Florian Guillermet, le nouveau Monsieur sécurité de l'aviation européenne

Reconnu pour sa détermination, Florian Guillermet va s'attaquer à un gros morceau : il est le nouveau patron de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Entre la crise issue des problèmes de qualité dans l'industrie et les impératifs de la décarbonation, la tâche s'annonce ardue. Cela tombe bien, il connaît l'aviation européenne comme sa poche et n'a pas peur de se mouiller.
Léo Barnier
Florian Guillermet est le nouveau directeur exécutif de l'AESA.
Florian Guillermet est le nouveau directeur exécutif de l'AESA. (Crédits : DR)

Florian Guillermet aime sans doute autant l'Europe que les défis. Cela tombe bien, il devrait être servi à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), dont il vient de prendre la tête le 1er avril. Succédant à un autre français, Patrick Ky, qui a occupé la fonction pendant 10 ans, le nouveau directeur exécutif va avoir nombre de défis à relever. L'Agence entre dans sa troisième décennie. Patrick Ky l'a transformée en profondeur avec la mise en place d'un nouveau règlement en 2019, qui a renforcé ses prérogatives et élargi son champ d'action aux nouvelles formes d'aviation dont les drones et les taxis aériens. Florian Guillermet va reprendre le flambeau avec pour mission de maintenir un cadre réglementaire à même d'assurer le plus haut niveau de sécurité pour le transport aérien, tout en permettant aux acteurs du secteur d'innover et d'accélérer sur le front de la décarbonation.

Certifier des avions volant avec 100% de carburant d'aviation durable

A la tête de l'EASA, cet ingénieur diplômé de Polytechnique et de l'Ecole nationale de l'aviation civile (ENAC) devra s'assurer que l'Europe soit en mesure de certifier et d'opérer des avions capables de voler avec 100 % de carburant d'aviation durable (SAF), une motorisation électrique ou hybride-électrique, une propulsion distribuée, ou même avec de l'hydrogène à bord. Le cockpit ne doit pas être non plus oublié, avec une avionique de plus en plus connectée - et donc sensible aux cybermenaces - et l'intégration de l'intelligence artificielle.

« Mon ambition est de faire passer l'AESA à la vitesse supérieure, en en faisant une organisation moderne adaptée à l'ère numérique, tout en veillant à ce que les normes les plus élevées en matière de sécurité de l'aviation civile et de protection de l'environnement soient respectées dans l'ensemble de l'écosystème de l'aviation », a déclaré Florent Guillermet à sa prise de fonctions.

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Florian Guillermet va aussi devoir absorber les ondes de choc provoquées par les déboires à répétition du 737 MAX. D'abord celle provoquée par les crashs de 2018 et 2019, qui a mis en lumière des relations trop étroites entre Boeing et l'Administration fédérale de l'aviation (FAA, équivalent américain de l'AESA). Depuis, cette dernière a repris ses distances et se montre intransigeante face à l'avionneur américain qui n'arrive plus à certifier ses avions, 737 MAX-7 et MAX-10 et 777X. Ensuite, celle provoquée par la perte d'un bouchon de porte en vol, qui a laissé voir d'importantes défaillances dans le contrôle qualité de Boeing et de sa chaîne de sous-traitance. Des problèmes de qualité qui se retrouvent chez d'autres acteurs, à l'instar de celui sur les moteurs Pratt & Whitney qui va clouer au sol 600 Airbus A320 NEO.

Il pourrait aussi être confronté à un autre défi : apporter la contribution de l'AESA à l'Ukraine pour qu'elle puisse à nouveau ouvrir son ciel aux avions commerciaux.

Fin connaisseur du jeu européen

Il en faudra sans doute plus pour effrayer Florian Guillermet, rompu aux joutes européennes, où intérêts nationaux - qu'ils soient politiques ou industriels - prennent parfois (souvent) le pas sur les réalisations communes. Il a fait ses armes pendant cinq ans au sein de l'organisation européenne de surveillance du contrôle aérien Eurocontrol, avant de passer 16 ans au sein de l'entreprise commune européenne Sesar, dont 10 comme directeur exécutif.

Or Sesar est l'exemple même de la complexité à concilier un objectif politique européen, à savoir la modernisation du contrôle aérien, des intérêts industriels et un domaine qui relève de la souveraineté nationale. Volet technologique du Ciel unique européen, Sesar a ainsi eu bien du mal à passer des projets de recherche aux déploiements opérationnels en dépit de la détermination de Florian Guillermet à mener à bien sa mission.

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Face aux contrôleurs

La même détermination dont il a fait preuve en prenant la tête en 2021 de la Direction des services de la navigation aérienne, la DSNA, qui gère les contrôleurs aériens français. Prenant la suite, là-aussi, d'un directeur resté 12 ans en poste, il s'est évertué à faire bouger cette institution souvent empreinte d'un corporatisme exacerbé et peu encline à se réformer, malgré un faible niveau de performances. « Nous avons une navigation aérienne en France qui n'est pas très performante et qui est surtout très en retard sur sa modernisation », reconnaissait-il lui-même, il y a quelques semaines

Loué pour sa vision stratégique comme sa forte connaissance du milieu opérationnel, il s'est attelé à lancer « une stratégie de transformation qui vise à revenir en maîtrise de performance, à accélérer la modernisation, à réorganiser (la DSNA) y compris au niveau de (son) implantation territoriale et enfin à mieux prendre en compte la dimension environnementale dans toutes (ses) opérations. »

Il ne pourra pas mener ces chantiers jusqu'au bout, mais l'impulsion qu'il a su donner est indéniable. Ce qui constitue déjà une avancée importante en soi. Et, en guise d'hommage, Damien Cazé, directeur général de l'aviation civile, assurait il y a peu que son successeur « aura la même ligne de conduite ».

Léo Barnier

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Commentaires 2
à écrit le 04/04/2024 à 13:13
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Mr Guillermet, directeur de la sécurité de l'aviation européenne, c'est plutot comique quand on sait que ce monsieur était DSNA ( Directeur des services de la Navigation Aérienne ) quand il y a eu fin mars une panne majeure avec perte de visualisatio...

à écrit le 03/04/2024 à 10:23
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BOEING fait n'importe quoi en matière de sécurité, il serait temps de souligner ces faits car si son principale concurrent qu'est AIRBUS ne met pas le doigt ou ça fait mal cela veut dire qu'ils s'estiment eux aussi susceptibles d'installer du matérie...

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