Berlin et Paris pilotent ensemble le futur avion de combat européen mais qui va tenir le manche

Incroyable mais vrai, la France et l'Allemagne vont lancer ensemble la première étape du futur système de combat aérien. Mais le projet devra surmonter beaucoup, beaucoup d'obstacles. En premier lieu, celui de confier ce programme aux industriels en fonction de leurs compétences et à un maître d'oeuvre ayant fait ses preuves.
Michel Cabirol
La France et l'Allemagne vont s'associer pour lancer le futur système de combat aérien qui remplacera le Rafale (photo) et l'Eurofighter
La France et l'Allemagne vont s'associer pour lancer le futur système de combat aérien qui remplacera le Rafale (photo) et l'Eurofighter (Crédits : Dassault Aviation)

C'est donc sur les terres allemandes, précisément au salon aéronautique de Berlin (ILA), que le futur système de combat aérien (SCAF) européen va voir le jour. Tout un symbole pour l'aéronautique militaire européenne dont le cœur battait jusqu'ici à Londres et à Paris. La ministre des Armées Florence Parly sera ce jeudi dans les allées du salon, dont la France est cette année le pays invité, avec son homologue allemande Ursula von der Leyen. Elles se rendront au salon à bord d'un Airbus A400M, symbole d'une coopération franco-allemande et européenne qui n'est... pas toujours réussie. Il est à  espérer que le futur système de combat aérien soit beaucoup mieux maîtrisé que ne l'a été l'A400M par Airbus.

Un document signé

"J'ai l'espoir que fin avril, lors du salon aéronautique de Berlin (ILA) nous pourrons matérialiser une première étape significative", avait confié début avril Florence Parly dans une interview accordée à La Tribune. Chose promise, chose due. Le ministère des Armées a annoncé mercredi que le salon ILA sera l'occasion de "franchir de nouvelles étapes dans la coopération capacitaire franco-allemande, notamment concernant le système de combat aérien du futur (SCAF) et les systèmes de patrouille maritime". Un document marquant l'accord de la France et de l'Allemagne concernant le besoin opérationnel du SCAF sera notamment signé. On y est donc presque. Ainsi, les deux pays pourront proposer une alternative européenne crédible au F-35 américain... à condition de faire un vrai programme opérationnel et non pas un avion de combat qui fasse plaisir à tous les industriels européens... A suivre.

"Il s'agit d'une première historique et d'un pas décisif pour l'Europe de la défense, a estimé le ministère des Armées. La signature de ce document, quelques mois seulement après le conseil franco-allemand de défense et de sécurité de juillet 2017, qui avait initié ce projet est une illustration de la détermination de la France et de l'Allemagne à agir rapidement pour l'Europe de la défense autour de projets concrets et nécessaires".

Selon l'AFP, les deux ministres devraient signer un "contrat commun qui fasse travailler ensemble" les industriels des deux côtés du Rhin. Il s'agit d'un "High level command operations requirements document" (HLCORD), l'équivalent d'une Fiche d'expression de besoins (FEB), précise-t-on au ministère des Armées. La France a proposé "dès la fin de l'année dernière aux Allemands de se joindre à nous pour participer" à une "étude technico-opérationnelle de définition du système de combat aérien du futur", avait expliqué mi-février aux députés le Délégué général pour l'armement Joël Barre. "Nous leur avons indiqué très précisément quel était le contenu de l'étude, la façon dont nous voulions la mener et la manière dont nous pouvions nous associer", avait-il poursuivi.

Un programme en fonction des compétences de chacun?

Pour résumer grossièrement le projet, les compétences pour développer et concevoir  un avion de combat sont maîtrisées par la France mais l'argent pour le financer est en Allemagne, qui a toutefois un certain nombre de savoir-faire dans ce domaine. Ce qui fait dire à un industriel français du secteur que ce programme pourrait être l'occasion d'un "très important transfert de technologies de la France vers l'Allemagne". Pour le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, plus politiquement correct lors de la présentation des résultats du GIFAS le 12 avril, "la structuration de l'architecture du programme doit se faire en fonction des compétences". Clairement, les industriels auront "du travail en fonction de leurs compétences".

