Pour les industriels de l'armement français, la visite à Paris il y a une dizaine jours du président égyptien, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi, était classée comme très, très importante surtout dans le cadre du réchauffement des relations entre Paris et Le Caire. In fine, elle a été décevante en termes de résultats. "Il ne s'est rien passé", confirment plusieurs sources concordantes. Mais c'était clairement annoncé avant l'arrivée d'Abdel Fattah al-Sissi à Paris en dépit de la volonté de certains entourages politiques français de vouloir forcer quelque peu la main au président égyptien. Abdel Fattah al-Sissi venait surtout pour une reprise des contacts politiques à haut niveau avec la France, en général, et Emmanuel Macron, en particulier. Pas plus.
Le président français a donc envoyé une série de messages très clairs à son homologue égyptien. "Je ne conditionnerai pas notre coopération en matière de défense comme en matière économique à ces désaccords (droits de l'homme, ndlr)", a expliqué Emmanuel Macron lors d'un point de presse avec Abdel Fattah al-Sissi. "Il est plus efficace d'avoir une politique de dialogue exigeant qu'une politique de boycott qui viendrait réduire l'efficacité d'un de nos partenaires dans la lutte contre le terrorisme et pour la stabilité régionale, a-t-il précisé. (...) Ce serait inefficace sur le sujet des droits de l'homme et contre-productif dans la lutte contre le terrorisme".
Clarification de certains dossiers
Un tour pour rien ? Oui et non. La visite du président égyptien a toutefois permis de clarifier la position du Caire sur un certain nombre de dossiers armement entre les deux pays. Ainsi, Abdel Fattah al-Sissi a pu faire passer quelques messages aux trois grands patrons français du secteur qu'il a vu pendant son séjour parisien en marge des rencontres protocolaires (Airbus, Dassault Aviation et Naval Group), selon nos informations.
Il a également rencontré le lundi matin - le 7 décembre - pour un entretien bilatéral avec la ministre des Armées. Florence Parly lui a évidemment rappelé quelques dossiers en suspens comme une possible commande supplémentaire de Rafale, voire d'hélicoptères (Airbus Helicopters). Abdel Fattah al-Sissi aurait botté en touche en éludant, précise-t-on à La Tribune. Son entourage aurait en revanche exprimé un intérêt sur un dossier certes important mais mineur, l'armement des BPC, les deux porte-hélicoptères achetés à la France en octobre 2015 puis livrés en 2016. Des missiles anti-aériens de très courte portée Simbad-RC suffisent en général pour armer ces navires.
Dassault devra passer par le ministre de la défense
Pour autant, une nouvelle commande de Rafale n'est semble-t-il pas exclue par Le Caire, selon certaines sources contactées. Le président égyptien a notamment demandé au PDG de Dassault Aviation Eric Trappier de passer par son ministre de la Défense pour négocier un éventuel contrat. Est-ce là aussi une façon de botter en touche ? Car une source rompue à ce type de discussions estime qu'il vaut mieux toujours passer par Abdel Fattah al-Sissi pour ces commandes. Dassault Aviation devra donc passer par Mohamed Zaki, commandant général des forces armées, ministre de la défense et de la production militaire. En jeu : 12 Rafale supplémentaires, dont un pour remplacer un appareil égyptien accidenté, avec une possible nouvelle option pour 12 appareils supplémentaires. Par ailleurs, le dossier sur la vente d'un satellite d'observation à l'Égypte par Airbus n'était pas assez mûr pour déboucher sur un contrat, ni même sur une annonce. D'autant que certains industriels ont senti une gêne de certains responsables politiques français d'aborder les dossiers d'armement.
Le président égyptien a rencontré pour la première fois le PDG de Naval Group, Pierre Eric Pommellet. "Un rendez-vous qui a permis de remettre les compteurs à zéro et de tourner la page Guillou", explique-t-on à La Tribune. Le patron de la Marine égyptienne l'amiral Ahmed Khaled a également rencontré le PDG de Naval Group. Les relations entre le groupe naval français et l'Égypte étaient déjà sur le cap d'un réchauffement. Naval Group et la marine égyptienne sont en train de résoudre le dossier de la ligne d'arbre de la corvette Gowind égyptienne défectueuse, le groupe naval ayant consenti un geste commercial. Elle a d'ailleurs été rapatriée en France pour y être réparée. "Tant que cette affaire n'aura pas été réglée, Naval Group sera limité dans sa capacité à proposer d'autres ventes à l'Égypte", avait-on précisé à l'été à La Tribune.
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