait la même industrie » affirme de son côté le ministre des Transports, Clément Beaune.
Inciter la production de SAF pour décarboner l'aérien
Le gouvernement semble donc avoir fait le choix d'inciter le secteur aérien à se verdir tout en continuant de le soutenir car « pour décarboner l'aviation, il ne faut pas lui mettre des bâtons dans les roues mais l'inciter à aller vers les carburants propres car il n'y a pas d'alternatives » justifie-t-il.
Problème, en 2022, le SAF utilisé par l'aviation en 2022 (240.000 tonnes) représentait 0,1% seulement de la consommation totale de kérosène cette même année (254 millions de tonnes) car la production est pour l'instant embryonnaire. Et si TotalEnergies a annoncé mercredi 7 juin qu'elle souhaitait rehausser sa production à de e-fuel provenant de son usine de Grandpuits (Seine-et-Marne) à 250.000 tonnes de SAF par an à partir de 2025, contre 170.000 prévu initialement, le géant français de l'énergie traîne des pied pour investir dans les carburants aériens de demain. Pour l'heure, l'entreprise dispose de trois sites principaux pour mettre au point ce fameux SAF mais « ils ont modérément cru au SAF pendant longtemps car ils veulent voir un débouché au niveau français et européen avant d'investir dedans et ils commencent tout juste à y croire car d'autres groupes s'y penchent comme Engie », confie un connaisseur du dossier.
Une augmentation du quota de SAF par vol à l'étude
Pour donner une inertie à la production de carburants aériens durables et offrir des garanties aux énergéticiens, le gouvernement entend inciter les entreprises aéronautiques à progressivement consommer davantage de SAF. « On stimule l'innovation, les aides publiques pour la recherche et le développement dans l'aérien est entièrement consacré à la décarbonation », se félicite d'ailleurs Clément Beaune.
Pour aller plus vite, la France souhaite aussi activer le levier réglementaire. Ainsi, si le règlement européen RefuelEU, qui doit être adopté prochainement, fixe un objectif de 6% d'utilisation minimum de carburants durables par vol d'ici 2030, le ministère du Transport estime que les quotas pourront être remontés car « les industriels du secteur disent qu'ils sont capables de faire plus mais qu'ils attendent un signal clair », ajoute de son côté un proche du dossier. Reste maintenant à voir les précisions qui seront apportées par le Président au Bourget.
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