"Il y aura du travail pour tout le monde, avait estimé Florence Parly dans La Tribune. Il n'y aura pas que des questions d'avions ou de conception d'avions de combat en tant que tel mais il y aura beaucoup d'enjeux sur les systèmes, la connectivité... En fonction des pays, il y a des compétences, des savoir-faire technologiques et industriels plus ou moins forts. Notre objectif est que collectivement nous montions tous en gamme. Mais l'idée est de construire un programme sur des compétences existantes".

Dans cet esprit de coopération, Dassault Aviation et Airbus ont annoncé mercredi qu'ils ont décidé "d'unir leurs forces pour assurer le développement et la production du Système de Combat Aérien Futur (SCAF)", un programme qui sera amené "à compléter puis à remplacer" les Eurofighter et les Rafale actuellement en service, entre 2035 et 2040. Ce partenariat, conclu à Berlin par le PDG de Dassault Aviation Eric Trappier et le PDG d'Airbus Defence and Space Dirk Hoke, est un "accord industriel historique qui permettra de garantir la souveraineté et le leadership technologique de l'Europe dans le secteur de l'aviation militaire au cours des prochaines décennies". Qui sera le leader de ce programme? Interrogé par La Tribune le 12 avril, Eric Trappier avait expliqué que le leadership de ce programme "n'avait pas été décidé par les Etats".

Dassault Aviation ne cache pas qu'il veut prendre la tête du développement du futur avion de combat européen dans le cadre du programme franco-allemand de SCAF, a annoncé le 13 avril Eric Trappier dans un entretien accordé à l'hebdomadaire allemand WirtschaftsWoche. "L'expérience a montré que si on veut qu'un projet de défense réussisse, il faut que quelqu'un en soit le responsable, le leader", a-t-il estimé. "Nous pouvons prendre le rôle principal", a-t-il ajouté. "Le fait est que nous sommes la seule entreprise en Europe à pouvoir construire un avion de combat complet de A à Z et que nous sommes les seuls à avoir 70 ans d'expérience et de compétences", a-t-il fait valoir.

SCAF, un système de systèmes

Le SCAF est un système de systèmes associant un large éventail d'éléments interconnectés et interopérables, comprenant un avion de combat de nouvelle génération, des drones MALE (moyenne altitude, longue endurance), la flotte d'avions existants (qui sera encore en service après 2040), de futurs missiles de croisière et des drones évoluant en essaim, expliquent Dassault Aviation et Airbus. Le système complet sera connecté à un vaste périmètre d'avions de mission, de satellites, de systèmes de l'OTAN et de systèmes de combat terrestres et navals, avec lesquels il pourra opérer.

"Au lieu de raisonner exclusivement sur le développement des plateformes, je préconise, à ce stade de la réflexion, une approche également centrée sur l'architecture du système dans son ensemble, avait expliqué le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général André Lanata. Un avion de combat ne produit pas à lui seul les effets nécessaires. Il est dépendant en particulier des informations dont il dispose : cela nécessite de combiner des capteurs, des armements, des moyens de surveillance, des moyens et des normes de communication souvent à très longue distance mais aussi l'appui du ravitaillement en vol, des moyens de détection aéroportés, etc. Il faut donc commencer par évaluer les architectures système et la norme d'échange du système de nature à répondre à nos besoins opérationnels. Nous serons ainsi en mesure de déterminer sur quels secteurs nous devons concentrer nos investissements".

Au sein de la DGA, on confirme que le système aérien du futur devra être "un système de systèmes, avec différentes plateformes en réseau : Il n'y aura plus un avion mais une patrouille mixte avec des avions, des drones - de combat ou de reconnaissance - , des missiles hypervéloces et quelque part un AWACS ou le successeur de l'AWACS". Ainsi ce système complet ne pourra fonctionner que s'il partage complètement toutes les informations et s'il est capable de mettre en place un véritable combat collaboratif. Ce système pourra décider en fonction de la menace ou de l'évolution de la situation quelle plateforme va attaquer (drone, missile) et celle qui reste en arrière.

En termes de performance des capteurs et de détection, la DGA a d'ailleurs commencé à étudier des briques technologiques, qui seront en service d'ici 10 à 15 ans comme la guerre électronique distribuée par exemple. Car ce ne sera plus le système de guerre électronique du Rafale, qui donnera seul l'information mais différents capteurs sur quatre, cinq ou six plateformes. Cette mise en réseau donnera in fine une information beaucoup plus précise. La guerre du futur consistera plus à une bataille "d'un réseau face à un réseau", précise-t-on à la DGA. Une nouvelle façon de faire la guerre à cause des systèmes de défense aériens de plus en plus performants, qui interdisent l'accès de l'espace aérien protégé (déni d'accès). Cette rupture "nous obligent à transformer le combat aérien, qui reste une composante très importante de notre suprématie", fait-on valoir à la DGA.

