Constellation 5G : le pari de Thales, d'Ericsson et de Qualcomm

Ericsson, Thales et Qualcomm Technologies prévoient d’amener la 5G dans l'espace, à travers un réseau de satellites en orbite autour de la Terre.
Michel Cabirol
Une constellation de 600 à 800 satellites en orbite terrestre basse (LEO), qui pourrait être déployée à un horizon de quatre à cinq ans, estime le vice-président exécutif de Thales en charge de la stratégie et de la Recherche et Technologie, Philippe Keryer.
Une constellation de 600 à 800 satellites en orbite terrestre basse (LEO), qui pourrait être déployée "à un horizon de quatre à cinq ans", estime le vice-président exécutif de Thales en charge de la stratégie et de la Recherche et Technologie, Philippe Keryer. (Crédits : Thales)

Thales a pris le taureau par les cornes pour faire émerger une constellation de satellites 5G, qui doit assurer en complément des réseaux terrestres une couverture mondiale et continue de services de connectivité. Une constellation de 600 à 800 satellites en orbite terrestre basse (LEO), qui pourrait être déployée "à un horizon de quatre à cinq ans", estime le vice-président exécutif de Thales en charge de la stratégie et de la Recherche et Technologie, Philippe Keryer. Il évalue ce projet entre 2 et 8 milliards d'euros. Pour Thales, le véritable déclic a été la décision de la 3GPP, une instance de coopération entre organismes de normalisation en télécoms, qui a autorisé enfin l'insertion des réseaux satellitaires à l'intérieur des standards 5G (5G NTN). Une petite révolution dans le domaine des télécoms à laquelle a été impliquée Thales Alenia Space, qui a travaillé dans le cadre de groupes de réflexions à la proposition de standardisation des réseaux 5G NTN.

Dans la foulée, le groupe de technologies français s'est associé avec l'équipementier suédois Ericsson et Qualcomm, leader mondial de l'innovation technologique sans fil. Thales apporte logiquement son savoir-faire dans le développement des charges utiles spatiales, qui devront être compatibles avec la 5G. Le cœur de réseau 5G sera apporté par Ericsson. Enfin, Qualcomm est clairement le leader mondial des jeux de puces (chipsets) de terminaux mobiles. Avec l'objectif qu'un smartphone 5G pourra utiliser la connectivité 5G n'importe où sur Terre et fournir une couverture mondiale complète pour les services de données à large bande, y compris dans des zones qui sont normalement uniquement couvertes par les systèmes de téléphonie par satellite historiques, aux capacités de connectivité limitées.

Séduire un opérateur

"Nous sommes encore dans une phase de recherche et développement" de la charge utile des satellites, explique Philippe Keryer, qui a longtemps travaillé dans les télécoms (Alcatel). Une phase qui devrait s'étaler sur une durée de 12 à 24 mois qui permettra de définir la charge utile. "Une fois que nous aurons cette charge utile stabilisée et prête à être lancée, nous avons l'intention de passer à l'étape d'envoyer dans l'espace 20 à 30 satellites pour démontrer une continuité de service sur un endroit pendant quelques minutes", explique-t-il. En parallèle, les trois groupes étudient l'utilisation d'un spectre dédié, qui appartient à des opérateurs satellitaires et qui est compatible avec les fréquences 5G (fréquences MSS, systèmes de services mobiles par satellite).

"Si les essais sont concluants, l'idée est vraiment de passer à l'étape suivante", soit le déploiement de cette fameuse constellation 5G, explique Philippe Keryer. A condition de trouver un opérateur qui soit preneur. "On fait avancer la technologie avec l'objectif qu'un investisseur puisse nous acheter cette constellation 5G, qui puisse être opérable", précise-t-il. Les trois groupes visent notamment des opérateurs satellitaires comme EchoStar, Inmarsat ou encore Omnispace, qui ont les fréquences MSS. Ce type d'opérateur fera "partie de l'équation pour lancer d'une part, puis financer et opérer la constellation", indique Philippe Keryer. Mais pas question pour Thales de "devenir l'opérateur de la constellation. C'est très clair", affirme-t-il.

Quel "business case"

"Grâce à quelques dizaines de mégabits disponibles, notre solution sera capable de recevoir de la vidéo, de pouvoir se connecter à Internet, d'envoyer des messages, de communiquer par WhatsApp...", estime Philippe Keryer. Thales calque le "business case" de la constellation sur celle d'Iridium, qui est "extrêmement lucratif", fait-il observer. Les communications gouvernementales pourraient constituer un cas d'usage majeur, compte tenu des caractéristiques de sécurité attendues des réseaux 5G non terrestres, permettant notamment de renforcer la sécurité et la résilience des réseaux gouvernementaux (sécurité nationale et sécurité publique). "On voit très bien que les forces de police et de gendarmerie ne peuvent pas admettre qu'il y ait des discontinuités de service à certains endroits où elles veulent pouvoir communiquer", constate-t-il.

"L'architecture 5G permet en outre d'apporter des couches de sécurité particulières qui permettent de faire coexister des gens comme vous et moi qui allons utiliser ce standard aussi bien terrestre que satellitaire, mais d'avoir une couche de sécurité particulière pour les forces de police ou de gendarmerie", explique Philippe Keryer.

Il existe des secteurs particuliers qui ont besoin de résilience, de redondance et de sécurité. C'est le cas du secteur des transports, notamment des véhicules autonomes ou connectés. Ces véhicules utilisent le réseau terrestre mais ils pourront utiliser les satellites pour en cas de besoin disposer d'une couverture globale. "C'est vraiment un plus d'avoir ce complément de couverture", estime le patron de la stratégie de Thales. C'est également le cas dans le domaine de l'énergie ou de la santé. Un secteur où de plus en plus d'objets connectés vont être vitaux pour suivre la santé des gens. "Garder en permanence cette connectivité est quelque chose d'important", note-t-il. Enfin, le réseau satellitaire pourrait servir de solution de secours aux réseaux terrestres en cas de pannes ou de catastrophes majeures. "On l'a vu dans le cadre du tremblement de terre de Fukushima qui avait détruit les réseaux terrestres. Avoir une duplication des réseaux terrestres en cas de panne et de catastrophe majeure peut être un plus", rappelle Philippe Keryer.

Michel Cabirol

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Commentaire 1
à écrit le 12/07/2022 à 14:08
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