
Plusieurs milliers de pièces concernées, près d'une centaine de moteurs touchés... CFM International ne pouvait pas en rester là. Le motoriste franco-américain - coentreprise entre les groupes Safran et GE Aerospace - n'a pas hésité à porter plainte contre la société britannique AOG Technics, soupçonnée d'avoir livré des pièces de rechange de moteurs CFM56 avec une documentation falsifiée. Une première audience a eu lieu mercredi devant la Haute Cour de Londres. Ce vendredi, Olivier Andriès, directeur général du groupe Safran, a apporté de premières précisions dans le cadre d'une rencontre avec l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE).
Safran et GE Aerospace ne s'attendaient probablement pas à ça lorsqu'ils ont été contactés cet été par une compagnie et un atelier de maintenance pour leur signaler une pièce de rechange de CFM56 « un peu étonnante », d'après les mots d'Olivier Andriès. Le certificat indiquait pourtant que la pièce en question avait été fabriquée chez CFM International. « Nous avons découvert que ce n'était pas le cas et que le document était faux. Nous avons tout de suite alerté les autorités de certification, la FAA (Administration fédérale américaine de l'aviation) et l'AESA (Agence européenne de la sécurité aérienne) qui ont lancé une enquête », explique le directeur général de Safran, précisant qu'AOG Technics « est une société que nous ne connaissions pas, sans aucun lien avec CFM International ».
Des milliers de pièces suspectes
En demandant à toutes les compagnies aériennes de faire remonter l'éventuelle présence de « pièces suspectes » venues de chez AOG Technics, les autorités ont découvert que « cet acteur technique avait livré un certain nombre de pièces à un certain nombre d'ateliers et que toutes ces pièces avaient été livrés avec des documents falsifiés », raconte ainsi le patron de Safran.
Dans le détail, Olivier Andriès parle de milliers de pièces concernées à travers le monde, avec pas moins de 96 moteurs identifiés. Il n'a en revanche pas voulu préciser de quelles pièces il s'agissait, se contentant d'indiquer qu'elles étaient de différents types et que « à (sa) connaissance, à date, il n'y a pas de pièces à durée de vie limitée, qui sont les plus critiques ». Mais il a aussi reconnu dans la foulée « que nous n'avions pas encore identifié l'ensemble de la population ».
Cela peut sembler une goutte d'eau dans les 23.000 moteurs CFM56 encore en service dans le monde, mais le problème est suffisamment grave pour avoir recommandé à toutes les compagnies concernées de déposer leurs moteurs pour changer les pièces suspectes afin de ne prendre aucun risque avec la sécurité. Certaines ont d'ores et déjà commencé à le faire, à l'instar de Southwest Airlines aux Etats-Unis.
Et l'ampleur réelle n'est peut-être pas encore connue. Cela ne sera sans doute pas le cas avant la fin de l'enquête de la FAA et de l'AESA, et de la procédure judiciaire. Lors de la première audience, le juge britannique a ainsi requis qu'AOG Technics remette l'ensemble de la documentation pour déterminer l'origine des pièces écoulées. La société a 14 jours pour s'exécuter.
Tromperie à grande échelle
Safran, GE et CFM International semblent en tout cas convaincus du caractère fallacieux de cette affaire. Leur avocat, Matthew Reeve, a déclaré à Reuters qu'AOG Technics s'était engagé dans un « plan délibéré, malhonnête et sophistiqué pour tromper le marché avec des documents falsifiés à une échelle industrielle ».
De son côté, Olivier Andriès a estimé qu'il était « quand même étonnant qu'une entreprise un peu fantôme ait pu livrer des pièces avec des documents falsifiés ». Et il appelle donc à en tirer les leçons en partenariat avec les autorités de certification.
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