Michel Cabirol

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Commentaires 33
à écrit le 27/04/2018 à 13:12
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Une femme, certainement.............

le 27/04/2018 à 22:26
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@phil - en 2018, rien n'est moins sûr ! je vais déposer plainte pour discrimination, misogynie, appel à la haine, stigmatisation, et je lance un appel à manifester devant votre domicile !

à écrit le 27/04/2018 à 9:45
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Voilà une excellente nouvelle . Malgré que la France ne possède pas l'argent, ce sera bien Dassault et ses sous traitants qui auront les clés de fabrication du future avion franco-allemand. Les allemands auront le lead sur d'autres projets (Drone et...

le 27/04/2018 à 22:07
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@Jason Bourne - En matière de défense, Dassault, Thales et Safran font ce que le gouvernement leur ordonne de faire. Or depuis 2007, il est évident que nos gouvernants démolissent la France au profit de l'UE, donc de l'Allemagne. Alstom, c’était plu...

à écrit le 27/04/2018 à 0:33
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Après l'anglais est fourbe, la nouvelle version l'allemand est fourbe. Tout le monde autre que lui est fourbe au pays de Scapin...

à écrit le 27/04/2018 à 0:30
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Mais de quels transferts de technologie parlez vous ? Vous croyez qu'il y a une différence de qualité, de nature entre les technologies du rafale et celles du typhoon ? Si le rafale est mieux conçus ça ne veut pas dire qu'il contient des technos a...

à écrit le 26/04/2018 à 17:45
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Une défense européenne sous commandement effectif de l'Otan, équipée principalement de F35 américain, avec un fonds prévu de 5,5 milliards d'E/an : certains comme l'Estonie ou la Pologne y sont acquis d'avance (pour le principe surtout ) mais d'autre...

à écrit le 26/04/2018 à 17:26
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Les Français devraient arrêter de se plaindre tout le temps, toujours à pleurnicher que les Allemands n'investissent pas assez en Europe et en France, et quand ils le font on se lamente (encore et toujours) que les Allemands sont des fourbes et des v...

le 26/04/2018 à 19:26
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Et bien si nous Français sommes trop pénibles, vous autres êtes bien trop malhonnêtes. Les affaires récentes de corruption impliquant la direction allemande d'Airbus, ou de Wolkswagen dans le diesel ne vous donnent pas raison. Nous en revanche avons ...

le 26/04/2018 à 20:01
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@ Jacques Daniel Airbus sans les Allemands n'existerait pas... et d'autant plus aujourd'hui où l'entreprise a besoin de beaucoup de capitaux, ce que la France n'a pas, pour faire une vraie concurrence, nez à nez, à Boeing. Mais cela vous a échapp...

à écrit le 26/04/2018 à 13:56
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L'important, c'est de ne pas faire un avion sur les désirs des militaires, mais un avion vendable à l'export. Tigre, A400 , en sont les plus beaux exemples de fiasco commerciaux. Nous avons de très beaux matériels trop sophistiqués, donc trop chers ...

le 26/04/2018 à 16:56
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ne pas faire un avion de guerre sur les desirs des militaire. c est ca ! on va le faire sur les desirs de bercy : avion a helice, larguage des bombes a la main si ca ne plait pas aux mili tant pis? c est pas eux qui paient hein!? si ton tigre, a400 ...

le 26/04/2018 à 18:35
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A400 est d'abord un fiasco produit: à force de vouloir tout faire, on arrive à rien faire de bien, mais je suis convaincu qu'il y a des retombées techno à ramasser. Si ces 2 aéronefs étaient bien conçus et répondaient aux besoins opérationnels mili...

à écrit le 26/04/2018 à 12:51
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Globalement une alliance franco-allemande est nécessaire pour pousser l'europe à se passer de l'oncle Sam, un avion de combat européen au seul bénéfice de la France n'est tout simplement pas réaliste. Quant au transfert de technologie, si l'Allemagne...

le 26/04/2018 à 14:48
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La France à plus à perdre à coopérer avec l'allemagne, tandis que l'allemagne à tout à gagner dans cette coopération. Ajoutez à cela leur "fourberie" (euphémisme) en matière de coopérations transnationales et vous réaliserez qu'on est en fait plus p...

le 26/04/2018 à 16:54
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Sauf qu'avec un transfert de technologies comme celui-là, la France perd un avantage concurrentiel énorme à l'avenir. C'est un apport de fond pour un projet contre un transfert de technologies pour les décennies voir les siècles à venir. Je n'ai rie...

le 26/04/2018 à 23:45
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@ le mambo Et bien justement il faut un apport de fond car il ne faut pas oublier que le rafale est une réussite technologique mais pas vraiment commerciale.

à écrit le 26/04/2018 à 11:05
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La France doit investir plus pour garder le controle. Il faut baisser les dépenses sociales improductives: seulement en allocations familiales partent 70 milliards par an. La ministre est trop timide. Si la France perd ses dernières avances technolog...

à écrit le 26/04/2018 à 10:27
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Je vais faire un pari: au début on va croire que c'est la France qui tient le projet puis petit a petit l'Allemagne va prendre la technologie et l'influence pour être seul maître a bord. Tout comme avec Airbus....

le 26/04/2018 à 13:02
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Nombre de salariés d'airbus: 47 963 en France, 46 713 en Allemagne, 39 106 dans le reste du monde (wikipedia). Donc non, l'Allemagne ne s'est pas taillé la part du lion.

le 26/04/2018 à 14:16
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@icietla - Je parie avec vous. D'ailleurs l'acronyme SCAF va vite disparaître au profit d'un acronyme anglicisé.

le 26/04/2018 à 14:23
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@ johnmckagan: le seul nombre de salariés ne veut rien dire. bon nombre d'entreprises emploient plus à l’étranger que dans leur pays et pourtant la part du lion reste nationale. Pour Airbus qui était AVANT plus une ets française qu'allemande, mainte...

le 26/04/2018 à 16:22
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Sérieusement dés le départ airbus a été franco-allemand à part égale. Alors maintenant si l'Allemagne a de l'argent et la France la technologie alors c'est très bien comme ça. A quoi ça sert d'avoir de l'avance technologique si c'est pour ne rien en...

à écrit le 26/04/2018 à 9:29
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Dans 20 ans DASSAULT passe dans le giron allemand d'AIRBUS : ACHTUNG naïf français

à écrit le 26/04/2018 à 9:21
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Berlin. Bah on est habitué maintenant depuis 1939 hein...

à écrit le 26/04/2018 à 9:20
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Dassault a semble-t-il montré une remarquable capacité dans ce domaine.

à écrit le 26/04/2018 à 8:48
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"Il s'agit d'une première historique..." faux, le seule première "historique" a été le Transall. Cela a permis au allemands de remettre le pied à l'étrier en matière aéronautique après la guerre. Puisque tous leurs bureaux d'études ont été pillés par...

à écrit le 26/04/2018 à 8:16
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Je crains que cette coopération avec les Allemands aboutisse à un nouvel échec. S'ils acceptent que Dassault soit le maître d'oeuvre de ce futur système, ils vont certainement demander des compensations sur d'autres programmes (futur char de combat, ...

le 26/04/2018 à 9:02
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Bien vu; les industriels allemands sont trés forts pour récupérer__ par tous les moyens__ le savoir -faire technologique français. Une vigilance sans faille devrait être mise en place en cas d'aboutissement de ce projet.

le 26/04/2018 à 9:46
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Paranoïa et négativisme bien français. À vous entendre les industriels français et Dassault sont des lapins de deux semaines complètement naïfs qui ne sont bons qu’à se faire piller. Comme si l’inverse n’arrivait jamais. Triste état d’esprit.

le 26/04/2018 à 12:52
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Hoiann ce n' est pas de la paranoïa, ce sont des commentaires de troll qui disent l inverse sur les sites Allemands

le 26/04/2018 à 13:15
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Une coopération franco-britannique? L'objectif est de faire un avion made in UE concurrent des avions américains. Au regard de cet objectif une coopération franco-britannique est du délire complet.

le 26/04/2018 à 14:04
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Hoiann, webes Il n'est pas dans ma nature d'être pessimiste, je constate simplement que les Allemands, même s'ils demeurent des partenaires de grande qualité, ont la fâcheuse tendance à vouloir s'approprier de nombreux programmes ou entreprises de...

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